(Jakarta) Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a appelé mardi à Jakarta la Chine à cesser ses « actes agressifs » dans l’Indopacifique, dans l’espoir de remettre l’accent sur cette région au cœur de la politique étrangère de Joe Biden, parasitée par une multitude d’autres crises.

« Nous sommes déterminés à garantir la liberté de navigation en mer de Chine méridionale, où les actes agressifs de Pékin menacent des échanges commerciaux pour un montant de plus de 3000 milliards de dollars chaque année », a-t-il lancé dans un discours prononcé sur le campus verdoyant de l’Université d’Indonésie.

Lors de sa première tournée en Asie du Sud-Est, qui doit aussi le mener en Malaisie et en Thaïlande, il a aussi réaffirmé l’attachement de Washington à « la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan », plus que jamais au cœur de tensions extrêmes entre les deux premières économies mondiales.

Le secrétaire d’État, insistant sur sa volonté de renforcer les alliances avec les États de la région, s’est engagé à « protéger le droit de tous les pays à choisir leur propre voie, libre de toute pression ou intimidation ».

« Il ne s’agit pas d’une compétition entre une région américano-centrée ou sino-centrée », a-t-il plaidé, avant de toutefois critiquer frontalement l’attitude chinoise.

« Il y a beaucoup de préoccupation, de l’Asie du Nord-Est à l’Asie du Sud-Est, et du fleuve Mékong aux îles du Pacifique, au sujet des actes agressifs de Pékin », a-t-il martelé.

Il a accusé la Chine de « revendiquer des mers ouvertes comme son propre territoire », de « fausser des marchés ouverts à travers de subventions à ses entreprises étatiques », ou encore de « refuser des exportations ou abroger des accords avec des pays dont elle conteste les politiques ».

« Les pays de la région veulent que ce comportement change. Nous aussi », a-t-il insisté.

Selon lui, la politique américaine de dissuasion vise à « éviter que la compétition » américano-chinoise « ne dégénère en conflit », car ce serait « catastrophique pour tout le monde ».

« Plus grand défi »

La région voit une montée des tensions en mer de Chine méridionale alors que Pékin revendique la quasi-totalité de cette zone clé pour les échanges commerciaux, également revendiquée par Brunei, la Malaisie, les Philippines, Taïwan et le Vietnam.

Hasard du calendrier ou manifestation de la compétition féroce entre grandes puissances dans cette région ? La visite d’Antony Blinken à Jakarta coïncide avec celle de l’influent chef du Conseil de sécurité russe Nikolaï Patrouchev.

« Les États-Unis comme la Russie sont de bons partenaires pour l’Indonésie », a déclaré lundi la ministre indonésienne des Affaires étrangères Retno Marsudi.

Moscou se rappelle donc au bon souvenir des États-Unis jusqu’en Asie du Sud-Est, où le chef de la diplomatie américaine espérait pourtant se concentrer sur sa priorité numéro un : la confrontation avec la Chine.

Antony Blinken a érigé l’ambition grandissante de Pékin sur la scène mondiale en « plus grand défi géopolitique du XXIe siècle » et recherche le bon équilibre entre compétition et confrontation.

Mais depuis l’été, la crise afghane, l’impasse dans les négociations sur le nucléaire iranien et plus récemment les tensions avec la Russie au sujet de l’Ukraine ne cessent d’accaparer le président Biden.

La stratégie du président démocrate ne diffère pas fondamentalement de celle en vigueur sous l’ex-président républicain de Donald Trump : il s’agit d’insister pour que cette région indopacifique demeure « libre et ouverte », débarrassée des « intimidations » chinoises.

Comme l’a réaffirmé Antony Blinken mardi, l’équipe Biden tente de mettre davantage l’accent sur la force de ses alliances – non sans quelques couacs comme l’a montré l’affaire des sous-marins nucléaires promis à l’Australie, qui lui a valu la colère de la France pour avoir perdu un énorme contrat avec Canberra.

Le secrétaire d’État a aussi insisté sur la nécessité de garantir un « internet fiable » et « sûr » face aux régimes autoritaires qui veulent en restreindre ou contrôler l’accès, et sur la volonté de Washington de favoriser la « prospérité » de la région.

« Nous allons travailler avec les pays de la région pour fournir des infrastructures de grande qualité », a-t-il promis, dans une autre critique à peine voilée aux projets chinois considérés peu favorables à l’emploi local et à l’environnement, mais néfastes pour l’endettement des États qui en bénéficient.