(Houston) Le froid polaire qui a privé de courant des millions de Texans mi-février continue à chambouler le secteur de l’électricité dans l’État, entre départs en série de responsables, ouverture de plusieurs enquêtes, et factures exorbitantes pour les entreprises connectées au réseau.  

Les températures glaciales qui ont saisi le sud des États-Unis du 13 au 19 février ont fait plusieurs dizaines de morts.

Elles ont aussi conduit à un pic de la demande en électricité qui a submergé le réseau en même temps qu’elles perturbaient le fonctionnement de plusieurs centrales fonctionnant au gaz naturel, à l’énergie éolienne ou au nucléaire, les empêchant de fournir de l’énergie.

Or, le Texas a choisi de déréguler le secteur de l’électricité au début des années 2000. La multitude d’entreprises du secteur n’est notamment pas obligée de se préparer à des épisodes climatiques extrêmes.  

Les responsables texans auraient pu, particulièrement après une précédente vague de froid en 2011, inciter les producteurs d’énergie à protéger leurs infrastructures contre le froid, analyse Ed Hirs, professeur d’économie, spécialisé dans l’énergie, à l’université de Houston.  

« Ils ont donné la priorité aux bas coûts plutôt qu’à la fiabilité », déplore-t-il.  

Beaucoup de foyers ont par ailleurs des contrats dont le prix mensuel varie en fonction de la demande. Des factures ont pu atteindre 16 000 dollars selon les médias américains.

ERCOT, l’organisme en charge de la gestion de la majeure partie du réseau électrique au Texas, a fait l’objet de vives critiques pour sa conduite pendant la crise et son manque de préparation face à des intempéries, certes inhabituelles, mais pas inenvisageables.

Son conseil d’administration a licencié son directeur général Bill Magness avec un préavis de 60 jours lors d’une réunion convoquée en urgence mercredi soir.

PHOTO THOMAS SHEA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La plus grande coopérative du secteur au Texas, Brazos Electric, a indiqué lundi s’être placée sous la protection de la loi des faillites faute de pouvoir payer tout de suite la facture d’environ 2 milliards de dollars réclamée par ERCOT.  

Plusieurs membres de cette instance avaient déjà démissionné.

La patronne de la Commission publique encadrant les fournisseurs d’eau, d’électricité et de télécommunications au Texas (PUC), DeAnn Walker, a pour sa part quitté ses fonctions lundi.

Faillite

Le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbott, avait ordonné une investigation sur ERCOT dès le 16 février tandis que la commission PUC a indiqué qu’elle enquêterait sur les raisons qui ont provoqué des coupures de courant ainsi que sur les méthodes employées pour calculer les factures d’électricité.

Le problème est aussi pris au sérieux à Washington : une commission du Congrès a annoncé mercredi avoir demandé des informations à ERCOT sur son « manque de préparation » à la tempête hivernale, sa gestion de la crise et sur les mesures que le réseau comptait prendre pour éviter une situation similaire à l’avenir.  

« Ils vont regarder dans le détail pourquoi le réseau est tombé en panne », avance M. Hirs.  

Ils devraient aussi se pencher sur la gouvernance d’ERCOT : « Le conseil d’administration et la direction étaient-ils au courant de la situation et ont-ils décidé de ne rien faire ou étaient-ils juste incompétents ? Dans les deux cas, la réponse sera peu flatteuse », prédit le spécialiste.

De nombreuses entreprises sont aussi en difficulté.

La plus grande coopérative du secteur au Texas, Brazos Electric, a indiqué lundi s’être placée sous la protection de la loi des faillites, faute de pouvoir payer tout de suite la facture d’environ 2 milliards de dollars réclamée par ERCOT.  

Le distributeur d’électricité Just Energy a, lui, demandé officiellement mercredi à ne pas avoir à payer tout de suite la facture d’ERCOT pour sa consommation entre le 14 et le 19 février, « jusqu’à ce que les problèmes […] soulevés par les pouvoirs exécutif et législatif des autorités du Texas soient examinés, traités et résolus ».

D’autres distributeurs dépendant du réseau électrique « pourraient faire face à des difficultés à rembourser leurs emprunts » suite à la tempête, a aussi prévenu mercredi Standard & Poor’s, dans une analyse.  

« La flambée de la demande a entraîné des prix de gros extrêmement élevés pour l’électricité et le gaz naturel, générant à leur tour des coûts et des passifs potentiels importants pour les entreprises qui n’étaient pas suffisamment couvertes financièrement, ou pour celles qui vont avoir à subir les répercussions du non-paiement de certaines factures à ERCOT », a commenté Paul Dyson, analyste pour S&P.