(Washington) Avortements, armes à feu, libertés religieuses… : la Cour suprême américaine fait sa rentrée lundi avec à son agenda plusieurs dossiers sensibles qui permettront de prendre pleinement la mesure de l’influence des juges choisis par Donald Trump.

Pour la première fois en un an et demi, ses neuf sages devaient se retrouver en personne pour une audience au sein du temple du droit américain. Mais l’un d’eux, Brett Kavanaugh, a été testé positif à la COVID-19 jeudi et participera aux échanges à distance.

Ce magistrat est l’un des trois juges nommés par l’ancien président républicain qui a, au cours de son mandat, solidement renforcé la majorité conservatrice de la Cour (six juges sur neuf).

L’an dernier, cette Cour remaniée a donné des gages de son indépendance, en refusant notamment de valider la croisade de Donald Trump contre le verdict des urnes.

Dans des dossiers dits « de l’ombre » – le surnom donné aux procédures d’urgence qui ne sont pas débattues publiquement – elle a toutefois entamé un virage à droite, qui a éclaté au grand jour le 1er septembre quand elle a refusé de bloquer une loi du Texas interdisant quasiment tous les avortements dans cet État.

La décision a été fustigée par les démocrates, y compris par le président Joe Biden, et a relancé les appels à réformer la haute juridiction au moment où une commission d’experts étudie différentes options.

Plus largement, elle a entraîné un désaveu dans la population : seuls 40 % des Américains apprécient aujourd’hui le travail de la Cour, contre 49 % en juillet, et 37 % la jugent « trop conservatrice », d’après un sondage Gallup.

Signe des tensions, des défenseurs du droit à l’avortement sont allés protester au domicile même de Brett Kavanaugh et des milliers de personnes ont manifesté samedi devant la Cour suprême derrière des panneaux proclamant : « l’avortement est un choix personnel, pas un débat juridique ».

« Bande de militants »

Pour apaiser les esprits, ses magistrats se sont évertués ces dernières semaines à convaincre le public de leur impartialité. « Cette Cour n’est pas constituée d’une bande de militants politiques », a notamment lancé la juge conservatrice Amy Coney Barrett, lors d’un discours dans le Kentucky.

Ses propos ont toutefois souffert de la présence à ses côtés du chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell, artisan de sa confirmation à la hâte en pleine campagne présidentielle.

Au-delà des discours, la session 2021-2022 « sera le vrai test pour voir si la Cour peut s’élever au-dessus des querelles partisanes », estime donc David Cole, directeur juridique de la puissante organisation de défense des droits ACLU.

A son menu figurent en effet les sujets de société qui divisent le plus l’Amérique, à commencer par le droit à l’avortement.

La Cour suprême se penchera le 1er décembre sur une loi du Mississippi qui interdit d’avorter au-delà de 15 semaines de grossesse. Les défenseurs de cette loi lui demandent d’en profiter pour annuler son arrêt emblématique de 1973, Roe v. Wade, dans lequel elle a estimé que les femmes avaient un droit constitutionnel à avorter.

Durant sa campagne de 2016, « Donald Trump avait promis de faire entrer à la Cour des juges qui invalideraient » cet arrêt, a rappelé récemment Amy Howe, éditrice du site spécialisé SCOTUSblog.  

« Il a nommé Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett, et maintenant, il est temps de voir si sa promesse se concrétise », a-t-elle ajouté lors d’une conférence devant le centre de réflexion Cato Institute.

« Brûlants »

Autre dossier explosif : le port d’armes à feu. Jusqu’ici la haute juridiction a estimé que les Américains avaient un droit constitutionnel à posséder une arme chez eux pour leur propre défense, sans rien dire sur le port d’armes en dehors du domicile.

Elle pourrait combler ce vide à l’occasion de l’examen d’une loi de New York, qui limite strictement la délivrance de permis.  

La Cour étudiera aussi les limites posées au financement des écoles confessionnelles. Or, elle est aujourd’hui « très favorable aux libertés religieuses », relève David Cole.

Plusieurs dossiers de condamnés à mort sont également à son menu et il est possible qu’elle accepte un recours contre les politiques de discrimination positive dans les universités, très contestées dans les rangs républicains.

Avec tous ces « sujets brûlants », selon Amy Howe, « la question n’est pas de savoir si la Cour suprême va poursuivre son virage à droite pendant cette nouvelle session, mais jusqu’où elle va aller ».