(Washington) Une école qui place la Bible au cœur de tous ses cours et refuse les élèves homosexuels peut-elle bénéficier de subventions publiques ? La Cour suprême a débattu mercredi de cette question très clivante aux États-Unis.  

Lors d’une audience de deux heures, sa majorité conservatrice (six juges sur neuf) a semblé sceptique face à un dispositif d’aides publiques en vigueur dans l’État du Maine qui exclut les écoles confessionnelles.

Cet État étant peu peuplé, plus de la moitié de ses districts scolaires n’ont pas d’école secondaire publique. En échange, les familles touchent des subsides qu’elles peuvent utiliser pour envoyer leurs enfants dans des établissements de leur choix.

Elles peuvent opter pour des écoles publiques ou privées, dans ou hors de l’État, et même pour des écoles affiliées à des églises, à condition que l’enseignement n’y soit pas « sectaire », c’est-à-dire orienté par « le prisme de la foi », a expliqué son représentant.  

C’est ce dernier point qui est contesté : deux familles évangéliques chrétiennes ont saisi la justice pour pouvoir utiliser ces fonds publics afin d’envoyer leurs enfants dans des écoles confessionnelles exclues du dispositif.

L’une de ces écoles « enseigne aux enfants que le mari est le chef du foyer » et que « Dieu est le créateur du monde », l’autre utilise la Bible dans toutes les matières. Les deux mêlent instruction religieuse et académique et refusent élèves et employés homosexuels, selon des documents judiciaires.

Les deux camps invoquent le premier amendement de la Constitution, qui garantit la liberté religieuse, mais interdit toute loi « ayant pour effet l’établissement d’une religion ».

Soutien des républicains

Les parents, soutenus par une dizaine de sénateurs républicains, une vingtaine d’États conservateurs et de nombreuses institutions religieuses, s’appuient sur la première partie pour défendre leur droit de choisir une école conforme à leurs valeurs et dénoncent une discrimination antireligieuse.

Plusieurs juges conservateurs ont abondé dans leur sens mercredi. Un « fonctionnaire » dans un bureau décide quelles écoles sont exclues et « discrimine les convictions religieuses minoritaires, celles qui ne sont pas orthodoxes », a notamment déclaré Neil Gorsuch.

Le représentant du Maine, soutenu par le gouvernement du président démocrate Joe Biden, a rétorqué que la seconde clause du premier amendement oblige l’État à être « neutre » et empêche d’utiliser des fonds publics pour financer une religion.

Les trois juges progressistes ont mis en garde contre le risque de « conflits » si cette règle devait changer : « il y a des gens qui ne vont pas comprendre pourquoi l’argent de leurs impôts finance des écoles qui discriminent ouvertement » les minorités sexuelles, a notamment dit la juge Elena Kagan.  

Place des parents dans l’école

Ce dossier s’inscrit dans un débat plus large, actuellement très vif aux États-Unis, sur la place des parents dans le système scolaire. Il se cristallise sur l’obligation de porter un masque contre la COVID-19, les enseignements antiracistes mis en place après les grandes manifestations de l’été 2020 et la place des élèves transgenres.  

La Cour suprême doit rendre sa décision d’ici juin. Avec d’autres dossiers sensibles sur l’avortement ou les armes à feu, elle permettra de mesurer l’influence des trois juges nommés par l’ex-président républicain Donald Trump en son sein.