(Washington) Discussion au coin du feu entre solides alliés : Joe Biden a vanté lundi l’étroit partenariat liant les États-Unis au Qatar, riche émirat gazier, au moment où Washington cherche à trouver, pour les Européens, des alternatives au gaz russe.

Le président américain, recevant le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani auprès de la cheminée dans le bureau ovale, a annoncé qu’il entendait accorder au pays du Golfe le rang officiel, et lourd de symboles, d’« allié majeur hors OTAN » des États-Unis. « Je pense qu’il est plus que temps », a-t-il estimé.

PHOTO JACK GUEZ BRENDAN SMIALOWSKI, AGENCE FRANCE-PRESSE

La Maison-Blanche a indiqué que le président américain avait déjà rencontré le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani lorsqu’il était le vice-président de Barack Obama, et que par ailleurs il s’était entretenu avec lui l’été dernier pour le remercier du rôle crucial joué par le Qatar dans l’évacuation des Américains et de leurs alliés d’Afghanistan.

La visite a par ailleurs permis au géant américain Boeing d’engranger une énorme commande de Qatar Airways.

Le titre d’allié majeur hors OTAN est une qualification juridique que les États-Unis ont accordée jusqu’ici à 17 pays seulement.  

Elle permet au pays concerné d’avoir accès à certains privilèges en matière de défense et d’économie, mais ne garantit pas, au contraire de l’appartenance à l’OTAN, la protection militaire des États-Unis.

Le titre est toutefois révélateur de l’importance du Qatar, qui abrite déjà une grande base américaine, aux yeux des États-Unis.

Liste des pays alliés majeurs hors OTAN

Nommé par Joe Biden
Qatar (2022)

Nommés par George H. W. Bush
Australie (1989)
Égypte (1989)
Israël (1989)
Japon (1989)
Corée du Sud (1989)

Nommés par Bill Clinton
Jordanie (1996)
Nouvelle-Zélande (1997)
Argentine (1998)

Nommés par George W. Bush
Bahreïn (2002)
Philippines (2003)
Thaïlande (2003)
Taïwan (de facto : 2003)
Koweït (2004)
Maroc (2004)
Pakistan (2004)

Nommés par Barack Obama
Afghanistan (2012
Tunisie (2015)

Nommé par Donald Trump
Brésil (2019)

L’émirat a joué un rôle crucial dans l’évacuation des Américains et de leurs alliés d’Afghanistan, et il continue à représenter les intérêts américains dans le pays.

« Notre partenariat avec le Qatar a joué un rôle central pour nos intérêts les plus stratégiques : relocaliser des dizaines de milliers d’Afghans, maintenir la stabilité à Gaza et fournir une assistance vitale aux Palestiniens, maintenir la pression sur le groupe État islamique », a énuméré Joe Biden.

Le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani a lui déclaré que l’entretien porterait « principalement sur la sécurité de (la) région ».  

Joe Biden a dit vouloir aussi parler avec son homologue de « stabilité de l’offre mondiale d’énergie », alors que Washington et les Européens cherchent des alternatives si jamais le gaz russe venait à manquer, en cas d’attaque de la Russie contre l’Ukraine.

Pas une « baguette magique »

L’émirat du Golfe détient d’immenses réserves et il est le premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié.

« Des négociations sont en cours » pour rediriger si besoin des livraisons de gaz prévues pour les marchés asiatiques vers l’Europe, a déclaré à l’AFP un responsable qatari avant la rencontre.

Mais « le Qatar n’a pas de “baguette magique” pour répondre aux pénuries de gaz en Europe », estime Bill Farren-Price, directeur du cabinet de conseil en énergie Enverus.

L’émirat est au maximum de ses capacités de production et il doit déjà honorer des contrats à long terme avec l’Asie.  

Boeing

Le partenariat économique entre les États-Unis et le Qatar, déjà gros client de l’industrie de la défense et de l’aéronautique américaine, s’est lui également approfondi.

Qatar Airways a commandé lundi 34 versions cargo du nouveau gros-porteur de Boeing, le 777 X, avec une option pour 16 appareils supplémentaires, devenant ainsi le premier transporteur à acheter cet appareil avec ce contrat de plus de 20 milliards de dollars.

La compagnie — qui est en conflit ouvert avec l’européen Airbus, le grand rival de Boeing — a aussi signé une lettre d’intention pour 25 appareils 737-10 et indiqué être prête à commander au total jusqu’à cinquante 737 MAX.

David Calhoun, patron de l’avionneur, a déclaré que derrière cette commande il y avait des « emplois américains ».

De quoi ravir Joe Biden, qui veut revitaliser l’industrie américaine. Il a dit lundi « applaudir » ce contrat qui « va soutenir des dizaines de milliers d’emplois bien payés. »

Les Qataris « veulent se positionner sur ce créneau d’allié stratégique le plus important pour les États-Unis dans le Golfe », indique à l’AFP Andreas Krieg, professeur au King’s College de Londres.  

Le Qatar partage par ailleurs le plus grand gisement gazier du monde avec l’Iran, et chercherait selon les experts à jouer un rôle de médiation entre les États-Unis et Téhéran sur le difficile dossier du nucléaire iranien.