(Washington) Les trois principaux distributeurs américains de médicaments opiacés comparaissaient lundi pour la première fois devant un tribunal fédéral à Charleston, en Virginie-Occidentale, accusés d’avoir inondé cet État, l’un des plus pauvres des États-Unis, de pilules antidouleur, provoquant des dizaines de milliers de surdoses.

En 2017, la Ville de Huntington et le comté de Cabell auquel elle appartient ont porté plainte contre les sociétés AmerisourceBergen, Cardinal Health et McKesson, affirmant qu’elles n’avaient ni refusé ni rapporté aux autorités des commandes suspectes d’opiacés pendant plusieurs années, menant à une explosion des surdoses mortelles dans cet État déjà ravagé par la crise économique.

La plainte vise également, entre autres, le laboratoire pharmaceutique Purdue Pharma, qui a déposé le bilan en 2019, et la grande chaîne de pharmacies CVS.

Environ 500 000 personnes sont mortes de surdose aux États-Unis depuis 1999, quand les fabricants avaient encouragé les prescriptions, qui ne faisaient pas à l’époque l’objet de contrôles stricts.

« Entre 2006 et 2014, les fabricants et les distributeurs d’opiacés sur ordonnance ont inondé la Virginie-Occidentale de 1,1 milliard de pilules d’hydrocodone et d’oxycodone », deux opiacés, soit « 611 pilules par homme, femme et enfant dans l’État », selon la plainte, qui réclame au moins 500 millions de dollars de dédommagement.

Avec 1,8 million d’habitants, la Virginie-Occidentale, dans l’est des États-Unis, affichait en 2015 le taux le plus élevé de décès par surdose d’opiacés dans le pays, avec 41,5 morts pour 100 000 habitants.

Huntington, une ville de 50 000 habitants, était à l’épicentre de cette crise. En août 2016, 28 personnes y avaient fait une surdose le même jour.

Plus de 3000 plaintes similaires ont été déposées aux États-Unis et Huntington est devenu le symbole des efforts des autorités pour faire payer les sociétés pour le coût social et économique de la crise.

En 2019, un tribunal de Cleveland, dans l’Ohio, avait conclu avec les trois distributeurs un accord à l’amiable portant sur une indemnisation de 260 millions de dollars, pour éviter un procès.

Les fabricants et les pharmacies estiment que les médecins sont responsables des surprescriptions qui ont alimenté un marché noir pendant 15 ans avant l’instauration de contrôles en 2015.

Les usagers s’étaient alors tournés vers l’héroïne et le fentanyl, un opiacé de synthèse extrêmement puissant, prolongeant l’épidémie, qui s’est encore aggravée pendant la pandémie de coronavirus.

Les centres américains de contrôle et de prévention des maladies, principale agence de santé publique du pays, estiment qu’environ 90 000 personnes sont mortes de surdoses de drogues en 2020, dont les trois-quarts impliquaient des opiacés.