(Washington) Les forces policières des États-Unis ont été balayées par une vague de départs à la retraite et peinent à recruter de nouveaux agents depuis le meurtre de George Floyd par un policier l’an dernier.

Plusieurs communautés se demandent maintenant qui devrait enfiler un uniforme.

Les départs à la retraite au sein de certains départements sont en hausse de 45 % sur un an, selon des données compilées par le Police Executive Research Forum et partagées avec l’Associated Press. Les mêmes données démontrent que les embauches ont chuté de 5 %.

Plusieurs politiciens ont promis d’adopter des réformes — par exemple, en abolissant l’immunité dont jouissent les policiers pour des gestes posés en devoir — et assurent qu’ils veulent réformer la police pour le 21e siècle. Les recruteurs cherchent de leur côté de plus en plus des candidats différents.

Il y a quelques années, les principales qualifications d’un candidat étaient reliées à sa stature physique. Aujourd’hui, les corps policiers disent chercher des agents capables de réfléchir. Ils veulent aussi que les nouveaux officiers puissent être représentatifs de leur communauté.

« Auparavant, tu voulais quelqu’un avec une bonne force physique, a dit le chef de la police d’Atlanta, Rodney Bryant. Ce n’est pas ce qu’on cherche pour les policiers d’aujourd’hui. On cherche quelqu’un qui s’identifie à la communauté, mais aussi qui pense comme la communauté. »

Mais le climat d’aujourd’hui, combiné à une hausse de la criminalité dans certaines villes, crée ce que Chuck Wexler, le patron du Police Executive Research Forum, qualifie de « situation explosive ».

Il y a une « crise qui arrive pour les chefs de police quand ils regardent de quelles ressources ils ont besoin, surtout dans une période où on constate une augmentation des meurtres et des fusillades, a-t-il dit. C’est un réveil brutal. »

Les données compilées par l’organisation de M. Wexler concernent 200 corps policiers américains, soit une fraction des quelque 18 000 départements à travers le pays. Mais cette initiative est l’une des seules à s’être penchée sur la rétention et le recrutement de policiers depuis que M. Floyd a été tué à Minneapolis le 25 mai. L’ancien policier Derek Chauvin a été reconnu coupable de meurtre et attend sa sentence.

PHOTO COURT TV VIA ARCHIVES AP

L’ex-policier Derek Chauvin

« C’est difficile de recruter ceux qui pensent que la police est contre eux », a dit Lynda R. Williams, la présidente de la National Organization of Black Law Enforcement Executives.

Le chef Bryant en sait quelque chose. Dans les semaines suivant la mort de George Floyd, un policier blanc, Garrett Rolfe, a abattu un homme noir, Rayshard Brooks, dans le stationnement d’un restaurant Wendy’s.

Les évènements se sont ensuite bousculés : M. Rolfe a été congédié, le chef a démissionné et un procureur local a déposé des accusations d’homicide contre M. Rolfe — un évènement rare lors d’une fusillade impliquant un policier. Environ les deux tiers des quelque 1600 policiers d’Atlanta sont noirs.

Puis la « grippe bleue » a frappé, quand un nombre élevé de policiers ont pris un congé de maladie en guise de protestation. M. Bryant, qui était alors le chef intérimaire, reconnaît que ça s’est produit à Atlanta après le dépôt d’accusations contre M. Rolfe.

« Il y en a qui sont en colère. Il y en a qui ont peur. Il y en a qui sont confus. Certains se sentent abandonnés », a dit M. Bryant l’été dernier, au plus fort de la crise.

Mme Williams croit néanmoins que la prochaine génération de policiers sera porteuse d’une attitude nouvelle et qu’elle sera source de progrès en rendant les départements plus diversifiés et plus inclusifs.

« Ils sont le changement qu’on veut voir », a-t-elle dit.

Le recrutement reste difficile. Dans des villes comme Philadelphie, on consacre beaucoup de temps à fouiller la présence en ligne des candidats à la recherche d’éléments inquiétants. Ailleurs, des écarts de salaires et d’avantages sociaux entre deux départements voisins avivent la compétition et complique la rétention des meilleurs agents.

Les dirigeants de Dallas tentent depuis 10 ans d’attirer des candidats et de retenir les policiers en service, alors que le moral est miné par les faibles salaires et le quasi-effondrement du régime de retraite.

Malgré leurs efforts, Dallas compte aujourd’hui environ 3100 policiers, comparativement à plus de 3300 en 2015. Ce déclin survient au moment où la population de la ville augmente et surpasse maintenant 1,3 million de personnes. Le département compte environ 44 % des policiers blancs, 26 % de policiers noirs et 26 % de policiers latino. La charge de travail des policiers et enquêteurs est donc en hausse, dans un contexte de tensions raciales.

En 2016, cinq policiers ont été tués à Dallas par un tireur qui voulait venger les Noirs tués ou blessés par la police ailleurs. Deux ans plus tard, une policière qui n’était pas en service a abattu son voisin chez lui. Elle a été congédiée et condamnée à dix ans de prison pour meurtre.

Le président de l’Association des policiers de Dallas a dit que le climat politique national, les salaires locaux et les déboires du régime de retraite compliquent le recrutement dans sa ville.

En 2019, toutefois, une société d’experts-conseils embauchée par Dallas pour examiner son corps policier a conclu que la ville n’avait pas seulement besoin de plus d’agents, mais aussi d’un « réalignement de sa stratégie, de ses objectifs, de sa mission et de ses tactiques ».

À Los Angeles, le département doit combattre une vieille réputation de comportements scandaleux et de racisme. Le responsable du recrutement, le capitaine Aaron McCraney, et le chef Michel Moore ont embauché 48 nouveaux agents l’an dernier, dont une moitié de femmes. La pandémie, les tensions civiles et l’instabilité économique ne sont que quelques-uns des défis qui les attendent.

« C’est une période difficile, mais c’est aussi une période intéressante, a dit M. McCraney. Ça va finir par passer, et nous allons passer à de meilleures choses. »