(Washington) Les États-Unis organiseront un boycottage diplomatique des prochains Jeux olympiques d’hiver à Pékin pour protester contre les violations des droits de la personne par la Chine, a confirmé lundi la Maison-Blanche. Pékin avait promis avant l’annonce de riposter avec des « contre-mesures fermes ».

La porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, a déclaré que les athlètes des États-Unis participeront aux compétitions et qu’ils « auront tout [leur] soutien », mais a ajouté : « Nous ne contribuerons pas à la fanfare des Jeux. »

« Nous avons un engagement fondamental à promouvoir les droits de l’homme. Et nous maintenons fermement notre position et nous continuerons à prendre des mesures pour faire avancer les droits de l’homme en Chine et ailleurs », a ajouté Mme Psaki en point de presse, lundi.

Les athlètes américains se rendraient toujours aux Jeux dans le cadre d’une telle mesure que le président Joe Biden avait évoquée le mois dernier.

Ce « boycottage diplomatique » signifie que Washington n’enverra pas de dignitaires américains pour assister aux Jeux de Pékin.

M. Biden accueillera jeudi et vendredi à la Maison-Blanche un « sommet pour la démocratie », rassemblement virtuel de dirigeants et d’experts de la société civile de plus de 100 pays. L’administration Biden a déclaré que le président avait l’intention d’utiliser cette rencontre « pour annoncer des engagements, des réformes et des initiatives individuels et collectifs afin de défendre la démocratie et les droits de la personne au pays et à l’étranger ».

À Ottawa, attendre et voir

La ministre canadienne des Sports, Pascale St-Onge, a répété lundi que le Canada n’avait pas fait son nid, à peu près dans les mêmes mots que la semaine dernière. « Le Canada demeure préoccupé par la situation des droits de l’homme en Chine. On est toujours en discussion avec nos alliés, et pour le moment, il n’y a pas encore de décision », a-t-elle offert lors d’une brève mêlée de presse avant la période des questions en Chambre.

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La ministre canadienne des Sports, Pascale St-Onge

« Ce n’est pas une décision qu’on prendra à la légère », a-t-elle ajouté avant de réitérer que sa « préoccupation » demeurait la sécurité des athlètes, sans préciser avec quels alliés le gouvernement canadien est en pourparlers.

Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a pour sa part affirmé qu’un boycottage diplomatique était sérieusement envisagé.

Nous sommes très inquiets au sujet de la situation en Chine. C’est une des options que le gouvernement va considérer, et il faut protéger tous les droits de la personne.

Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique

Quelques heures auparavant, le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, a affirmé qu’un boycottage diplomatique est la seule option logique qui s’offre au gouvernement Trudeau. « Il s’agit d’une question importante. C’est quelque chose qui m’a tiraillé parce que cela fait des mois que je discute de cela avec des athlètes canadiens pour savoir comment nous pouvons exprimer notre profond désaccord avec le régime chinois sans nuire à nos athlètes. […] Nous avons proposé de déplacer les Jeux. Le gouvernement Trudeau n’était pas intéressé à faire cela. Nous avons proposé un boycottage diplomatique. Je crois que c’est la meilleure chose que nous pouvons faire avec nos alliés. C’est une façon d’exercer des pressions, sans que ce soient nos athlètes qui en paient le prix », a avancé le chef conservateur.

À Washington, au Capitole, le président de la commission sénatoriale des relations étrangères, le démocrate Robert Menendez, a qualifié un tel boycottage diplomatique des Jeux de Pékin d’« étape nécessaire pour démontrer [l’] engagement indéfectible en faveur des droits de la personne face aux abus inadmissibles du gouvernement chinois ».

Il a appelé « d’autres alliés et partenaires qui partagent [leurs] valeurs à se joindre aux États-Unis dans ce boycottage diplomatique ».

« Démagogie », estime Pékin

Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a accusé lundi les politiciens américains de démagogie en laissant planer la possibilité de ne pas dépêcher de dignitaires aux Jeux que la Chine souhaite utiliser comme vitrine pour mettre en valeur son développement économique et ses avancées technologiques.

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Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian

S’adressant aux journalistes dans le cadre de son point de presse quotidien, M. Zhao a déclaré qu’un tel geste des Américains serait considéré comme de la « pure et simple provocation politique », sans donner plus de détails sur la manière dont la Chine pourrait répliquer.

De l’avis de plusieurs militants pour les droits, le régime chinois se sert des Jeux olympiques pour détourner l’attention des mauvais traitements qu’il réserve à ses opposants politiques, aux minorités ethniques et aux militants chinois des droits de la personne.

« Sans même être invités, les politiciens américains continuent de faire grand bruit avec leur soi-disant boycottage diplomatique des Jeux olympiques d’hiver de Pékin, alors qu’il s’agit uniquement de vœux pieux et de démagogie », a commenté M. Zhao aux médias lundi. « Si les États-Unis tiennent à prendre leur propre voie, la Chine prendra des contre-mesures fermes », a-t-il prévenu.

Dans la nuit de lundi à mardi, Liu Pengyu, porte-parole de l’ambassade de Chine aux États-Unis, a déclaré que les politiciens appelant à boycotter les Jeux le faisaient « pour leurs propres intérêts et postures politiques ».

« En fait, personne ne se soucierait de savoir si ces personnes viennent ou non, et cela n’a aucun impact sur le succès de #Pékin2022 », a-t-il écrit sur Twitter.

« Franchement, les Chinois sont soulagés d’apprendre la nouvelle, car moins il y aura de responsables américains, moins il y aura de virus », a tweeté le tabloïd d’État chinois Global Times.

L’envoi de délégations d’importants représentants à chaque édition des Jeux olympiques est une tradition de longue date observée par les États-Unis et de nombreuses autres nations. George W. Bush avait d’ailleurs assisté aux Jeux olympiques d’été de Pékin en 2008. Plus tôt cette année, la première dame, Jill Biden, se trouvait en tête de la délégation américaine aux Jeux de Tokyo.

L’annonce d’un boycottage diplomatique intervient au moment où les États-Unis cherchent à stabiliser leurs relations turbulentes avec la Chine. Les deux États entretiennent des frictions économiques et des différends au sujet de l’attitude de la Chine envers Taïwan, Hong Kong et le contrôle de la mer de Chine méridionale.

Pékin dénonce systématiquement toutes les critiques américaines, en les qualifiant d’interférences dans ses affaires internes et imposant des interdictions de visa aux politiciens américains qui seraient « anti-Chine ».

Il n’était pas clair qui les États-Unis auraient pu envoyer à Pékin pour les Jeux, et les commentaires de M. Zhao semblent indiquer que la Chine n’avait lancé aucune invitation.

L’Australie, dont les liens avec la Chine se sont effrités à cause d’une série de différends, a également évoqué la possibilité d’un boycottage diplomatique des Jeux de Pékin.

Avec des informations transmises par Mélanie Marquis et Joël-Denis Bellavance, du bureau de La Presse à Ottawa