(Washington) En coordination avec les Européens, Washington a envoyé mercredi un nouveau signal fort aux oligarques russes en créant une cellule d’enquêteurs chargés de les poursuivre et, éventuellement, de saisir leurs avions, yachts et autres biens de luxe.

Depuis l’entrée de troupes russes en Ukraine, les pays occidentaux ont ajouté de nombreux hommes d’affaires ultra-riches considérés comme proches du président Vladimir Poutine sur la liste des personnalités visées par des sanctions.

Les États-Unis ont ainsi gelé les avoirs et bloqué l’entrée sur leur territoire à Igor Setchine, patron du groupe pétrolier Rosneft, mais n’ont pas encore révélé la liste complète des oligarques dans leur viseur.

Sans attendre, le président Joe Biden a menacé, mardi soir lors d’un discours au Congrès, de saisir leurs « yachts, appartements de luxe, et jets privés », « mal acquis ».

Dans la foulée, son secrétaire de la Justice Merrick Garland a annoncé la création d’une cellule dédiée à la poursuite des « oligarques russes corrompus » et de tous ceux qui violeraient les sanctions adoptées par Washington contre Moscou après l’invasion de l’Ukraine.

« Nous ne ménagerons aucun effort pour enquêter, arrêter et poursuivre tous ceux dont les actes criminels permettent au gouvernement russe de poursuivre cette guerre injuste », a déclaré le secrétaire dans un communiqué.

Baptisée « KleptoCapture », cette cellule comptera plus de dix procureurs, spécialistes de droit pénal ou de sécurité nationale, ainsi que des enquêteurs de la police fédérale, mais aussi des impôts ou des services postaux.

Ils veilleront notamment au respect des mesures prises contre les institutions financières russes, en surveillant par exemple l’utilisation des cryptomonnaies et travailleront avec un « groupe de travail transatlantique » annoncé samedi soir par l’UE, Washington, le Canada et plusieurs pays européens.

Selon le ministère, « des arrestations et des inculpations auront lieu quand les faits le permettront ».

La justice américaine pourra également saisir des biens appartenant à des personnes visées par des sanctions si ceux-ci sont issus de « conduite illégale », précise le ministère.

« Cachés en plein jour »

Pour l’instant, les avoirs de certains oligarques sont gelés, ce qui veut dire qu’ils ne peuvent les vendre ou les louer, mais qu’ils en gardent la propriété.

Saisir leurs biens sera « très difficile », estime Peter Rutland, professeur à l’université Wesleyan et expert des élites russes. « Ils sont souvent cachés par de nombreuses sociétés offshore et au nom de proches », explique-t-il. De plus, les grandes fortunes russes ont souvent plusieurs passeports.

Enfin, dit-il, « les États-Unis sont un État de droit et le gouvernement ne peut pas saisir de biens sans preuve » de malversations.

Aux États-Unis, les oligarques sont un peu moins visibles qu’à Londres, Chypre ou en Israël, souligne-t-il. « Ils font davantage profil bas » même s’ils sont présents dans de nombreux secteurs d’activités.

Ils ont notamment acheté de nombreux appartements à New York. Dans un tweet localisant leurs biens, le « maire » du quartier de Manhattan, Mark Levine, a estimé qu’ils « se cachaient en plein jour » et a appelé à « saisir leurs propriétés ».

Quand bien même cela aurait lieu, Peter Rutland ne pense pas que cela puisse influer sur le cours de la guerre en Ukraine. « Ces oligarques n’ont plus d’influence politique aujourd’hui » sur Vladimir Poutine dont les motivations ne sont pas financières, estime-t-il.

« L’Occident peut saisir quelques propriétés de l’élite russe, ça nous fait nous sentir mieux et ça les rend un peu en colère, mais cela ne changera pas la dynamique du conflit. »