(New York) TRUTH Social, le réseau social de Donald Trump, constitue-t-il une menace à la sécurité nationale des États-Unis avant même d’avoir publié un premier message ?

L’une des sociétés avec lesquelles l’ancien président compte mener à bien ce projet a-t-elle violé la loi sur les valeurs mobilières en cachant la vérité sur ses contacts antérieurs avec sa partenaire ?

Le représentant républicain de Californie Devin Nunes, ancien éleveur laitier, est-il vraiment la personne la plus apte à diriger Trump Media & Technology Group, nouvelle entreprise médiatique qui doit chapeauter TRUTH Social et d’autres produits et services à venir ?

Ces questions ont toutes surgi au cours de la semaine dernière en lien avec TRUTH Social, dont le lancement officiel est prévu durant le premier trimestre de 2022, juste à temps pour influencer les élections de mi-mandat. Elles confirment que rien n’est vraiment simple ou limpide dans les affaires de Donald Trump.

La première des questions fait suite à une annonce qui était censée faire taire les sceptiques concernant le sérieux de TRUTH Social. Dans une déclaration publiée le 4 décembre, l’entreprise de Donald Trump a informé le public que sa partenaire, Digital World Acquisition Corp, avait levé 1 milliard de dollars US auprès d’un groupe d’investisseurs institutionnels pour financer le développement du futur réseau social.

« 1 milliard, cela envoie un message important à Big Tech : la censure et la discrimination politique doivent cesser », a déclaré dans un communiqué celui qui a été banni de Twitter et Facebook après l’assaut du 6 janvier contre le Capitole par ses partisans.

L’Amérique est prête pour TRUTH Social, une plateforme qui ne fera pas de discrimination sur la base de l’idéologie politique.

Donald Trump

Et qui sont ces investisseurs qui se seraient engagés à hauteur de 1 milliard de dollars ? Ni Digital World Acquisition Corp, connue sous le nom de DWAC au NASDAQ, ni Trump Media n’ont répondu à cette question.

Des conflits d’intérêts potentiels

Dans un monde idéal, Donald Trump jouerait la carte de la transparence. Il ne voudrait pas que le grand public ignore les situations de conflits d’intérêts potentiels dans lesquelles le placeraient ces investisseurs s’il retournait à la Maison-Blanche à la faveur de l’élection présidentielle de 2024.

« L’identité des investisseurs qui viennent de lui verser 1 milliard de dollars est d’intérêt, car toute personne capable de s’attirer les bonnes grâces de Trump en déposant un sac d’argent sur son bureau pourrait influencer les politiques publiques – ce qui fait de Trump une menace pour la sécurité nationale », a écrit Timothy O’Brien, chroniqueur au site Bloomberg et auteur de Trump Nation : The Art of Being the Donald.

O’Brien, dont le livre a dévoilé bon nombre des arnaques auxquelles le promoteur immobilier a été mêlé, ne serait pas surpris d’apprendre que l’Arabie saoudite ou d’autres pays du Moyen-Orient ont investi dans le réseau social de l’ancien président.

La deuxième grande question qui a retenu l’attention en lien avec TRUTH Social découle d’une enquête déclenchée par le gendarme de la Bourse (SEC) et l’autorité de régulation de l’industrie financière.

Celles-ci s’intéressent à DWAC, coquille vide cotée en Bourse et destinée à lever des fonds pour sa partenaire, en l’occurrence Trump Media, avant de fusionner avec elle.

Les enquêteurs cherchent à déterminer si les dirigeants de DWAC ont caché aux investisseurs leurs pourparlers avec des représentants de Trump Media avant d’annoncer leur intention de fusionner avec elle, ce qu’interdisent les règles régissant les SPAC (special purpose acquisition companies).

Selon le New York Times et d’autres médias, ces pourparlers ont précédé de plusieurs mois l’annonce d’une entente qui a provoqué en octobre une envolée de l’action de DWAC sur le NASDAQ. La valeur boursière de l’entreprise de Donald Trump, qui a atteint un sommet de 8,2 milliards de dollars, se situe ce lundi matin à 2 milliards.

La vache de Devin

Certains ne voient encore qu’une arnaque financière derrière TRUTH Social. Après tout, son recours à une SPAC permet à Donald Trump de s’enrichir en vendant des actions sans même avoir eu à procéder au lancement de son réseau social.

TRUTH Social, qui promet des contenus non « wokes » et des « Retruth » à la place des retweets de Twitter, est offert depuis octobre en précommande sur l’App Store, la plateforme de téléchargement d’Apple. Une version bêta de l’application devait être mise à l’essai au début de novembre. Ce test a été reporté.

En soi, ce report ne devrait avoir rien d’alarmant. Mais il s’ajoute au flou entourant l’infrastructure du réseau social. En effet, dans un document remis à la SEC, Trump Media fait un usage abondant du copier-coller pour décrire une infrastructure qui n’a rien à voir avec une entreprise de réseaux sociaux et de streaming, selon les recherches du journaliste indépendant Judd Legum.

Devin Nunes est-il l’homme pour redresser la situation et lancer TRUTH Social ? Passons sur le fait qu’il n’a aucune expérience dans ce domaine. L’homme s’est fait connaître en offrant une défense tous azimuts de Donald Trump dans l’affaire russe. Il a même dû se récuser de l’enquête menée par la commission du Renseignement de la Chambre des représentants, dont il était président, en raison de manœuvres mettant en cause son jugement, son intégrité et son indépendance.

En 2019, le représentant de Californie a également retenu l’attention en poursuivant Twitter pour avoir autorisé un compte parodique à son nom (@DevinCow) mettant en scène une vache.

En réagissant à son embauche en tant que PDG de Trump Media, Devin Nunes n’a pas mentionné cette poursuite qu’un juge de Virginie a refusé d’entendre.

« Le moment est venu de rouvrir l’internet et de permettre la libre circulation des idées et de l’expression sans censure », a déclaré le représentant, qui n’est pas à une contradiction près.