(Washington) Trois Américains blancs, condamnés pour avoir pourchassé et tué il y a deux ans le jeune joggeur noir Ahmaud Arbery, ont également été reconnus coupables mardi de « crime raciste » par un jury fédéral, dans une affaire qui était devenue un symbole lors des grandes manifestations antiracistes de l’été 2020 aux États-Unis.

Travis McMichael, 36 ans, son père, Gregory McMichael, 66 ans, et leur voisin William Bryan, 52 ans, avaient déjà été reconnus coupables du meurtre d’Ahmaud Arbery et condamnés à la prison à vie par la justice de l’État de Géorgie.  

Mais ce premier procès n’avait fait qu’effleurer la dimension raciste du drame, contrairement à ce second procès fédéral ayant mis cette question au centre des débats.

Peu après l’annonce du verdict, la famille d’Ahmaud Arbery est sortie du tribunal en se tenant les mains, levées en l’air en signe de victoire.

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L’avocat Benjamin Crump (au centre, cravate jaune) tient les mains de la mère (à gauche) et du père (à droite) d’Ahmaud Arbery.

« Nous avons obtenu justice pour Ahmaud », a déclaré à la presse son père, Marcus Arbery, depuis Brunswick, localité côtière de Géorgie.

« Cela a été une longue et éprouvante bataille », a ajouté la mère d’Ahmaud Arbery, Wanda Cooper-Jones.

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Wanda Cooper-Jones, mère d’Ahmaud Arbery

Nous avons obtenu une victoire aujourd’hui, mais il y a tellement de familles pour qui ce n’est pas le cas.

Wanda Cooper-Jones, mère d’Ahmaud Arbery

Durant le procès, l’accusation a notamment listé les insultes racistes particulièrement violentes proférées par les trois hommes par le passé, dans le but de rendre compte de l’état d’esprit des accusés lorsqu’ils se sont lancés à la poursuite d’Ahmaud Arbery. Selon la procureure, le fils McMichael avait par exemple qualifié les Afro-Américains de « criminels », de « singes », « de sauvages et de sous-hommes ».

Les délibérations du jury, composé de huit personnes blanches, trois noires et une hispanique, ont duré moins d’une journée.

Emblème

Ahmaud Arbery « a été lynché pour avoir fait un jogging tout en étant noir », a déclaré mardi à la presse l’avocat de la famille, Ben Crump, qui avait également défendu les proches de George Floyd, un Afro-Américain mort asphyxié sous le genou d’un policier blanc.  

Je crois qu’il s’agit de la première condamnation fédérale d’un crime motivé par la haine dans l’État de Géorgie.

Ben Crump, avocat de la famille Arbery

Le « crime motivé par la haine » désigne aux États-Unis un acte dirigé contre une personne ciblée en raison de certaines caractéristiques de son identité.

Il y a deux ans quasiment jour pour jour, le 23 février 2020, Ahmaud Arbery, 25 ans, faisait un jogging à Brunswick, quand il a été pris en chasse par les trois hommes, armés et à bord de deux camionnettes. Après quelques minutes de course-poursuite, Travis McMichael l’avait abattu.  

Pendant plus de deux mois, la police n’avait procédé à aucune interpellation et il avait fallu la diffusion d’une vidéo du drame, relayée massivement sur l’internet, pour que l’enquête démarre.  

Ahmaud Arbery était ensuite devenu un emblème du mouvement Black Lives Matter lors des grandes manifestations antiracistes de 2020.

Lors de leur premier procès, les trois hommes avaient assuré avoir pris le jeune Afro-Américain pour un cambrioleur actif dans le quartier et avoir voulu l’arrêter.  

« Pris pour cible »

« Personne ne devrait craindre en sortant courir d’être pris pour cible et tué à cause de la couleur de sa peau », a déclaré mardi le ministre américain de la Justice, Merrick Garland, lors d’une conférence de presse l’ayant montré par moments visiblement ému.

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Merrick Garland, ministre américain de la Justice

« Ahmaud Arbery devrait être en vie aujourd’hui », a-t-il souligné, tout en « saluant » le verdict. Ce dernier « indique clairement que le ministère de la Justice continuera à utiliser toutes les ressources à sa disposition pour s’attaquer aux actes de haine, et faire rendre des comptes à ceux qui les perpètrent », a ajouté M. Garland.  

À l’approche du procès fédéral, le père et le fils McMichael avaient passé un accord de plaider-coupable avec les procureurs, admettant pour la première fois avoir nourri des préjugés racistes.  

La famille s’était alors farouchement opposée à cet accord, a rappelé mardi la mère Wanda Cooper-Jones, dénonçant la décision des procureurs.  

Mais cet accord, qui aurait permis aux deux hommes d’être transférés dans une prison fédérale, avait finalement été invalidé par une juge.