(Washington) La sénatrice américaine Kirsten Gillibrand est sur le point d’accomplir sa mission après avoir passé des années à réclamer le retrait de la gestion des dossiers de plaintes à caractère sexuel dans l’armée des mains de la chaîne de commandement militaire.

Il reste toutefois un obstacle devant la ligne d’arrivée et son succès pourrait dépendre de sa capacité à dissiper la méfiance face à la transformation en profondeur qu’elle souhaite voir opérer dans le système de justice militaire.

La sénatrice dispose désormais de nombreux appuis pour le recours à des avocats militaires indépendants dans la gestion des plaintes d’inconduite sexuelle, mais Mme Gillibrand veut aller plus loin. La sénatrice veut appliquer ce même principe à toutes les affaires de crimes majeurs.

Pour les hauts gradés du Pentagon et plusieurs élus influents, ce pas de plus nécessiterait beaucoup plus de recherches, d’analyses et de débats.

En entrevue avec l’Associated Press, Kirsten Gillibrand explique que la transformation en profondeur du système est essentielle pour lutter contre les injustices raciales dans l’armée. Elle dit s’appuyer sur des études démontrant que les Noirs sont plus à risque de faire l’objet d’enquêtes et d’être arrêtés pour des affaires d’inconduite.

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La sénatrice démocrate de New York, Kirsten Gillibrand

Serait-elle prête à aller jusqu’à compromettre l’adoption de son projet de loi ? La sénatrice Gillibrand répond que beaucoup de temps a déjà passé. « On travaille là-dessus depuis huit ans. On a réussi à faire adopter quelque chose chaque année et certaines choses ne fonctionnent pas. On a besoin de cette réforme en profondeur », a renchéri la démocrate de New York.

« C’est un projet de loi qui arrive à point », insiste-t-elle.

Mais depuis des années, les élus ont réservé leurs efforts de changements dans le système de justice militaire aux affaires de crimes sexuels. Les victimes, majoritairement des femmes, ont longtemps été réticentes à porter plainte par crainte de ne pas être crues ou de subir des représailles.

Elles dénoncent le fait que de nombreuses allégations sont enterrées par le bon vieux « boys’club » au sein du commandement. Dans d’autres cas, les agresseurs s’en tirent avec des conséquences minimes.

Ces dénonciations ont fait grand bruit et ont obtenu l’appui d’un nombre grandissant d’élus au Capitole des États-Unis et au Pentagone. Les autorités reconnaissent que malgré des années d’efforts, peu de progrès a été réalisé pour lutter contre les inconduites sexuelles dans l’armée.

Pour la première fois, le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, et le général Mark Milley, président de l’Instance collégiale des chefs d’état-major, ont déclaré qu’ils étaient ouverts à retirer la gestion des accusations de crimes sexuels des mains de la chaîne de commandement.

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Le secrétaire à la Défense Lloyd Austin et le général Mark Milley

Cependant, les deux hommes croient également qu’il faudrait beaucoup plus de temps et de travail avant d’élargir ce principe à tous les crimes majeurs.