(Washington) Joe Biden a dit penser que son homologue russe Vladimir Poutine était « un tueur » et a promis qu’il paierait « le prix » de ses actes, provoquant la première crise diplomatique de son mandat.

« Pensez-vous que c’est un tueur ? » La question de George Stephanopoulos, journaliste vedette de la chaîne américaine ABC, est directe, et la réponse du président des États-Unis ne laisse pas de place au doute : « Oui », a-t-il acquiescé dans cet entretien diffusé mercredi.

Il n’a pas précisé s’il faisait référence au sort de l’opposant russe Alexeï Navalny, victime en août d’un empoisonnement imputé par les États-Unis à Moscou et aujourd’hui incarcéré en Russie.

Joe Biden avait-il prévu d’aller aussi loin, à l’encontre des usages diplomatiques s’agissant du dirigeant d’une grande puissance mondiale, au risque de susciter l’ire du Kremlin ? La Maison-Blanche a justifié ses déclarations en assurant qu’il n’avait « pas l’intention de taire ses inquiétudes au sujet de ce qu’il considère être des actes néfastes ».

Washington évite l’escalade

Dans un geste spectaculaire, Moscou a en tout cas annoncé sans tarder avoir rappelé son ambassadeur aux États-Unis Anatoli Antonov « pour des consultations ».

« Pour nous, l’essentiel est de déterminer quels peuvent être les moyens de rectifier les relations russo-américaines, qui sont dans un état difficile et que Washington a conduit dans une impasse ces dernières années », a expliqué la diplomatie russe.

Elle a assuré pour autant vouloir « éviter leur dégradation irréversible », disant espérer que « les Américains sont conscients des risques ».

Le président de la chambre basse du Parlement russe Viatcheslav Volodine avait auparavant reproché au président américain d’avoir « insulté » tous les Russes et « attaqué » son pays.

Semblant vouloir éviter l’escalade, le département d’État américain a assuré à l’AFP qu’il ne prévoyait pas de rappeler son propre ambassadeur à Moscou, disant vouloir maintenir « les canaux de communication ouverts » pour « promouvoir les intérêts américains et réduire les risques de malentendus » entre les deux puissances.

Le président Biden affiche depuis son arrivée à la Maison-Blanche en janvier une grande fermeté à l’égard du maître du Kremlin, par opposition avec la bienveillance souvent reprochée à son prédécesseur Donald Trump jusque dans son camp républicain.

« Pensez-vous que notre pays soit si innocent ? », demandait Trump

Le parallèle avec l’ex-président est frappant. À un journaliste de la chaîne Fox News qui, en février 2017, lui affirmait que Vladimir Poutine était « un tueur », Donald Trump avait répondu par une pirouette, en invitant de manière surprenante l’Amérique à un examen de conscience.

« Beaucoup de tueurs, beaucoup de tueurs. Pensez-vous que notre pays soit si innocent ? », avait-il lancé.

Dans un tout nouveau rapport, les autorités américaines ont accusé mardi « des acteurs liés au gouvernement russe » de nouvelles ingérences électorales en 2020, après celles de 2016.

Vladimir Poutine « en paiera les conséquences », a prévenu Joe Biden au sujet de ces ingérences, démenties par Moscou. Relancé un peu plus tard par le journaliste sur la nature de la riposte américaine aux actes russes, il a ajouté : « Vous verrez bientôt le prix qu’il va payer. »

Nous n’allons pas détourner le regard comme ce qui est arrivé au cours de quatre dernières années.

Jen Psaki, porte-parole de la Maison-Blanche

Le président américain a toutefois réaffirmé qu’il voulait « travailler » avec les Russes « quand c’est dans notre intérêt commun », à l’instar de la prolongation de l’accord de désarmement nucléaire New Start décidée peu après son arrivée au pouvoir.

Washington a déjà sanctionné début mars sept hauts responsables russes en réponse à l’empoisonnement d’Alexeï Navalny.

Mercredi, toujours en réponse à l’utilisation d’« armes chimiques », le gouvernement américain a annoncé qu’il étendait les restrictions d’exportation de produits sensibles vers la Russie.

« Les États-Unis seront pleinement responsables d’une nouvelle dégradation des relations russo-américaines, cela ne doit faire aucun doute », a réagi le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov au sujet de ces sanctions.

Le renseignement américain est aussi en train de mener un examen de différents autres faits dont les États-Unis ont déjà ouvertement soupçonné la Russie, dont une récente cyberattaque géante et le versement de primes à des talibans pour qu’ils tuent des soldats américains en Afghanistan.