(Washington) Les procureurs démocrates ont fait revivre mardi à l’Amérique les violences du Capitole, vidéo choc à l’appui, lors du premier jour du procès de Donald Trump, mais ils se sont attiré les mises en garde des avocats de l’ex-président sur les profondes divisions du pays.  

Vivant désormais en Floride, le milliardaire ne témoignera pas. Et il fait peu de doute qu’il sera, à son terme, acquitté grâce au soutien encore fort chez les républicains.  

Un vote mardi soir sur une question de constitutionnalité a ainsi montré qu’il serait très difficile pour les procureurs démocrates d’atteindre une majorité des deux tiers pour le condamner.  

Mais ils sont apparus d’emblée décidés à remettre en mémoire des 100 sénateurs qui font office de jurés, mais aussi, au-delà, des Américains, la violence de cette journée du 6 janvier qui s’est soldé par des morts et restera dans l’Histoire.  

Accusé « d’incitation à l’insurrection », Donald Trump s’est rendu coupable « d’un délit constitutionnel effroyable », a lancé le chef des procureurs démocrates, Jamie Raskin, dans le même hémicycle du Sénat où s’étaient précipités les manifestants pro-Trump le jour de la certification des résultats de l’élection présidentielle.  

Ce procès, une « instrumentalisation politique », va « déchirer » les États-Unis, a rétorqué un avocat du 45e président des États-Unis, David Schoen. Car « de nombreux Américains le voient pour ce qu’il est : une tentative par un groupe de politiciens d’écarter Donald Trump de la vie politique ».  

PHOTO TÉLÉDIFFUSION DES DÉBATS DU SÉNAT, VIA REUTERS

L’avocat de Donald Trump, David Schoen, lors de sa plaidoirie devant le Sénat.

Derrière cette intention, la « peur » que les Américains le réélisent en 2024, a affirmé son autre avocat, Bruce Castor.  

 « Nous vous aimons » 

En ouverture de leur réquisitoire, les démocrates ont diffusé une longue vidéo choc, mettant en perspective des séquences menant vers l’attaque sanglante :

— Le discours de Donald Trump appelant ses milliers de partisans à manifester vers le Capitole, siège du Congrès. « Vous ne reprendrez jamais notre pays en étant faibles », avait-il lancé à la foule gonflée à bloc.

— L’ouverture empreinte de solennité des séances parlementaires pour certifier la victoire de son rival à la présidentielle Joe Biden.

— Et les images des manifestants entrant de force au Capitole, arpentant ses couloirs pendant que les élus et le vice-président Mike Pence étaient évacués du Sénat ou se terraient dans les galeries de la Chambre des représentants.  

PHOTO ROBERTO SCHMIDT, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Les images fortes de ces moments et le discours de Donald Trump à ses partisans quelques minutes auparavant devraient occuper un rôle central dans l’accusation.

Tout en rappelant que deux heures plus tard, Donald Trump avait tweeté une vidéo martelant encore, sans preuve, que l’élection était une « fraude ». S’il appelait les manifestants à rentrer chez eux, il ajoutait : « Nous vous aimons ».  

Si ces faits, « concrets et solides », ne sont « pas passibles d’une procédure de destitution, alors rien ne l’est », a conclu le député Jamie Raskin, dans un discours très ému.  

 « Mal compris » 

Situation inédite, les sénateurs qui font office de jurés furent aussi les victimes de l’attaque. Un point que les « procureurs » démocrates ont souligné.  

 « Les présidents ne peuvent pas alimenter une insurrection dans leurs dernières semaines (de mandat) puis partir comme si de rien n’était », a insisté un autre démocrate, Joe Neguse, en réponse à l’argument principal de la défense.  

Selon les avocats de Donald Trump, il est en effet « absurde et anticonstitutionnel » de mener un procès en destitution contre un ex-président, car ce « simple citoyen » ne peut tout simplement pas être destitué.  

Un argument repris par de nombreux sénateurs républicains.  

Cette question constitutionnelle a été tranchée par un vote à la majorité simple mardi soir : le procès se poursuivra. En plus des 50 démocrates, six sénateurs républicains ont estimé qu’il était conforme à la Constitution.  

Celle-ci impose en revanche une majorité des deux tiers pour un verdict de culpabilité. Or même si certains républicains sont susceptibles de voter avec les démocrates, la barre semble difficile à atteindre et Donald Trump a toutes les chances d’être acquitté, peut-être dès le début de la semaine prochaine.

Procès doublement historique

Le procès reprendra mercredi à midi, avec l’exposé des faits, chaque partie disposant de seize heures.

Affirmer que Donald Trump pourrait être responsable des violences d’un « petit groupe de criminels » qui l’ont « absolument mal compris » est « tout simplement absurde », avaient insisté ses avocats par écrit lundi. En soulignant qu’il les avait « exhortés à rester pacifiques ».  

C’est la première fois qu’un ex-président américain est visé par une procédure de destitution. Et le 13 janvier, le magnat de l’immobilier était déjà devenu le premier président à être frappé deux fois par une mise en accusation (« impeachment ») à la Chambre des représentants.  

Se présentant en « rassembleur » d’une Amérique meurtrie, Joe Biden prend soin de se tenir à distance de cette procédure.  

Le nouveau président ne va pas commenter les argumentaires, d’ailleurs il ne les regarde pas, a souligné encore une fois mardi la porte-parole de la Maison-Blanche Jen Psaki.