(New York) La semaine dernière, la nouvelle gouverneure de l’État de New York, Kathy Hochul, ne s’est pas fait des amis seulement à Hydro-Québec ou dans la province qui a vu naître la société d’État. François Cartier et Alex Beauchamp peuvent en témoigner.

L’un est chef de la direction financière de Ubiquity Solar, entreprise engagée dans l’énergie solaire et dont le siège social se trouve à Waterloo, en Ontario. L’autre est directeur régional du groupe environnemental américain Food and Water Watch.

« Ubiquity Solar est très heureuse de l’annonce [de] la gouverneure », s’est réjoui François Cartier, un ancien d’Hydro-Québec et de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il faisait référence à l’appui donné mardi dernier par Kathy Hochul au projet de Ubiquity Solar d’établir ses activités manufacturières américaines sur l’ancien site d’IBM à Endicott, dans l’État de New York.

Appui qui s’inscrit dans le nouvel objectif de l’État, également annoncé la semaine dernière, d’atteindre au moins 10 GW de production d’énergie solaire dans l’État d’ici 2030. Et appui qui aura des retombées au Québec, puisque Ubiquity Solar prévoit exécuter une portion entière de son projet – la production de polysilicium (le matériel de base pour les panneaux solaires au silicium) – à Bécancour.

Selon François Cartier, les annonces de la gouverneure de l’État de New York sur l’énergie solaire et Ubiquity Solar « sont des exemples concrets que les initiatives pour trouver des solutions à la crise des changements climatiques et le soutien au développement économique peuvent aller de pair ».

Alex Beauchamp, lui, ne salue pas seulement les annonces qui réjouissent en particulier François Cartier, mais également celles qui concernent l’hydroélectricité et Hydro-Québec.

« Nous sommes sur une base plus solide que nous l’étions avec [Andrew] Cuomo en ce qui a trait à nos campagnes contre le développement de l’énergie fossile, a déclaré l’environnementaliste. L’administration Hochul fait encore face à de grosses décisions, mais nous sommes optimistes. »

Un constat étonnant

Il y a un peu plus d’un mois, Kathy Hochul remplaçait Andrew Cuomo, forcé à démissionner de son poste de gouverneur à la suite d’un rapport accablant l’accusant de harcèlement sexuel à l’endroit de 11 femmes.

La politicienne de Buffalo n’était guère connue à New York, et encore moins à l’extérieur de l’État. Durant ses années au poste de lieutenante-gouverneure, elle avait certes défendu et promu les politiques plutôt progressistes de son patron. Mais elle demeurait dans l’ombre. Et elle n’avait pas fait complètement oublier certaines de ses positions passées.

À l’époque où elle était secrétaire générale du comté d’Erie, par exemple, elle avait menacé de faire arrêter les immigrés clandestins qui auraient voulu se prévaloir de leur nouveau droit d’obtenir un permis de conduire. Et durant son court séjour à la Chambre des représentants, elle avait joui de l’appui de la National Rifle Association, lobby intransigeant des armes à feu.

D’où cet étonnant constat : bon nombre des nouveaux amis de Kathy Hochul se trouvent parmi l’aile progressiste du Parti démocrate à New York. Et ses décisions pour assurer la transition énergétique de son État n’en sont pas la seule cause.

Un exemple : après une décision de la Cour suprême, la gouverneure a convoqué fin août le Parlement de l’État de New York en session extraordinaire pour assurer la prolongation d’un moratoire sur les expulsions de locataires dans l’État.

Autre exemple : la semaine dernière, Kathy Hochul a ordonné la libération de 191 détenus de la prison de Rikers Island, à New York, tout en promulguant une nouvelle loi destinée à réduire le nombre de personnes incarcérées dans l’Empire State.

« L’État de New York incarcère plus de personnes pour avoir violé leur libération conditionnelle que n’importe où dans le pays. C’est une honte pour nous, et il faut y remédier », avait-elle déclaré.

Primaire démocrate de 2022

On pourrait voir dans le virage résolument vert ou progressiste de Kathy Hochul un simple calcul politique. Après tout, la New-Yorkaise de 63 ans a déjà annoncé son intention de briguer le poste de gouverneur en 2022. Or, pour sortir gagnante de cette élection, elle devra d’abord remporter une primaire démocrate. Et elle risque d’avoir à affronter des adversaires plus connus et populaires qu’elle dans la mégapole américaine, dont Letitia James, procureure générale de l’État de New York et native de Brooklyn.

PHOTO TED SHAFFREY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Letitia James, procureure générale de l’État de New York

Mais il serait injuste de qualifier de « cynique » l’approche de Kathy Hochul, selon le politologue québécois Antoine Yoshinaka, qui enseigne à l’Université de l’État de New York à Buffalo.

« Je ne suis pas surpris qu’elle prenne ce genre de décisions en vue de son élection en 2022, car c’est vraiment dans la primaire démocrate […] que ça va se jouer », analyse le professeur.

Comme elle n’a jamais été trop fixée dans son approche et son idéologie, je crois qu’elle peut facilement s’adapter aux besoins de ses électeurs, peu importe si cela requiert une approche plus progressiste ou plus centriste.

Antoine Yoshinaka, politologue et professeur à l’Université de l’État de New York à Buffalo

« Mais je tiens à préciser que ma perception d’elle n’est pas du tout cynique. Elle me semble être une politicienne très habile du type ‟problem solver”. »

Ce qui semble faire l’affaire d’Alex Beauchamp, dont le groupe s’est longuement battu pour convaincre l’ancien gouverneur Andrew Cuomo d’interdire la fracturation hydraulique dans l’État de New York.

« Il est incroyablement clair qu’il y a des voix du côté du climat, et plus particulièrement du côté de l’appel à ne pas construire de projets de combustibles fossiles, dit-il. Je pense donc que la dynamique politique est peut-être la plus encourageante que j’aie vue. C’est tout simplement différent de ce que c’était il y a quelques années. »

Les nouveaux amis québécois et canadiens de Kathy Hochul ne devraient surtout pas se priver d’en profiter.