Des militants d’extrême droite responsables de la plus importante hausse des attaques en plus d’un quart de siècle

Une église afro-américaine incendiée en Caroline du Nord. Des cocktails Molotov lancés contre une synagogue au Michigan. Un Portoricain abattu devant son fils au Wisconsin par un voisin qui venait de lui demander d’où il venait et pourquoi il ne parlait pas anglais.

Les attaques terroristes intérieures sont en forte hausse depuis 2015 aux États-Unis, révèle une analyse du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) et du Washington Post.

« Ces attaques font partie des discussions depuis plusieurs années, mais c’est la première fois qu’on a des données claires sur leur augmentation », explique en entrevue téléphonique Seth Jones, vice-président principal du CSIS, une organisation indépendante établie à Washington.

Les groupes ou des individus revendiquant des idéologies d’extrême droite sont derrière ce phénomène. Depuis 2015, des terroristes d’extrême droite ont été impliqués dans 267 attentats planifiés ou réalisés aux États-Unis, causant 91 morts. Durant la même période, 66 attaques ou planifications d’attaques ont été menées par l’extrême gauche, menant à la mort de 19 personnes.

Un sommet a été atteint en 2020, quand des groupes d’extrême droite ont été responsables de 73 événements, du jamais-vu depuis 1994.

Les groupes les plus souvent responsables des attaques sont ceux qui appuient l’idéologie des suprémacistes blancs. Ils sont responsables du quart des attaques terroristes et de près de la moitié des morts depuis 2015, selon l’analyse.

PHOTO JIM URQUHART, ARCHIVES REUTERS

Des membres du groupe d’extrême droite Prouds Boys, qui appuie l’idéologie des suprémacistes blancs

Les attaques ciblent principalement les personnes racisées, les musulmans, les juifs, de même que les employés ou édifices du gouvernement fédéral américain.

Des militaires impliqués

Les données inédites révèlent aussi qu’une proportion de plus en plus grande des attaques terroristes sur le sol américain est menée par des militaires, un fait qui a surpris M. Jones.

« On est passé de 0 % en 2018 à 1,5 % en 2019 et à 6,4 % de l’ensemble des attaques qui ont été menées par des militaires en service ou par des réservistes en 2020 – et cela n’inclut même pas les vétérans », dit-il.

En 2020, le FBI a dit au département de la Défense qu’il avait ouvert 143 enquêtes criminelles impliquant des militaires actuels ou anciens – dont près de la moitié (68) étaient liées à l’extrémisme intérieur, note l’analyse.

« Les attaques contre le Capitole le 6 janvier dernier ont également impliqué des membres des forces de l’ordre : un membre de la Garde nationale, un réserviste et au moins 31 vétérans ont été accusés de conspiration et d’autres crimes, notent les auteurs. Aussi, au moins quatre policiers et trois anciens policiers ont été accusés par le gouvernement fédéral pour leur rôle dans les émeutes au Capitole. »

Les forces de l’ordre sont aussi la cible de nombreuses attaques. « Par exemple, en 2020, pas moins de 38 % de l’ensemble des attaques terroristes intérieures ont visé les forces policières, les militaires ou des biens appartenant au gouvernement fédéral, dit M. Jones. Ça nous a étonnés. »

« Normalisation de la violence politique »

Christian Leuprecht, professeur agrégé de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s, note que cette hausse est inquiétante, car elle semble être acceptée par une partie de la population.

Il me semble que de plus en plus d’Américains remettent en cause la légitimité des institutions politiques et démocratiques. Ils sentent le besoin de se faire justice eux-mêmes parce qu’ils ne font plus confiance aux autorités.

Christian Leuprecht, professeur agrégé de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s

Le phénomène n’est pas nouveau, note-t-il, mais la hausse observée est inquiétante.

Cela coïncide avec la « normalisation de la violence politique » que l’on a pu voir ces dernières années aux États-Unis, dit-il. « Et ça peut avoir un effet ailleurs dans le monde, notamment au Canada, car cela envoie le message que la violence est une avenue acceptable pour exprimer le mécontentement. »

Derrière ces attaques se trouve une réalité plus préoccupante encore, celle de l’appui tacite d’une partie du grand public.

« Le contrat social dans une démocratie consiste à refuser la violence comme moyen pour défendre nos intérêts et objectifs politiques, note M. Leuprecht. Donc, quand une partie croissante du grand public est prête à sympathiser avec ceux qui utilisent la violence politique, c’est dangereux pour les sociétés, et encore plus pour les sociétés démocratiques. »