(Washington) Ces suspects n’essaient pas vraiment de passer inaperçus.

« C’EST MOI », a annoncé un homme sur Instagram, en ajoutant pour bonne mesure l’émoji d’une main qui l’identifie au sein de la foule qui envahit le Capitole.

« Doooooonc nous venons d’attaquer le Capitole mdr », s’est vantée une femme par texto pendant qu’elle était à l’intérieur de l’édifice.

« Je veux seulement m’incriminer un peu plus mdr », a écrit quelqu’un d’autre sur Facebook en mettant en ligne un égoportrait pris au plus fort de l’émeute du 6 janvier.

Des dizaines de partisans du président Donald Trump n’ont pas eu la moindre hésitation à afficher leurs gestes sur les réseaux sociaux le jour de l’insurrection qui a fait cinq morts, dont un policier. Certains, réalisant soudainement qu’ils pourraient être dans le pétrin, ont tenté d’effacer leurs comptes, mais leurs parents et amis avaient souvent déjà transmis des captures d’écran de leurs photos, vidéos et écrits à la police fédérale américaine (FBI).

Leur insouciance totale et la volonté de leurs proches de les dénoncer ont permis aux forces de l’ordre de déposer des accusations fédérales contre environ 150 personnes jusqu’à présent. Mais même avec l’aide des émeutiers eux-mêmes, les enquêteurs doivent travailler minutieusement pour associer les actes de vandalisme aux suspects pour que les accusations tiennent le coup en cour. Et puisque les arrestations réalisées le jour même ont été rares, les policiers doivent procéder à des arrestations à travers le pays.

« Simplement parce que vous avez quitté la région (de Washington), vous pouvez vous attendre à ce qu’on vienne cogner à votre porte si nous apprenons que vous avez posé des gestes criminels au Capitole, a récemment prévenu un responsable du FBI, Steven D’Antuono. En bout de compte, le FBI ne ménage aucune ressource dans cette enquête. »

Au cours des dernières semaines, le FBI a reçu plus de 200 000 photos et vidéos associés à l’émeute. Les enquêteurs ont affiché dans plusieurs États les photos d’émeutiers recherchés. À partir d’informations fournies par des proches ou des collègues, les policiers tentent d’associer les photos sur les permis de conduire à celles prises pendant la violence. Dans certains cas, les enquêteurs ont obtenu des données de Facebook et de Twitter pour relier des comptes de médias sociaux à des adresses de courriel ou des numéros de téléphone. Dans d’autres cas, les plaques d’immatriculation ont permis de suivre les déplacements des individus.

Plus de 800 personnes seraient entrées dans le Capitole, mais il est fort peu probable qu’elles fassent toutes l’objet d’accusations criminelles. Les procureurs fédéraux se concentrent sur les dossiers les plus urgents et les pires infractions.

Un groupe spécial de procureurs étudie la possibilité d’accuser les émeutiers de sédition, un crime passible de 20 ans de prison. Un trio a été accusé de complot. La plupart des participants présumés à l’émeute ont été accusés d’entrée illégitime et d’inconduite.

Plusieurs émeutiers ont affiché sur leurs réseaux sociaux des égoportraits pris à l’intérieur du Capitole. D’autres ont décrit aux médias ce qu’ils ont vu à l’intérieur ou librement admis aux enquêteurs fédéraux qu’ils étaient là.

Un homme a créé sur Facebook un album de photos les montrant, lui et d’autres, à l’intérieur du Capitole, ont dit des responsables.

« Ils se sont peut-être dit, comme plusieurs de ceux qui travaillent avec Trump, que si le président me dit de le faire, alors ce n’est pas illégal », a indiqué le professeur Michael Gerhardt, de la faculté de droit de l’Université de la Caroline du Nord.

D’autres ont commis des bourdes, comme ce policier de Houston qui a nié avoir été sur place avant de laisser les agents fouiller dans son téléphone. Dans sa corbeille, ils ont trouvé des photos et des vidéos, y compris des égoportraits le montrant à l’intérieur du Capitole. Un autre homme précédemment reconnu coupable de cambriolage portait à la cheville un bracelet électronique qui suivait ses moindres mouvements.

Un pompier new-yorkais à la retraite a envoyé à son beau-frère une vidéo le montrant dans la rotonde du Capitole, se vantant d’être « à la pointe de la lance », ont dit des responsables. Ce beau-frère, un agent fédéral, a remis la vidéo au FBI. L’avocat du suspect, Thomas Fee, prétend que son client est simplement entré dans le Capitole par une porte ouverte, sans plus.

Un autre homme qui se trouvait à l’intérieur du Capitole n’a pas hésité à dénoncer un individu qui avait volé le lutrin de Nancy Pelosi, la présidente la Chambre des représentants. Il a envoyé la vidéo au FBI, en y ajoutant même son nom : « Bonjour gentille dame du FBI, a-t-il écrit. Voici les liens vers les vidéos. On dirait que’Podium Guy’se trouve sur une, moins le lutrin. Faites-moi savoir si vous avez besoin d’autre chose. »

Dans une autre affaire, un homme qui voulait partir de Washington deux jours après l’émeute a été expulsé de son vol parce qu’il n’arrêtait pas de crier « Trump 2020 ». Moins d’une heure plus tard, un policier de l’aéroport l’a reconnu sur une vidéo sur Instagram. L’homme, qui portait le même chandail que le jour de l’émeute, a été arrêté à l’aéroport.

Même les avocats qui doivent défendre ces suspects admettent que la preuve est problématique pour eux.

« Je ne suis pas un magicien, a dit l’avocat de l’homme qui aurait pris le lutrin de Mme Pelosi. Il y a une photo de notre client dans ce qui semble être un édifice fédéral ou dans le Capitole, en possession d’un bien fédéral. »

Les policiers du Capitole, qui ne s’étaient préparés que pour une manifestation portant sur la liberté de parole, ont rapidement été dépassés par la foule, qui s’est promenée dans les couloirs du Capitole pendant plusieurs heures, pendant que les parlementaires se terraient.

M. Trump a été mis en accusation après l’émeute pour « incitation à la violence contre le gouvernement des États-Unis ». Son procès devant le Sénat débutera le 8 février. Il est le premier président à être destitué deux fois et le premier à faire l’objet d’un procès après avoir quitté le pouvoir.

Contrairement aux procès criminels, les procès pour destitution ne sont pas soumis à des règles de preuve strictes, donc tout ce qui a été dit ou fait ce jour-là peut être utilisé. Et plusieurs des émeutiers présumés ont indiqué aux journalistes ou aux agents fédéraux qu’ils ne faisaient qu’obéir au président quand ils ont attaqué le Capitole.