(Washington) La Maison-Blanche et les responsables démocrates américains étaient engagés dans des tractations frénétiques mercredi pour résoudre les différends persistants sur le plan de dépenses sociales massives de Joe Biden avant que le président ne s’envole vers l’Europe.  

Alors que la journée avait commencé avec l’espoir d’un accord, la perspective d’un consensus semblait encore lointaine en début de soirée en raison de désaccords sur la manière de financer les 1500 à 2000 milliards de dépenses sociales.

Un sénateur centriste clé a en effet signalé sa réticence au projet d’une nouvelle taxe sur les milliardaires.

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« Un accord est à portée de main et nous espérons arriver au cadre d’un accord d’ici la fin de journée », avait déclaré un peu plus tôt le chef démocrate du Sénat, Chuck Schumer.

De son côté, Nancy Pelosi, la cheffe démocrate de la Chambre des représentants, a appelé à de nouvelles discussions jeudi pour faire avancer l’agenda de Joe Biden.

Le président américain aurait consenti à de nouvelles concessions mercredi, comme l’abandon du congé maladie, pour tenter d’arracher un accord avant son départ jeudi pour Rome pour le sommet du G20, selon le Wall Street Journal.

Joe Biden espère présenter à ses partenaires internationaux, en Italie comme à Glasgow pour la COP26 sur le climat, l’image d’États-Unis engagés dans la transition énergétique et la croissance, mais aussi la lutte contre les inégalités sociales et l’évasion fiscale.

« L’école maternelle pour tous. Investissements climatiques historiques. Baisse des coûts des soins de santé. Ils sont tous à notre portée. Faisons en sorte que ces projets de loi franchissent la ligne d’arrivée », a tweeté Joe Biden.

« Nous sommes très proches » d’un accord, avait assuré plus tôt la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki.

Les démocrates planchent sur deux programmes s’étalant sur 8 à 10 ans : l’un concerne des investissements de 1200 milliards de dollars pour moderniser les infrastructures ; l’autre porte sur des mesures sociales et environnementales d’un montant de 1500 à 2000 milliards.

Quoique raboté, il s’agirait du « plus gros investissement dans l’histoire de la lutte contre la crise climatique par les États-Unis », a plaidé Jen Psaki.

Super-riches

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Le sénateur démocrate Ron Wyden, responsable de la commission des finances du Sénat américain.

Mais le financement de ces plans fait l’objet de débats houleux depuis des mois au sein du parti démocrate.

Mercredi, les contours d’une taxe sur les super-riches ont été présentés.

« L’impôt sur le revenu des milliardaires s’appliquerait à environ 700 contribuables et permettrait de lever des centaines de milliards de dollars », selon cette nouvelle proposition portée par le sénateur démocrate Ron Wyden, responsable de la commission des finances du Sénat américain.

Cela garantirait que « les personnes les plus riches du pays paient leur juste part pour [financer] des investissements historiques en faveur de la garde d’enfants, des congés payés et de la lutte contre la crise climatique », est-il précisé.

La grande nouveauté est d’imposer les plus-values latentes, ces gains dormants dans les épais portefeuilles d’actions des grandes fortunes américaines.

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La taxe sur les super-riches proposée par l’administration Biden doit contribuer à financer les vastes plans d’investissements du parti démocrate. Ci-haut, des bateaux de luxe lors du Salon du yacht de Monaco, couru par les super-riches du monde entier intéressés par les croisières à bord de leur propre bateau.

Le texte précise ainsi que « seuls les contribuables ayant plus de 100 millions de dollars de revenus annuels ou plus de 1 milliard de dollars d’actifs sur trois années consécutives seraient couverts par la proposition ».

Selon des médias américains, le taux d’imposition retenu serait de 23,8 %.

Aujourd’hui, un riche actionnaire comme Elon Musk, patron de Tesla, ou Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, ne paie pas d’impôts sur ces plus-values latentes au prétexte que ces gains n’existent pas tant qu’ils ne sont pas réellement encaissés.

Centristes

Mais le sénateur centriste Joe Manchin a douché les espoirs que cette taxe soit adoptée.

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Le sénateur démocrate Joe Manchin a semblé réticent à voter pour une loi taxant les super-riches.

« Je n’aime pas la notion selon laquelle nous ciblons des gens différents […] qui contribuent à la société et créent beaucoup d’emplois », a-t-il réagi.

Or son vote, comme celui de sa collègue Kyrsten Sinema, est crucial, car la majorité démocrate au Sénat est si ténue que le parti doit obtenir toutes les voix sans exception.

Il a cependant expliqué à des journalistes que les démocrates devaient « absolument » être capables d’obtenir le cadre d’un accord d’ici la fin de journée, rapporte le site d’information politique The Hill.

Kyrsten Sinema, opposée à des hausses d’impôts, n’a elle pas encore dit si elle entendait soutenir ce mode de financement. Elle s’était en revanche, mardi, prononcée en faveur de l’impôt minimum de 15 % sur les multinationales.

Elle a expliqué y voir « une étape de bon sens pour garantir que les sociétés très rentables […] paient un impôt minimum raisonnable sur leurs bénéfices ».

Cet impôt minimum, qui devrait concerner quelque 200 entreprises notamment du secteur de la tech, est en effet revenu sur le devant de la scène après la présentation d’un texte mardi par plusieurs sénateurs.