(Washington) Un éminent médecin du Texas exhorte les États-Unis à en faire plus pour aider les Canadiens à se faire vacciner contre la COVID-19.

Le Dr Peter Hotez, un visage familier des téléspectateurs de nouvelles par câble dans les deux pays, affirme que les États-Unis ont l’obligation morale d’étendre la vaccination au-delà de leurs frontières, y compris au Canada.

Dans une entrevue accordée lundi à La Presse Canadienne, le Dr Hotez a déclaré qu’il avait supposé, comme beaucoup d’Américains, que le Canada avait suivi le rythme des États-Unis pour ce qui est d’offrir à ses citoyens la protection dont ils ont besoin.

Puis, il a regardé les chiffres.

« J’ai été vraiment étonné. Seulement à peu près le tiers du pays a reçu une première dose, et pratiquement personne n’a été complètement vacciné », a déclaré le Dr Hotez, qui est doyen de l’école de médecine tropicale de l’Université Baylor à Houston.

« Je ne peux pas croire que les États-Unis ne sont pas en train d’aider, étant donné que la quantité de doses que nous aurions à fournir est relativement petite… (et que nous soyons) inconscients du fait que c’est dans notre propre intérêt éclairé de le faire. »

Le Dr Hotez a qualifié de « ridicule » l’idée selon laquelle la transmission du virus pourrait être arrêtée en vaccinant Detroit sans vacciner Windsor, en Ontario, qui se trouve juste de l’autre côté du pont Ambassadeur, sur la rivière Detroit.

De plus, les quelque 38 millions d’habitants du Canada représentent une fraction des 332 millions d’habitants des États-Unis, une « quantité négligeable » en ce qui a trait au nombre de doses de vaccin nécessaires, a-t-il ajouté.

« Le fait est qu’il y a des raisons émotionnelles de le faire et des raisons pragmatiques de le faire. »

Le Canada n’est cependant pas le seul pays à avoir besoin d’aide.

Le Mexique, qui partage également une frontière avec les États-Unis, est en moins bonne posture que le Canada pour vacciner ses 130 millions de résidents. La douloureuse tragédie d’une nouvelle vague en Inde, ainsi que l’inquiétude croissante au sujet du Brésil, font accroître la pression sur la Maison-Blanche pour qu’elle en fasse plus.

Le président américain a précisé mardi que les États-Unis aidaient déjà l’Inde avec des matières premières et des pièces pour la fabrication de vaccins, et que Washington en était encore à déterminer comment distribuer les doses excédentaires d’AstraZeneca.

« D’ici le 4 juillet, nous allons envoyer à d’autres pays environ 10 % de ce que nous avons », a déclaré Joe Biden, sans mentionner de pays spécifiques au-delà des 4 millions de doses d’AstraZeneca déjà partagées avec le Mexique et le Canada. Les États-Unis commenceront aussi bientôt à partager des doses de Pfizer-BioNTech et de Moderna au-delà de leurs frontières, a promis le président.

Les brevets

Un chœur croissant de voix internationales, y compris des législateurs progressistes aux États-Unis, enjoint le président Biden à accepter une proposition présentée à l’Organisation mondiale du commerce qui réduirait la protection des brevets et de la propriété intellectuelle, permettant aux pays en développement d’accélérer leurs propres efforts de fabrication de vaccins.

La puissante industrie pharmaceutique américaine s’oppose à une telle démarche, craignant une menace existentielle pour un modèle économique rentable.

« Nous sommes en guerre contre le virus, et pourtant ce que nous voyons, ce sont des profits de guerre ; nous voyons que les profits ont priorité sur les personnes », a déclaré mardi la représentante américaine Jan Schakowsky, une démocrate de l’Illinois, lors d’une table ronde.

« L’Organisation mondiale de la santé a déclaré qu’il y a un milliard de doses de vaccin distribuées, mais seulement 0,3 % de ces doses sont allées aux pays pauvres et en développement. C’est tout simplement inacceptable. »

Mme Schakowsky fait partie de ceux qui soutiennent une proposition de l’Inde et de l’Afrique du Sud pour une dérogation à un accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) vieux de 27 ans qui protège les secrets commerciaux pharmaceutiques, un mouvement qui a progressivement pris de l’ampleur ces dernières semaines.

Brajendra Navnit, l’ambassadeur de l’Inde auprès de l’OMC, a fait mardi un plaidoyer passionné pour la dérogation aux aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce, insistant sur le fait que le coût financier du partage des informations serait dix fois moins grand que ce qui serait gagné avec la reprise économique qui en résulterait.

« Quiconque pensant que l’exemple de l’Inde a montré que […] nous sommes sauvés en vaccinant (notre) propre population, cela n’arrivera pas », a déclaré M. Navnit.

« Nous avons vu avec la rougeole, nous avons vu avec la variole, nous avons vu récemment avec la polio que ce n’est que lorsque vous faites une vaccination mondiale que vous pouvez vous débarrasser du virus. »

Le premier ministre Justin Trudeau a acquiescé mardi à l’argument selon lequel personne n’est en sécurité tant que cette sécurité n’est pas collective, mais n’a pas précisé si le Canada voterait pour la proposition de dérogation.

« Je sais que les discussions sur la protection des brevets sont en cours et que le Canada y participe activement », a déclaré M. Trudeau.

« Nous comprenons à quel point il est important de fournir des vaccins aux plus vulnérables dans le monde, et nous continuerons à travailler pour cela. »

Le président Biden a promis pendant sa campagne électorale que les États-Unis partageraient leur savoir-faire en matière de fabrication de vaccins, mais il n’a pas encore tenu cette promesse, selon des détracteurs.

La représentante américaine du commerce, Katherine Tai, a semblé suggérer mardi que la question était très présente dans son esprit.

« Nous faisons de réels progrès pour mettre fin à la pandémie, mais je sais que nous avons encore beaucoup de travail à faire », a déclaré Mme Tai dans une allocution préparée, à la Conférence de Washington consacrée aux Amériques.

« Cela comprend la diffusion du vaccin et la lutte contre les inégalités mondiales. Ce n’est pas seulement une exigence de santé publique. Notre reprise économique en dépend. »