(New York) À 9 h 03, Marc Sanchez a observé une minute de silence pour marquer le moment où son père Jesus est mort avec les autres passagers du vol 175 de United Airlines qui a percuté la tour sud du World Trade Center, le 11 septembre 2001.

Sous un ciel d’un bleu aussi intense qu’il y a 20 ans, le Bostonien de 26 ans se trouvait samedi matin parmi les proches des victimes qui ont assisté à Manhattan à l’émouvante cérémonie de commémoration des attentats qui ont changé le cours de l’histoire des États-Unis et du monde.

Avant d’accéder au site avec sa fiancée, il se demandait comment il encaisserait ce moment.

« J’essaie de penser à cela comme à quelque chose de beau, comme ce site. C’était une fosse avant, maintenant c’est un beau parc », a-t-il déclaré à La Presse en faisant allusion au mémorial où les 20 ans du 11-Septembre ont été soulignés en présence des trois plus récents couples présidentiels démocrates, Joe et Jill Biden, Barack et Michelle Obama, ainsi que Bill et Hillary Clinton.

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L’ancien président Barack Obama, l’ancienne première dame Michelle Obama, le président Joe Biden et la première dame Jill Biden, lors d’une cérémonie au mémorial du 11-Septembre, à New York.

« Mais c’est difficile », a ajouté Marc Sanchez, dont le père était un employé de United Airlines en congé le 11 septembre 2001. « J’avais 6 ans quand c’est arrivé. Maintenant, j’en ai 26. C’est beaucoup plus difficile. Comme dirait ma fiancée, je découvre une nouvelle douleur que je dois apprivoiser. »

Bruce Springsteen l’a peut-être aidé. Après la deuxième minute de silence au mémorial du World Trade Center, le rocker légendaire a interprété I’ll See You in My Dreams, dernière chanson de son plus récent album, accompagné d’une guitare acoustique. Sa présence n’avait pas été annoncée.

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Bruce Springsteen en performance au mémorial du World Trade Center, à New York

Si on exclut les 19 terroristes d’Al-Qaïda, 2977 personnes ont été tuées lors des attentats du 11-Septembre. Des cérémonies ont également eu lieu au Pentagone, où le vol 77 d’American Airlines s’était écrasé, à Shanksville, en Pennsylvanie, où le vol 93 de United Airlines avait interrompu sa course, et à plusieurs autres endroits aux États-Unis.

Discours remarqué de Bush

À Shanksville, l’ancien président George W. Bush a retenu l’attention en prononçant un discours au cours duquel il a dénoncé tant les extrémistes étrangers que ceux de son propre pays.

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L’ancien président George W. Bush, lors d’un discours à Shanksville, en Pennsylvanie, où s’était écrasé l’un des quatre avions détournés par le commando d’Al-Qaïda le 11 septembre 2001

« Les dangers pour notre pays peuvent venir non seulement de l’extérieur de nos frontières, mais aussi de la violence qui prend de l’ampleur à l’intérieur », a déclaré celui qui occupait la Maison-Blanche lorsque les djihadistes d’Al-Qaïda ont frappé les États-Unis.

Il y a peu de chevauchement culturel entre les extrémistes violents de l’étranger et les extrémistes violents de l’intérieur. Mais dans leur dédain du pluralisme, dans leur mépris de la vie humaine, dans leur détermination à souiller les symboles nationaux, ils sont les enfants du même esprit immonde, et il est de notre devoir permanent de les affronter.

George W. Bush, ancien président des États-Unis

Deux anciens présidents n’ont pris part à aucune cérémonie de commémoration officielle. Âgé de 97 ans, Jimmy Carter n’a pas quitté son domicile de Plains, en Géorgie. Donald Trump, lui, n’a pas visité le mémorial du World Trade Center en après-midi, comme la rumeur le voulait. En soirée, cependant, il s’est transformé comme prévu en analyste de boxe à l’occasion d’un gala présenté dans un casino de Hollywood, en Floride, et diffusé à la télévision.

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Moment de recueillement près du bassin sud du mémorial du 11-Septembre, à New York

Il avait entamé la journée de commémoration en décriant dans un message vidéo la façon dont son successeur avait mis fin à la guerre en Afghanistan.

« C’est la 20e année de cette guerre et cela aurait dû être une année de victoire, d’honneur et de force. Au lieu de cela, Joe Biden et son administration inepte ont capitulé dans la défaite », a-t-il déclaré. « Nous allons continuer à vivre, mais malheureusement, notre pays sera blessé pendant une longue période. Nous aurons du mal à nous remettre de l’embarras que cette incompétence a provoqué. »

« Si un malheur survenait… »

Joe Biden n’a prononcé de discours à aucun des trois sites qu’il a visités samedi – New York, Shanksville et le Pentagone. Cependant, lors d’une mêlée de presse à Shanksville, il a salué l’allocution de George W. Bush et son appel à l’unité. Il s’est par ailleurs demandé tout haut si les Américains allaient faire le bon choix entre démocratie et autoritarisme.

Allons-nous – dans les quatre, cinq, six, dix prochaines années – démontrer que les démocraties peuvent fonctionner, ou pas ?

Joe Biden, président des États-Unis

Mais les États-Unis de 2021 seraient-ils capables de mettre fin à leur désunion pour affronter un autre 11-Septembre ? Jen Manning, 52 ans, qui vit près de la capitale new-yorkaise d’Albany, en est convaincue.

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Une cérémonie a également eu lieu au Pentagone, samedi, avec des membres des forces armées.

« Nous sommes un pays divisé sur le plan politique, tout le monde semble avoir sa propre opinion, que ce soit sur la COVID-19 ou sur tout autre sujet », a-t-elle d’abord reconnu en se tenant parmi la foule massée à proximité du site du World Trade Center. « Mais je crois que si un malheur survenait, chaque être humain se porterait au secours des autres. »

Le 11 septembre 2001, c’est ce que John Tencza a fait. Du toit d’un immeuble situé dans le quartier Bay Ridge de Brooklyn, cet ancien employé de l’Autorité de transport de la ville de New York a vu les deux avions percuter les tours jumelles. Et il a fait fi des ordres contraires de ses supérieurs et pris la route du World Trade Center avec une équipe de collègues électriciens et soudeurs. Son objectif personnel : aider son frère ingénieur, qui était censé ce matin-là être en réunion dans une des tours.

Dans le sud de Manhattan, l’air devenait de plus en plus irrespirable au fur et à mesure que le groupe s’approchait de Ground Zero, où les tours s’étaient écroulées. Mais John Tencza n’a jamais songé à rebrousser chemin.

« À ce moment-là, je ne savais pas encore que la réunion de mon frère avait été annulée. C’était la bonne chose à faire. Les gens vont être blessés et ils méritent d’avoir quelqu’un pour les aider », a raconté celui qui a quitté vendredi le Tennessee, où il vit aujourd’hui, pour souligner le 20e anniversaire du 11-Septembre à New York.

Des pompiers venus des quatre coins de l’Amérique du Nord se sont également déplacés pour rendre hommage à leurs 343 collègues new-yorkais qui ont péri il y a 20 ans dans l’écroulement des tours. Steve Joncas, de Farnham, était parmi eux avec sa conjointe.

« En ce 20e anniversaire des attentats, c’était important pour nous de venir ici et d’honorer la mémoire de ceux qui ont perdu leur vie, tant chez les pompiers que chez les autres premiers répondants », a déclaré le pompier de 33 ans. « Leur exemple a eu une certaine influence dans mon choix de carrière. Ils n’ont pas eu peur. »