(Washington) Les patrons de Facebook, Twitter et Google ont une nouvelle fois défendu jeudi devant le Congrès américain leurs efforts pour lutter contre la désinformation en ligne, après une élection présidentielle disputée, des émeutes au Capitole et l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement apparemment déterminé à en découdre avec la Big Tech.

C’était la quatrième audition devant les parlementaires depuis juillet, par caméra interposée, de Mark Zuckerberg (Facebook) et Jack Dorsey (Twitter), et la troisième pour Sundar Pichai (Google).

Les grandes entreprises technologiques sont dans le collimateur des élus, tant républicains que démocrates, à cause de leur puissance aussi bien économique que politique.

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Les patrons de Google, Sundar Pichai, Facebook, Mark Zuckerberg, et de Twitter, Jack Dorsey, sont convoqués jeudi par la commission sur l’Énergie et le Commerce pour répondre aux questions des élus sur le problème de la désinformation sur les médias sociaux.

Les questions ont surtout porté sur leur rôle dans la propagation des fausses rumeurs sur les vaccins contre la COVID-19 ou les affirmations mensongères sur des fraudes électorales massives lors du scrutin de novembre 2020.

« Le temps est venu de tenir les plateformes en ligne responsables de leur rôle dans la montée de la désinformation et de l’extrémisme », a lancé le démocrate Frank Pallone, président de la commission de la Chambre des représentants pour l’Énergie et le Commerce.

L’attaque contre le Capitole, le 6 janvier, a été ainsi « motivée, démarrée et nourrie par vos plateformes », a dénoncé l’élu Mike Doyle.

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Le 7 janvier 2007, au lendemain de l’assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump. Facebook avait suspendu « indéfiniment » le compte du président défait par Joe Biden. Mark Zuckerberg avait justifié la décision par « l’utilisation (par Trump) de notre plateforme pour inciter à l’insurrection violente contre un gouvernement démocratiquement élu ».

Liberté d’expression

Les partisans extrémistes de Donald Trump, persuadés que l’élection avait été « volée » à leur héros, avaient envahi le siège du Congrès, interrompant la certification de la victoire de Joe Biden. Cet assaut avait fait cinq morts et choqué le pays.

L’ancien président américain et ses alliés entretenaient depuis des mois le mythe d’une fraude électorale massive, notamment sur Twitter, Facebook et YouTube (Google).

Les trois dirigeants ont défendu l’arsenal sans précédent des mesures prises pour juguler la désinformation, les appels à la violence ou les commentaires racistes.

« Notre processus de surveillance des contenus est fait pour constamment évoluer », a affirmé Jack Dorsey, selon qui Twitter se concentre sur la manipulation des médias, la santé publique et l’intégrité civique.

Sundar Pichai a, lui, souligné que YouTube avait « supprimé 850 000 vidéos et bloqué près de 100 millions de publicités liées à la COVID-19 en 2020 ».

Si les trois patrons ont assuré de leur engagement contre la désinformation, ils ont souligné la menace d’un contrôle trop strict des contenus sur la liberté d’expression.  

« Personne ne veut d’un monde où vous ne pouvez dire que des choses que les sociétés privées ont jugées comme étant la vérité, où chaque texto, courriel, vidéo et commentaire doit être vérifié » avant d’être envoyé, a dit Mark Zuckerberg.

Au cœur de ce débat se trouve la « Section 230 », une loi de 1996 qui protège les hébergeurs sur l’internet de poursuites liées aux contenus publiés par des tiers, pierre angulaire des réseaux sociaux.

Fin de l’immunité

De nombreux parlementaires veulent la réformer pour faciliter les recours en justice contre les plateformes.

Mark Zuckerberg s’est dit ouvert à des changements, prônant toutefois la mise en place d’un système pour identifier les contenus illégaux et les retirer, sans que les plateformes soient tenues responsables de la moindre publication qui passerait entre les mailles du filet.  

« Il est raisonnable d’attendre des grandes sociétés d’avoir des systèmes de surveillance efficaces, mais pas raisonnable d’attendre qu’elles ne fassent jamais d’erreurs », a-t-il dit.

Toute réforme qui abolirait l’immunité « pourrait nuire » aux petites plateformes, a-t-il mis en garde.

Jack Dorsey a insisté sur la nécessité de rétablir la confiance avec les utilisateurs, notamment en leur donnant plus de contrôle sur des algorithmes plus transparents.

À l’extérieur du Congrès, des manifestants avaient affublé des effigies d’émeutiers du Capitole des visages des trois grands patrons pour dénoncer le rôle des réseaux dans les violences.

Joe Biden a envoyé des signaux clairs aux Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple) en s’entourant de personnalités connues pour leur approche sévère.

Tim Wu, professeur à l’université de Columbia et défenseur de lois antitrust plus strictes, a rejoint le prestigieux Conseil économique national de la Maison-Blanche.

Et le président a confirmé cette semaine son intention de nommer la juriste Lina Khan, une autre professeure de Columbia hostile aux monopoles des géants de la technologie, à la tête de l’agence américaine de la concurrence (FTC).

Facebook et Google font déjà face à des poursuites de la part des autorités sur le front du droit de la concurrence.