(Minneapolis) Le jury au procès du meurtre de George Floyd n’était toujours pas constitué lundi après deux semaines d’interrogatoires intenses, illustrant la difficulté de trouver des jurés impartiaux dans ce dossier ultra-médiatisé.

Une centaine de personnes ont déjà été passées sur le gril sous l’œil attentif de l’accusé, le policier blanc Derek Chauvin qui, le 25 mai à Minneapolis, est resté agenouillé pendant de longues minutes sur le cou du quadragénaire noir.

Seules quatorze personnes ont convaincu l’accusation et la défense qu’elles pourraient mettre leurs opinions de côté dans cette affaire qui a suscité des manifestations géantes dans tout le pays et au-delà. Douze serviront de jurés, deux de suppléants.  

Pour parer à tout désistement, le juge Peter Cahill souhaite avoir un remplaçant supplémentaire. Les parties se retrouveront donc mardi dans l’espoir de trouver le juré manquant, avant d’ouvrir, lundi prochain, les débats de fond, pour un verdict probablement fin avril ou début mai.

Les personnes choisies jusqu’ici incarnent la diversité de la population de Minneapolis, une ville du nord des États-Unis très cosmopolite : huit personnes blanches, quatre noires (dont deux immigrés) et deux métisses. Les femmes y sont majoritaires (9 sur 14).

Ces citoyens tirés au sort, dont l’identité ne sera révélée qu’une fois le verdict rendu, exercent des professions variées (chimiste, infirmière, informaticien…). Leurs âges varient, tout comme leur situation familiale (marié, divorcé, veuf, célibataire).  

« Estomac noué »

Les autres ont été écartés soit sur la base de leurs réponses à un questionnaire — portant sur leurs impressions de l’accusé, des manifestants antiracistes ou de la police — soit lors d’un interrogatoire serré dans la salle d’audience.

À cette occasion, certains ont demandé à être excusés, pour des raisons professionnelles, par peur pour leur sécurité ou tout simplement par nervosité.

D’autres n’ont pas dissimulé leur parti-pris — « J’ai l’estomac noué » à l’idée d’un possible acquittement ; « je penche pour coupable » – et ont été immédiatement récusés.

La plupart des personnes interrogées ont juré être neutres, mais leur amitié avec des policiers, leur participation aux manifestations ou des propos ambigus sur l’accusé ou la victime ont entraîné leur mise à l’écart.

Deux jurés, qui avaient passé un premier filtre, ont finalement été exclus après un accord entre la mairie de Minneapolis et la famille de George Floyd, qui recevra 27 millions de dédommagements pour sa mort.  

« Cela envoie le message que la ville de Minneapolis sent qu’il s’est passé quelque chose de mal », avait commenté l’un d’eux, en admettant que cela pourrait peser sur sa décision.

Après cet accord, l’avocat de Derek Chauvin avait de nouveau demandé au juge de dépayser le procès ou de le reporter. « Je ne crois pas qu’il y ait un seul endroit dans tout l’État du Minnesota qui n’ait pas été exposé à l’extrême médiatisation de ce dossier », avait répliqué Peter Cahill en rejetant sa requête.

« Ça aurait pu être moi »

De fait, à une exception près, tous les jurés sélectionnés ont admis avoir vu des portions ou toute la vidéo du calvaire de l’Afro-Américain, filmée par une passante.  

« Je n’ai pas pu la regarder en entier, ça m’a trop perturbée », a reconnu une quinquagénaire blanche. « Ça aurait pu être moi », a dit un immigré noir francophone.

Mais tous ont exprimé des opinions nuancées. « Les policiers prennent toutes sortes de décisions. Des bonnes et des mauvaises, certaines réfléchies, d’autres par réflexe », a ainsi déclaré une grand-mère afro-américaine.  

George Floyd, qui a résisté passivement à son arrestation, « n’était pas complètement innocent » mais « je ne crois pas qu’il méritait de mourir », a ajouté une quadragénaire blanche.

Hasard de l’actualité et illustration des enjeux de cette phase délicate : la Cour suprême des États-Unis a accepté lundi de se pencher sur la peine de mort infligée à l’un des auteurs de l’attentat du marathon de Boston, annulée pour des irrégularités dans la sélection du jury.  

Une cour d’appel avait estimé que les avocats de Djokhar Tsarnaev auraient dû être autorisés à questionner davantage les jurés potentiels sur ce qu’ils avaient appris dans les médias au sujet de cet attentat à la bombe qui a fait trois morts en 2013.