(New York) Deux ans après le suicide en prison du milliardaire Jeffrey Epstein, accusé de crimes sexuels, le procès de son ex-compagne Ghislaine Maxwell débute lundi à New York, pour savoir si elle avait recruté entre 1994 et 2004 un réseau de jeunes filles mineures pour le financier et son entourage.

La fille du magnat de la presse Robert Maxwell – née près de Paris le 25 décembre 1961 et qui a la triple nationalité française, britannique et américaine – encourt la réclusion criminelle à perpétuité au terme de débats qui doivent durer six semaines.

Selon la complexe procédure pénale américaine, le procès avait techniquement commencé mi-novembre par la sélection définitive des 12 jurés du tribunal fédéral de Manhattan.

Ghislaine Maxwell est incarcérée depuis l’été 2020 à New York, un an après la mort en août 2019 dans sa cellule de son ancien compagnon, le financier américain Jeffrey Epstein, accusé d’exploitation sexuelle de dizaines de mineures et pour lequel elle est soupçonnée d’avoir joué le rôle de « rabatteuse ».

Détention arbitraire

La presque sexagénaire, une célébrité bien née et qui a vécu à l’abri du besoin, se plaint depuis 18 mois, via ses avocats, de ses conditions de détention dans une prison de Brooklyn. Elle avait dénoncé mi-novembre dans le journal britannique Mail on Sunday des « agressions depuis un an et demi », le fait d’être privée de sommeil et de n’avoir que de la « nourriture avariée ».

En conséquence, ses frères et sœurs ont saisi le 22 novembre à Genève le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire – des experts indépendants – pour dénoncer « de graves violations des droits de la défense et de la présomption d’innocence, des traitements indignes et dégradants » que leur sœur subirait en prison, « où elle est détenue à l’isolement depuis 500 jours de façon injustifiée ».

Les faits qui lui sont reprochés remontent à la décennie 1994-2004.

L’accusation se fonde sur quatre plaignantes anonymes – dont deux n’avaient que 14 et 15 ans – qui racontent avoir été approchées par des « rabatteuses », dont Mme Maxwell, près de leur école ou à leur travail.

Puis, après des séances de cinéma ou du magasinage « entre copines », les jeunes filles étaient persuadées, pour quelques centaines de dollars, de venir faire un massage, présenté comme non sexuel, à un puissant New-Yorkais prêt à faire décoller leur carrière.

D’après les procureurs fédéraux américains, l’accusée aurait également participé aux agressions sexuelles avec son compagnon, soit chez elle à Londres, soit chez lui à Manhattan, en Floride et au Nouveau-Mexique.

Ombres d’Epstein et d’Andrew

L’ombre de Jeffrey Epstein sera évidemment omniprésente, plus de deux ans après son suicide en prison à l’âge de 66 ans, privant ses victimes d’un procès.  

Le milliardaire avait toutefois été condamné en Floride en 2008 pour avoir payé des jeunes filles pour des massages.  

Mais il n’avait fait que 13 mois de prison à la suite d’un accord confidentiel avec le procureur de l’époque.

Une autre ombre planera sur le procès Maxwell : celle du prince britannique Andrew, un proche d’Epstein, cible depuis août d’une plainte au civil à New York pour « agressions sexuelles » déposée par une Américaine, Virginia Giuffre.

Cette plainte devrait être examinée fin 2022 devant un tribunal civil à New York, même si le second fils de la reine Élisabeth II n’est pas poursuivi au pénal et nie ces faits qui se seraient déroulés entre 2000 et 2002, lorsque Virginia Giuffre était mineure.

Après son procès, Mme Maxwell devrait aussi être jugée pour parjure pour avoir témoigné en 2016 lors d’une procédure qu’elle avait engagée pour diffamation contre Mme Giuffre, laquelle l’accuse d’avoir joué l’entremetteuse pour le prince Andrew. Virginia Giuffre ne fait pas partie des quatre plaignantes contre Ghislaine Maxwell.

Les noms d’autres personnalités pourraient être cités à partir de lundi, dont celui de l’ex-agent français de mannequins Jean-Luc Brunel, un proche de Jeffrey Epstein, mis en examen et écroué à Paris en décembre 2020 pour viols et agressions sexuelles.

La défense devrait plaider que les crimes sexuels présumés remontent à plus de 20 ans – une psychologue éclairera le tribunal sur le phénomène des « faux souvenirs » – et surtout que Mme Maxwell est jugée en lieu et place du principal protagoniste.  

Elle plaidera donc non coupable des six chefs d’inculpation pour lesquels elle encourt jusqu’à 80 années de prison, mais ne devrait pas s’exprimer à l’audience.