(Washington) La Cour suprême des États-Unis a refusé jeudi d’invalider la loi phare de Barack Obama sur l’assurance maladie, laissant en place la couverture maladie de millions d’Américains.

Sa décision, prise à la majorité de sept juges sur neuf, représente un camouflet a posteriori pour l’ancien président Donald Trump, qui a essayé par tous les moyens de faire invalider la loi emblématique de son prédécesseur.

« C’est une grande victoire pour les Américains », a réagi le président démocrate Joe Biden, en évoquant la formule qu’il avait lâchée lors de la promulgation du texte en 2010 et restée dans les annales : It’s a big fucking deal (« C’est une putain de grosse affaire »).

Lors du processus, Joe Biden avait jugé « cruelle » cette ultime tentative d’annuler une loi qui s’est avérée particulièrement utile pendant la pandémie de COVID-19, dans un pays où les soins de santé sont particulièrement onéreux.

C’est la troisième fois que la Cour valide cette loi honnie des républicains. Cette fois, son arrêt est fondé sur un argument de procédure : selon elle, le Texas et les autres États républicains qui ont introduit le recours n’étaient pas habilités à le faire.

La cheffe démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, s’est réjouie que cette loi « survive comme un pilier de la sécurité sanitaire et économique » du pays et a salué une « décision historique » après des « efforts sans relâche des républicains » pour la démanteler.

« Clé de voûte »

Dans sa forme originelle, l’« Obamacare » obligeait tous les Américains, même ceux qui sont en bonne santé, à souscrire une assurance sous peine de pénalités financières, et contraignait les compagnies à assurer tous les clients potentiels, quel que soit leur état de santé.

Cette réforme a permis d’offrir une couverture maladie à 31 millions d’Américains qui n’en avaient pas jusque-là, mais les républicains ont toujours considéré l’obligation d’assurance comme un abus de pouvoir du gouvernement.

Leur premier recours visait donc ce « mandat individuel ». La Cour suprême l’avait validé en 2012, en estimant que les pénalités financières pouvaient être considérées comme des impôts et justifiaient l’intervention de l’État.

À son arrivée à la Maison-Blanche, Donald Trump avait tenté d’abroger la loi au Congrès, mais avait essuyé un cuisant revers. Les élus républicains étaient toutefois parvenus à l’amender en 2017 et avaient réduit à zéro les amendes pour défaut d’assurance.

De nombreux États républicains avaient alors introduit de nouveaux recours en justice, plaidant que la loi ne tenait plus. En décembre 2018, un juge fédéral du Texas leur avait donné raison : « la clé de voûte » de l’édifice étant tombée, toute la loi est inconstitutionnelle, avait-il décidé.

C’est cette décision que la Cour suprême a invalidée jeudi. « Nous n’avons pas tranché la question de la validité de la loi, mais le Texas et les autres plaignants ne sont pas compétents pour la poser », a écrit le juge progressiste Stephen Breyer au nom de la majorité de ses collègues.

Amy Coney Barrett avec la majorité

Deux des trois juges nommés par Donald Trump font partie de cette majorité, ce qui constitue également un revers pour l’ancien président, à qui la nouvelle Cour n’a pas offert de victoires d’importance malgré sa solide majorité conservatrice.

L’Obamacare avait pourtant été l’angle d’attaque principal des élus démocrates lors du houleux processus de confirmation de la magistrate conservatrice Amy Coney Barrett en octobre, juste avant la présidentielle.

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La juge conservatrice Amy Coney Barrett

Elle « a dit qu’elle voulait se débarrasser » de cette loi, avait accusé Joe Biden, qui avait mis les questions de santé au cœur de sa campagne électorale. Les élus du Congrès avaient affiché de larges photos de bénéficiaires de l’Obamacare lors de son audition.

« Je ne suis pas hostile » à cette loi ni « en mission pour la détruire », s’était-elle défendue, sans convaincre à l’époque. Mais au bout du compte, elle a bien voté avec la majorité.

En décembre, la nouvelle Cour avait déjà déçu Donald Trump en refusant d’invalider sa défaite à la présidentielle.

Mais elle a accepté récemment des dossiers portant sur le port d’armes et l’avortement, laissant entendre qu’elle pourrait infléchir sa jurisprudence dans un sens favorable aux conservateurs sur ces sujets très controversés aux États-Unis.