(Chicago) Michael Thompson, 47 ans, s’attend à ce que son ex-femme le poursuive en justice au sujet de la vaccination contre la COVID-19 de leurs enfants de huit et dix ans.  

Habitant de l’État américain de l’Illinois, ce recruteur est sceptique face à la vaccination infantile, tandis que son ancienne épouse veut suivre les recommandations des autorités sanitaires américaines et faire vacciner leurs bambins.  

Ce type de désaccord a surgi chez de nombreuses familles séparées à travers les États-Unis où une forte méfiance envers les vaccins, pourtant gratuits et facilement accessibles, a entravé les efforts pour juguler la pandémie.  

« Je suis vacciné, mais je ne ressens pas le besoin de faire vacciner mes enfants avant qu’il y ait davantage d’études », explique Michael Thompson à l’AFP. « Nous ne connaissons pas les effets à long terme sur les enfants ».  

Les Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) ont recommandé officiellement mardi les injections du vaccin Pfizer pour les enfants de 5 à 11 ans.  

Une décision jugée trop précipitée par M. Thompson qui est prêt à se lancer dans une coûteuse bataille judiciaire contre son ex-femme.  

« Elle insiste et elle va probablement me traîner en justice, ce qui me coûtera entre 5000 et 10 000 dollars. Mais pour moi ça vaut le coup », a-t-il assuré.  

Litiges

Sarah Stark, thérapeute divorcée de 52 ans qui vit à St. Charles, près de Chicago, s’est elle sentie extrêmement soulagée par la décision des CDC.  

Sa fille de 10 ans, Shayna, est scolarisée à domicile depuis deux ans en raison d’attaques cérébrales à répétition et d’un problème de caillots sanguins qui la place dans la catégorie des personnes à risque.  

Même si son ex-mari est contre l’immunisation de leur fille, Sarah Stark est en mesure de le faire, car elle a la garde exclusive de Shayna et peut prendre les décisions médicales la concernant.

« Il ne pense pas que le vaccin est une bonne idée, mais heureusement ce n’est pas sa décision », déclare-t-elle.

Mais pour beaucoup de parents divorcés, les choses ne sont pas aussi simples et le lancement de la campagne de vaccination des jeunes enfants a ouvert la voie à de nombreux litiges, selon des avocats spécialisés.  

Le droit de la famille varie d’État en État et beaucoup de parents partagent la garde des enfants et la responsabilité des décisions médicales, entraînant souvent l’intervention d’un juge pour trancher.  

« Nous avons vu des contentieux autour de la vaccination des enfants de 12 ans, mais je pense que nous devrions nous attendre à de nombreuses batailles judiciaires concernant les jeunes enfants, car les litiges sur les gardes sont souvent au sujet de jeunes enfants », détaille l’avocate Holly Davis, basée au Texas.  

Pour le moment, Mme Davis précise qu’environ 20 % des affaires qu’elle traite concernent des litiges sur la vaccination, mais elle s’attend à ce que ce pourcentage s’accentue.  

Cause de divorces

Un juge n’est souvent appelé à intervenir qu’en dernier ressort après l’échec d’une médiation.  

« Les deux parents ont des inquiétudes légitimes sur la sécurité et le bien-être de leurs enfants », soutient Chantelle Porter, avocate en droit de famille a Chicago, qui note que la question revient de plus en plus.  

« Chaque cas est individuel et unique, mais je pense que le tribunal regardera les recommandations médicales des institutions de santé publique », poursuit-elle.

Même lorsque les couples sont toujours ensemble, ce sujet épineux peut exacerber les tensions.

« Nous avons eu un bon nombre de divorces à cause de parents en désaccord sur cette question », souligne Brent Kaspar, associé du cabinet Kaspar & Lugay en Californie.  

« Évidemment, ils avaient d’autres problèmes sous-jacents, mais cela les a fait basculer », ajoute l’avocat qui prévoit aussi une hausse des affaires passant par le tribunal, mais avec une issue prévisible.  

« Ici en Californie, il a été décrété que les enfants devront être vaccinés d’ici l’année prochaine pour aller à l’école. Le tribunal va considérer ça et dire que c’est dans le meilleur intérêt de l’enfant », affirme M. Kaspar.  

La douleur des litiges familiaux au sujet du vaccin est un nouvel élément tragique de la pandémie.  

« Tellement de personnes sont tombées malades, tellement sont mortes, et j’espérais que cela ferait ressortir le meilleur chez les gens, mais à l’inverse cela a fait ressortir le pire », déplore l’avocate new-yorkaise Valentina Shaknes, qui a aussi constaté un pic de cas de divorces.