(Washington) Au pays des libertés individuelles, l’annonce par Joe Biden que la vaccination anti-COVID-19 19 sera bientôt obligatoire pour les deux tiers des travailleurs américains suscite un tollé chez les républicains, qui comptent lancer des poursuites contre le gouvernement démocrate.

« Ça ressemble fort à une dictature », ont réagi les républicains de la Chambre des représentants, alors même que le président des États-Unis prononçait encore son discours jeudi.

Le président tonnait alors : « Nous avons été patients, mais notre patience atteint ses limites. »

Après des mois passés à tenter de convaincre les Américains de se faire vacciner, parfois avec des récompenses à l’appui, le septuagénaire a adopté un ton nettement différent pour annoncer sa nouvelle « stratégie » : rendre la vaccination obligatoire pour quelque 100 millions d’Américains.  

« Nous avons tous dû payer votre refus », a-t-il dénoncé, en direction des 80 millions d’Américains encore non vaccinés, soit 25 % de la population.

Vendredi, l’avalanche de réactions outrées de la part de conservateurs qui en appelaient à la « liberté » se déversait encore, accompagnées de menaces de poursuites.  

« Aux dernières nouvelles, nous vivons dans un pays libre », s’est insurgé l’ex-président Donald Trump, dans un courriel pour lever des fonds.  

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Le gouverneur du Texas, Greg Abbott

Une « attaque contre les entreprises privées », a réagi le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbott, en annonçant qu’il avait signé un décret « protégeant le droit des Texans à choisir de se faire vacciner contre la COVID-19 ».  

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La gouverneure du Dakota du Sud, Kristi Noem

« Rendez-vous devant les tribunaux », a lancé la gouverneure conservatrice du Dakota du Sud à Joe Biden.  

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La présidente du parti républicain, Ronna McDaniel

Le parti républicain « poursuivra cette administration pour protéger les Américains et leurs libertés », a renchéri sa présidente, Ronna McDaniel.

Comme elle, beaucoup de républicains se disent en faveur du vaccin, mais contre son obligation. D’autres sont vaccinosceptiques.

Le nouveau ton pugnace du président a jeté de l’huile sur le feu des réactions indignées.  

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L'ex-vice-président Mike Pence

Ce « n’est pas comme cela que les Américains s’attendent à ce que leurs élus leur parlent », a lancé l’ancien vice-président de Donald Trump, Mike Pence, sur Fox News vendredi.

Alimentée depuis l’été par le variant Delta, la pandémie a déjà fait 650 000 morts aux États-Unis.  

Face à cette résurgence, le président a signé jeudi un décret qui obligera les fonctionnaires de l’exécutif à se faire vacciner dans les prochaines semaines, sans possibilité de recourir à des tests réguliers. Cet ordre concerne également les salariés de sous-traitants, le personnel de maisons de retraite et les écoles qui dépendent du gouvernement fédéral.

Plus polémique encore dans ce pays où le pouvoir central est perçu avec méfiance par les conservateurs, le décret contourne le pouvoir législatif et l’autorité des États sur les questions sanitaires, et s’applique aussi au secteur privé.  

Les employés des entreprises de plus de 100 salariés auront désormais l’obligation de se faire vacciner ou d’effectuer un test de dépistage hebdomadaire.  

Bataille juridique féroce

À tous ceux qui s’indignent, les démocrates et défenseurs de cette décision rétorquent que d’autres vaccins sont déjà obligatoires aux États-Unis pour les enfants scolarisés.  

Ils citent aussi la jurisprudence et des décisions de la Cour suprême, dont une datant de 1905 qui avait tranché contre un Américain refusant de se faire vacciner contre la variole.  

Mais cette décision s’appliquait au pouvoir d’un État, et non au pouvoir fédéral. Et toute la question sera maintenant de voir si la Maison-Blanche peut imposer cette obligation par décret.  

La bataille juridique s’annonce féroce.  

Les poursuites du parti républicain « sont frivoles », a estimé sur Twitter Lawrence Gostin, professeur de droit de la santé à l’université de Georgetown.  Et le président « a tout pouvoir légal » pour définir des règles de sécurité sur les lieux de travail, selon lui.

Le lobby Business Roundtable, qui représente les plus grandes entreprises américaines, a lui « salué » la politique de Joe Biden face au virus.  

Interrogé vendredi sur les menaces de poursuites républicaines, Joe Biden s’est montré vindicatif :

« Qu’ils tentent », a-t-il lancé, en se disant « particulièrement déçu que certains gouverneurs républicains aient agi aussi légèrement avec la santé des enfants. »

« Nous ne devrions pas être condamnés à un tel débat politique. »