(New York) Les États-Unis sont les champions incontestés des déchets plastiques.

En moyenne, chaque Américain génère 130 kg de déchets plastiques par an, contre 21 kg pour le Canadien moyen ou 54 pour le citoyen moyen des 28 pays de l’Union européenne (UE).

En 2016, l’ensemble des Américains ont par ailleurs généré environ 42 millions de tonnes métriques de déchets plastiques, soit plus du double des Chinois et davantage que tous les citoyens des pays de l’UE réunis.

Et où vont ces déchets plastiques ? Une bonne partie d’entre eux aboutissent dans les mers et les océans, par les rivières et les fleuves. À l’échelle mondiale, on parle d’au moins 8,8 millions de tonnes de déchets plastiques, qui finissent, bon an, mal an, par menacer plus de 900 espèces marines, dont 701 ont déjà connu des problèmes d’ingestion de plastique et 354 se sont empêtrées dans cette matière.

Si la tendance se maintient, ce sont 53 millions de tonnes de déchets plastiques par an qui seront déversés dans les océans à partir de 2030, soit environ la moitié du poids total des poissons qu’on y pêche annuellement.

Ces données asphyxiantes se trouvent dans un rapport publié plus tôt cette semaine par l’Académie nationale des sciences, qui recommande au gouvernement des États-Unis l’adoption d’une stratégie nationale pour affronter ce qu’elle qualifie de « crise environnementale et sociale » dont les Américains sont en grande partie responsables.

« Nous avons fait remarquer que la population des États-Unis représente 4,3 % de la population mondiale et que nous produisons plus de déchets plastiques que n’importe quel autre pays, tant en volume total que par personne. Il est donc de notre responsabilité de gérer ces déchets que nous produisons », a déclaré à La Presse Kara Lavender Law, professeure d’océanographie à la Sea Education Association, qui fait partie des auteurs du rapport.

Les limites du recyclage

Pour l’heure, les adeptes du recyclage ne font vraiment pas le poids face au déluge des déchets plastiques générés aux États-Unis, s’il faut en croire le rapport.

« Le recyclage est une question délicate », a expliqué la professeure Law au cours d’un entretien téléphonique. « D’une part, nous affirmons très explicitement que le système actuel de recyclage aux États-Unis est insuffisant pour faire face à la complexité et à la quantité croissante de déchets plastiques dans le flux de déchets actuel. D’autre part, il y a des améliorations qui pourraient être apportées tant dans les phases de conception des produits matériels que dans la manipulation réelle des déchets, le tri et le marché final. »

L’un des obstacles au succès du recyclage est le coût relativement faible des matières plastiques vierges par rapport aux matières plastiques transformées ou recyclées.

Kara Lavender Law, professeure d’océanographie

Selon le rapport du comité d’experts de l’Académie nationale des sciences, la stratégie nationale du gouvernement américain devrait s’articuler autour de six grands axes destinés à réduire les déchets plastiques dans les océans.

L’un d’eux conduirait à fixer « des objectifs et des stratégies nationales pour plafonner ou réduire la production de plastique vierge ». Pour le moment, l’industrie s’oppose fermement à une telle intervention.

« Il s’agit d’une erreur qui entraînerait des perturbations de la chaîne d’approvisionnement, une pression économique et inflationniste sur des consommateurs déjà taxés et des conséquences environnementales plus graves, notamment en ce qui concerne les changements climatiques », a déclaré dans un communiqué Joshua Baca, vice-président de l’American Chemistry Council, tout en vantant le reste du rapport de l’Académie nationale des sciences.

Un gouvernement « prêt à écouter »

La professeure Law s’attend à un meilleur accueil de la part du gouvernement américain. Après tout, le rapport de l’Académie a été commandé par le Congrès, qui a adopté en décembre 2020 un projet de loi bipartisan baptisé Save Our Seas (SOS) Act et promulgué par Donald Trump lui-même.

« Je suis plus confiante que jamais, dit l’océanographe. Je suis en fait aussi optimiste que je l’ai été que le gouvernement fédéral est prêt à écouter. La rapidité avec laquelle cela se traduira en actions est bien sûr une question ouverte. »

Il y a une décennie, je ne pense pas que le gouvernement fédéral était très préoccupé par ce problème.

Kara Lavender Law

Si tout se déroule comme le souhaite le comité d’expert de l’Académie nationale des sciences, la mise en œuvre d’une stratégie nationale pour réduire les déchets plastiques dans les océans devrait faire l’objet d’une évaluation au plus tard le 31 décembre 2025.

Il s’agit d’un calendrier ambitieux qui reflète « l’urgence du problème », selon Kara Lavender Law.

En attendant, le comité d’expert de l’Académie recommande également au gouvernement américain de déployer un système de suivi et de surveillance des déchets marins, histoire de pouvoir mesurer plus fidèlement l’évolution du problème.

Les États-Unis doivent au président Abraham Lincoln la création de l’Académie nationale des sciences. Formée par des scientifiques bénévoles, cette institution indépendante doit, à la demande de n’importe quel département, « examiner, étudier, expérimenter et publier sur n’importe quel sujet des sciences ou des arts ».