(New York) De hautes clôtures devraient de nouveau être érigées cette semaine autour du temple de la démocratie américaine.

Selon plusieurs médias, la police du Capitole des États-Unis, théâtre d’un assaut perpétré le 6 janvier dernier par des partisans de Donald Trump, envisage cette mesure de sécurité en prévision d’un rassemblement prévu le 18 septembre et baptisé « Justice for J6 ». Elle craint la présence de plusieurs groupes d’extrême droite, dont les Oath Keepers et les Proud Boys.

Les organisateurs promettent une manifestation pacifique. Une manifestation au cours de laquelle des centaines de personnes se rassembleront devant le Capitole pour réclamer justice en faveur des « prisonniers politiques » arrêtés dans la foulée de l’insurrection.

Plus de 600 personnes ont été inculpées en lien avec l’assaut qui visait à stopper la certification des résultats de l’élection présidentielle de 2020.

« Ce que nous recherchons, c’est du pur patriotisme. Ce sont des drapeaux américains, des vêtements américains, des t-shirts, ce genre de choses. Et je vous invite à fabriquer vos propres pancartes demandant justice pour ces prisonniers politiques, justice pour Ashli Babbitt », a déclaré Matt Braynard, organisateur principal de la manifestation et directeur du groupe Look Ahead America, dans un message vidéo diffusé sur Twitter le mois dernier.

Ashli Babbitt est une ancienne combattante et adepte du mouvement QAnon qui a été abattue par un policier du Capitole le 6 janvier dernier. Elle est devenue une martyre aux yeux d’une partie de la droite américaine, y compris Donald Trump.

Mais ce sont les mots « prisonniers politiques » qui soulèvent ces temps-ci la controverse aux États-Unis. Ils ont été adoptés non seulement par des militants conservateurs, mais aussi par un certain nombre d’élus républicains, dont certains ont été invités à prendre la parole samedi.

Et ils sont contestés par un nombre croissant de juges fédéraux et par au moins un ancien président.

« Sur quelle planète vivent-ils ? »

« Il n’était pas un prisonnier politique. Nous ne sommes pas ici aujourd’hui parce qu’il appuyait l’ancien président Trump. […] Il a été arrêté parce qu’il a participé avec enthousiasme à un effort visant à subvertir et à saboter le processus électoral. »

PHOTO PABLO MARTINEZ MONSIVAIS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Amy Berman Jackson, juge fédérale de Washington

Début août, la juge fédérale de Washington Amy Berman Jackson a prononcé ces paroles lors de la reconnaissance de culpabilité de Karl Dresch, résidant de Calumet, au Michigan, qui était détenu depuis le 19 janvier. Quelques jours plus tôt, quatre représentants républicains – Paul Gosar (Arizona), Matt Gaetz (Floride), Louis Gohmert (Texas) et Marjorie Taylor Greene (Géorgie) – avaient tenu une conférence de presse à l’extérieur du centre de détention où Dresch et plusieurs autres insurgés du 6-Janvier étaient détenus.

« Il ne s’agit pas de criminels incontrôlables ou dangereux et violents, mais de prisonniers politiques qui sont maintenant persécutés », avait dénoncé le représentant Gosar.

« Je ne sais pas sur quelle planète ils vivent. »

Cette phrase, c’est le juge fédéral de Washington Royce Lamberth qui l’a prononcée. Lors de la reconnaissance de culpabilité d’Anna Morgan-Lloyd, résidante de Bloomfield, en Indiana, il s’en est pris ainsi aux élus qui ont comparé les insurgés du 6-Janvier à des « touristes ».

Ce n’était pas une manifestation pacifique. Ce n’est pas un hasard qu’elle soit devenue violente ; elle avait pour but d’arrêter le fonctionnement même de notre gouvernement.

Royce Lamberth, juge fédéral de Washington

Quatre manifestants ont perdu la vie pendant l’assaut du Capitole, dont trois à cause de problèmes médicaux. Un policier du Capitole ayant été attaqué par des manifestants est mort le jour suivant. Quatre policiers ayant pris part à la défense du Capitole se sont plus tard suicidés. Plus de 150 policiers ont été blessés lors de l’assaut.

Le 6 janvier 2021, un ancien président républicain a dénoncé en ces mots l’insurrection : « C’est ainsi que les résultats des élections sont contestés dans une république bananière – pas dans notre république démocratique. »

« Une force maligne »

Cet ancien président républicain, George W. Bush, est allé encore plus loin samedi lors de son discours remarqué à Shanksville, ville de Pennsylvanie près de laquelle le vol 93 de United Airlines s’est écrasé le 11 septembre 2001.

PHOTO EVELYN HOCKSTEIN, REUTERS

George W. Bush, ancien président républicain, en Pennsylvanie, samedi

Il a affirmé que les « extrémistes violents » à l’étranger et aux États-Unis sont les « enfants d’un même esprit impur ». Et il a ajouté que ces extrémistes étaient unis dans leur « détermination à souiller les symboles nationaux ».

Le 43e président n’a pas mentionné l’assaut du Capitole dans son discours. Mais le parallèle entre le 11-Septembre et le 6-Janvier n’a échappé à personne. D’autant plus que la cible du vol 93 était probablement le siège du Congrès américain.

George W. Bush a également déploré « une force maligne » à l’œuvre dans son pays qui « transforme chaque différend en dispute et chaque dispute en choc de cultures ».

Ce passage de son discours semble très bien s’appliquer à la réaction d’élus républicains et de commentateurs conservateurs à la décision de Joe Biden d’instaurer l’obligation de se faire vacciner ou de se soumettre à un test de dépistage hebdomadaire pour les employés des entreprises de plus de 100 salariés. Les critiques du président démocrate ont employé les mots « tyran », « dictateur » et « révolte » en dénonçant cette mesure.

Il semble peu probable que les extrémistes américains soient influencés par la sortie de George W. Bush, qui a ni plus ni moins traité les insurgés du 6-Janvier de terroristes. La question semble plutôt de savoir si le pire reste à venir.

Fin août, le représentant républicain de Caroline du Nord Madison Cawthorn a repris à son compte l’expression « prisonniers politiques » pour parler des insurgés du 6-Janvier qui ont été arrêtés et détenus. Il a aussi affirmé que le deuxième amendement « avait été écrit pour que nous puissions lutter contre la tyrannie ».

De quoi pousser la police du Capitole à vouloir ériger de nouveau des clôtures autour du temple de la démocratie américaine.