(Washington) Les chefs du Pentagone ont reconnu mardi avoir sous-estimé la démoralisation de l’armée afghane, dont l’effondrement dans les derniers jours du retrait des forces étrangères de Kaboul a permis la victoire sans coup férir des talibans après 20 ans de guerre en Afghanistan.

« Nous avons bâti un État mais nous n’avons pas pu créer une nation », a admis le secrétaire américain de la Défense Lloyd Austin, qui s’expliquait devant les élus du Sénat sur la fin chaotique de la guerre en Afghanistan.

« Le fait que l’armée afghane, que nous avons formée avec nos partenaires, se soit effondrée — souvent sans tirer une balle — nous a tous pris par surprise », a confié M. Austin. « Ce serait malhonnête de dire le contraire. »

« Nous n’avons pas réalisé le niveau de corruption et l’incompétence de leurs officiers de haut rang, nous n’avons pas mesuré les dommages causés par les changements fréquents et inexpliqués décidés par le président Ashraf Ghani au sein du commandement, nous n’avons pas prévu l’effet boule de neige des accords passés par les talibans avec quatre commandants locaux après l’accord de Doha, ni le fait que l’accord de Doha avait démoralisé l’armée afghane », a-t-il énuméré.

L’administration de Donald Trump a signé le 29 février 2020 à Doha un accord historique avec les talibans qui prévoyait le retrait de tous les soldats étrangers avant le 1er mai 2021, en échange de garanties sécuritaires et de l’ouverture de négociations directes inédites entre les insurgés et les autorités de Kaboul.

Après plusieurs mois de réflexion, Joe Biden avait décidé de respecter cet accord, tout en repoussant la date-limite du retrait au 31 août.

Le chef d’état-major, le général Mark Milley, a noté que la décision de retirer d’Afghanistan les conseillers militaires déployés au sein des unités afghanes a contribué à surestimer les capacités de l’armée afghane.

« Nous n’avons pas pu évaluer complètement le moral et la volonté du commandement », a-t-il expliqué. « On peut compter les avions, les camions, les véhicules, les voitures […] mais on ne peut pas mesurer le cœur humain avec une machine. […] Il faut être là. »

Des divergences sont apparues entre le chef d’état-major et le ministre, lorsqu’un élu leur a demandé si la réputation des États-Unis avait été « endommagée » par le retrait.

« Je pense que notre crédibilité auprès de nos alliés et partenaires dans le monde, ainsi qu’auprès de nos adversaires, est réexaminée avec beaucoup d’attention », a déclaré le chef d’état-major. « Endommagée est un mot qui peut être employé, oui. »

« Je pense que notre crédibilité reste solide », a au contraire jugé M. Austin.