(Bruxelles) Le président américain Joe Biden a retrouvé jeudi les dirigeants européens réunis par visioconférence pour célébrer les valeurs démocratiques, lors d’un court échange représentant un symbole fort du renouveau de la relation transatlantique après les années Trump.

« En se tenant ensemble, côte à côte, l’UE et les États-Unis peuvent montrer que les démocraties sont les mieux à même de protéger leurs citoyens, promouvoir la dignité et servir la prospérité », a déclaré le président du Conseil Charles Michel sur Twitter, publiant une photo de lui-même, du président américain et des différents leaders des Vingt-Sept chacun devant leur écran.

Le premier ministre belge Alexander De Croo a salué « un moment important ». « Quand l’Union européenne et les États-Unis travaillent ensemble, nous pouvons être une formidable force pour un monde plus juste, vert et plus prospère ».

La dernière participation d’un président américain à une réunion des chefs d’État et de gouvernement européens remonte à 2009, quand Barack Obama avait participé à un sommet UE-États-Unis.

Le président démocrate s’est adressé aux Européens peu après sa première conférence de presse à la Maison-Blanche, lors de laquelle il a annoncé jeudi doubler son objectif de vaccinations contre la COVID-19 pour ses 100 premiers jours.

Côté UE, à la traîne des États-Unis dans la vaccination, le contrôle accru des exportations de vaccins hors du bloc est au centre des discussions des Vingt-Sept, partagés sur la question mais unis dans la volonté d’accélérer leurs campagnes face à la troisième vague de la pandémie de COVID-19.

La réunion se tient dans un contexte politique tendu. Critiquée pour sa naïveté, l’UE a décidé de muscler son jeu, notamment face au Royaume-Uni, qui a gardé les vaccins produits sur son sol tout en recevant des livraisons depuis le continent.

La montée d’une troisième vague de contaminations a contraint plusieurs pays, dont la France et l’Allemagne, à durcir les restrictions face à des opinions publiques de plus en plus hostiles.

« Accélérer la production, les livraisons et le déploiement des vaccins reste essentiel et urgent pour surmonter la crise. Les efforts en ce sens doivent être intensifiés », affirment les dirigeants des 27 dans un projet de conclusions consulté par l’AFP.

« Pistolet chargé »

Pour améliorer l’accès aux précieux flacons, l’UE a décidé de renforcer un mécanisme inauguré en janvier pour en contrôler les exportations.

La démarche a déclenché les foudres du Royaume-Uni, premier destinataire des doses exportées par le continent. Mais les deux parties ont affiché mercredi soir leur volonté de trouver une solution.

Ce mécanisme est avant tout un moyen de pression sur les laboratoires, « un pistolet chargé sous la table », compare une source européenne. Il vise en particulier AstraZeneca, dont les livraisons à l’UE sont très insuffisantes.

Il permet d’empêcher des exportations à destination de pays eux-mêmes producteurs de vaccins, composants ou équipements, et qui ne livrent pas l’Union européenne. Les exportations pourraient aussi être bloquées vers les pays dont la population est déjà largement vaccinée ou qui bénéficient d’une meilleure situation épidémiologique.

Au sein de l’Union, si certains comme la France soutiennent ce mécanisme qui permet à l’Europe de « défendre ses intérêts », d’autres se montrent plus critiques.  

Dublin a exprimé sa ferme opposition à tout « blocage ». La Belgique, qui accueille de nombreux sites de production pharmaceutique, s’inquiète de possibles mesures de rétorsion qui perturberaient les chaînes internationales de production de vaccins. Une préoccupation partagée par les Pays-Bas et l’Allemagne.

« Stupide guerre des vaccins »

L’ancien président de la Commission Jean-Claude Juncker a brocardé sur la BBC une « stupide guerre des vaccins » et estimé que la menace d’un blocage des exportations « endommageait la réputation de l’UE comme champion du libre-échange ».

L’UE peut en tout cas se targuer d’avoir beaucoup exporté de vaccins : depuis début décembre, 21 millions de doses produites sur son sol sont allées au Royaume-Uni, soit les deux tiers de celles qui ont été administrées aux Britanniques, selon des chiffres de la Commission.

Au total 77 millions de doses ont été expédiées vers 33 pays, sans compter les contributions à l’initiative internationale Covax en faveur des pays défavorisés. Et 88 millions de doses sont restées dans l’UE, réparties entre les Vingt-Sept.

L’UE s’est fixé pour objectif de vacciner 70 % de sa population adulte contre la COVID-19 d’ici la fin de l’été. Selon l’assureur-crédit Euler Hermes, le retard pris par l’Union européenne sur son calendrier vaccinal pourrait coûter aux Vingt-Sept 123 milliards d’euros en 2021.

Conditions à Ankara

Autre question sensible, la répartition des vaccins au sein des 27 : six pays, dont l’Autriche, qui s’estiment lésés, ont demandé un mécanisme de correction du système.

« Une distribution équitable des doses […] est indispensable pour éviter une Europe à deux vitesses dans la vaccination », a tweeté le chancelier autrichien Sebastian Kurz.

Côté diplomatie, l’UE s’est dite prête à renouer avec Ankara après des mois de tensions en Méditerranée orientale, mais posé des conditions au président Recep Tayyip Erdogan. Les Européens, qui ont prévu de faire un point en juin, demandent la poursuite de « la désescalade actuelle », et que « la Turquie s’engage de manière constructive ».

Le sommet, prévu sur deux jours, pourrait s’achever tôt vendredi, voire jeudi soir.