(Washington) Le jury sélectionné pour juger trois hommes blancs accusés du meurtre du joggeur noir Ahmaud Arbery était vivement contesté jeudi aux États-Unis, les Afro-Américains ayant tous, à une seule exception, été écartés du panel de 12 titulaires et quatre suppléants.

« C’est scandaleux », a commenté l’avocat Ben Crump, spécialiste des dossiers de violences contre les Afro-Américains, en dénonçant dans un communiqué « un effort cynique destiné à aider des tueurs à échapper à la justice ».  

« C’est très difficile pour la famille qui veut juste avoir un procès équitable sans biais racial, mais cela fait partie de notre système », a ajouté dans les médias locaux l’avocat Lee Merritt qui défend la mère d’Ahmaud Arbery. Celle-ci, Wanda Cooper-Jones, s’est dite « choquée ».

Le 23 février 2020, son fils faisait un jogging à Brunswick, dans l’État de Géorgie, quand il avait été pourchassé par Gregory McMichael, 65 ans, son fils Travis, 35 ans et un de leur voisin, William Bryan, 52 ans.

PHOTO POLICE DE BRUNSWICK, VIA ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

De gauche à droite : Travis McMichael, son père Gregory McMichael, William « Roddie » Bryan fils

Après une altercation, le jeune McMichael avait ouvert le feu et tué le joggeur. Les trois hommes avaient ensuite assuré l’avoir pris pour un cambrioleur et avaient invoqué une loi de cet État du Sud autorisant de simples citoyens à procéder à des arrestations.

Pendant près de trois mois, les services du procureur local, pour qui Gregory McMichael, un policier à la retraite, avait longtemps travaillé, n’avaient procédé à aucune interpellation. Il avait fallu la diffusion de la vidéo du drame, début mai 2020, pour que les trois hommes soient interpellés et inculpés pour « meurtre ».

Le 18 octobre, un millier de jurés potentiels avaient été convoqués par le tribunal de Brunswick qui doit juger cette affaire emblématique du mouvement Black Lives Matter (les vies noires comptent).  

Après deux semaines et demie d’interrogatoires, 64 candidats, dont une douzaine d’Afro-Américains, avaient été présélectionnés, reflétant la composition raciale du comté, où un quart de la population est noire.

Mercredi, les avocats des accusés ont toutefois récusé toutes les personnes noires, sauf une.  

Aux États-Unis, il est interdit d’écarter un juré uniquement sur la base de son appartenance à un groupe ethnique et la procureure a demandé au juge d’invalider la manœuvre.

Le magistrat, Timothy Walmsley, a refusé. « On dirait qu’il y a eu une discrimination intentionnelle », a-t-il reconnu. Mais les avocats de la défense « ont pu expliquer à la Cour pourquoi, indépendamment de la question raciale, ils avaient récusé ces jurés ».

Le procès doit entrer dans le vif vendredi avec la présentation des arguments des parties et durer plusieurs semaines.

Ironie du calendrier, un autre jury quasi monochrome (11 personnes blanches et une personne de couleur) a été secoué par une controverse jeudi à Kenosha, dans le nord du pays.

La ville s’était enflammée en août 2020 parce que des policiers blancs avaient grièvement blessé un jeune homme noir, Jacob Blake, en lui tirant dans le dos. En marge des manifestations, un jeune homme blanc Kyle Rittenhouse avait ouvert le feu sur des protestataires, faisant deux morts et un blessé.  

Au quatrième jour de son procès, le juge a exclu un membre du jury, un retraité blanc qui avait ironisé sur la bavure à l’origine de l’affaire. « Pourquoi la police a-t-elle tiré sept fois dans le dos de Jacob Blake ? », avait-il lancé la veille, sous forme de « blague », à un agent du tribunal qui le raccompagnait. « Parce qu’elle était à court de balles… »