Des pelotons d’exécution pourront désormais être utilisés afin de faciliter l’application de la peine capitale en Caroline du Sud, qui souhaite surmonter l’impasse suscitée par son incapacité à acquérir les produits médicamenteux traditionnellement utilisés pour procéder par injection létale.

Le gouverneur de l’État, Henry McMaster, a expliqué il y a quelques jours, en approuvant le projet de loi, que l’autorisation de cette méthode était nécessaire pour que les familles des victimes de crimes violents puissent enfin « obtenir justice », les dernières exécutions datant d’il y a plus de 10 ans.

Les condamnés à mort, qui pouvaient choisir entre la chaise électrique et l’injection létale, optaient pour la seconde méthode, sachant que les autorités carcérales ne disposent plus depuis des années des produits requis en raison de l’opposition des firmes pharmaceutiques concernées.

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Chaise électrique de l’État de la Caroline du Sud, à Columbia

À moins d’un improbable déblocage sur ce plan, les détenus qui ont épuisé leurs recours juridiques devront désormais opter pour l’électrocution ou le peloton d’exécution. Dans ce dernier cas, le détenu est immobilisé sur une chaise et un groupe de tireurs le cible au cœur pour le tuer.

L’un des législateurs à l’origine de la réforme en Caroline du Sud a plaidé à l’appui de sa démarche que cette méthode d’exécution était « l’une des moins douloureuses » qui existent.

Austin Sarat, un professeur de droit et de science politique d’Amherst College, au Massachusetts, note en entrevue que le fait de se faire tirer quatre ou cinq balles dans le cœur peut difficilement être décrit comme « une façon humaine de mourir », quoi qu’en disent les autorités locales.

L’application de la peine capitale aux États-Unis a longtemps été sous-tendue par la croyance qu’il était possible de trouver une méthode d’exécution « sûre, fiable et humaine ».

En ramenant les pelotons d’exécution, une méthode peu utilisée dans l’histoire du pays, les dirigeants de la Caroline du Sud reconnaissent en quelque sorte que cette quête était illusoire et qu’une telle méthode n’existe pas, relève le chercheur.

Il est ironique, note par ailleurs M. Sarat, qu’un État décide de recourir à la violence des armes pour punir des criminels alors que ces mêmes armes font des ravages partout au pays.

Les pelotons d’exécution, qui sont aussi permis en théorie au Mississippi, en Oklahoma et dans l’Utah, n’ont été utilisés historiquement que pour une trentaine d’exécutions, dont trois dans les 30 dernières années.

Controverse

À l’échelle du pays, la pendaison a longtemps été favorisée avant d’être remplacée au début du XXsiècle par l’électrocution et la chambre à gaz. L’injection létale s’est imposée ensuite dans les années 1970 avant de se compliquer en raison de l’opposition des firmes pharmaceutiques.

Nombre d’exécutions bâclées, imputables en partie à l’expérimentation de nouveaux cocktails médicamenteux, ont alimenté une vive controverse et contribué au déclin de la peine capitale, en net recul depuis maintenant des années.

Selon le Death Penalty Information Center (DPIC), 17 exécutions ont eu lieu aux États-Unis en 2020, alors qu’un sommet d’une centaine avait été observé à la fin des années 1990.

L’appui de la population américaine à la peine de mort a parallèlement baissé pour s’établir à 55 % après avoir atteint un sommet de 80 %, selon un récent sondage Gallup.

Le professeur Sarat note que les exécutions bâclées n’expliquent qu’une partie du recul observé.

Les réserves de la population par rapport à la peine de mort sont aussi imputables, dit-il, au fait que nombre de cas d’erreur judiciaire ont été relevés au fil des ans et que des biais raciaux jouent négativement dans le processus décisionnel.

La section de l’American Civil Liberties Union de la Caroline du Sud a d’ailleurs durement critiqué la décision des législateurs d’élargir les méthodes pouvant être utilisées pour appliquer la peine de mort plutôt que de l’abolir. L’organisation voit dans le système existant une « forme de lynchage moderne » qui reproduit « l’histoire raciste » de l’État et pénalise indûment la population noire.

Joe Biden contre la peine capitale

Le président américain Joe Biden, qui est opposé à la peine de mort, a indiqué qu’il entendait suspendre son application par le gouvernement fédéral alors que l’administration de son prédécesseur, Donald Trump, avait plutôt décidé de mettre fin à un long moratoire pour procéder en un an à l’exécution d’une douzaine de détenus.

M. Sarat note que c’est la première fois de l’histoire des États-Unis qu’un président condamnant « ouvertement » le recours à la peine capitale est porté au pouvoir.

La situation témoigne éloquemment de l’importance du virage en cours dans la société américaine, souligne l’universitaire, qui se réjouit de constater que le nombre d’États pratiquant des exécutions ne cesse de reculer.

Selon le plus récent décompte du DPIC, 34 États ont interdit la peine capitale ou n’ont pas procédé à une exécution depuis plus de 10 ans.