(New York) Avant l’annonce de la démission, il y a eu les « mecsplications ».

S’adressant pour la première fois en direct aux habitants de l’État de New York depuis la publication d’un rapport accablant sur les allégations de harcèlement sexuel le visant, Andrew Cuomo a avoué sa propension à toucher les gens, à les enlacer, à les embrasser. « Je l’ai fait toute ma vie », a-t-il dit lors d’une intervention depuis son bureau de Manhattan.

Il a affirmé ne pas avoir « pleinement » compris certains « changements générationnels et culturels » sur la façon d’agir avec les femmes. « Dans mon esprit, je n’ai jamais franchi la ligne avec qui que ce soit, mais je n’avais pas réalisé à quel point la ligne avait été redessinée », a-t-il prétendu.

Et tout en disant assumer « la pleine responsabilité » de ses actions, il a rejeté en bloc les allégations des 11 employées actuelles ou anciennes de l’État de New York, mettant ses problèmes sur le compte de ses ennemis, de Twitter et d’un environnement politique malsain.

« Je suis un New-Yorkais d’origine », a-t-il dit.

Je suis un battant et mon instinct me pousse à me battre contre cette controverse, car je crois sincèrement qu’elle est motivée par des considérations politiques, qu’elle est injuste et mensongère et qu’elle diabolise un comportement qui n’est pas viable pour la société.

Andrew Cuomo, gouverneur de l’État de New York

Jusque-là, le gouverneur de New York ne donnait pas l’impression d’un homme qui était prêt à lâcher prise. Pour autant, après avoir évoqué la procédure de destitution envisagée contre lui par l’Assemblée de l’État de New York, il a changé de ton.

« Étant donné les circonstances, je pense que la meilleure façon d’aider maintenant est de me retirer et de laisser le gouvernement gouverner. Et c’est donc ce que je vais faire », a-t-il déclaré.

Bigre !

Chute spectaculaire

La démission d’Andrew Cuomo entrera en vigueur 14 jours après cette annonce. La lieutenante-gouverneure de l’État de New York, Kathy Hochul, deviendra alors la première femme à occuper le poste de gouverneur de l’État. Originaire de la région de Buffalo, cette politicienne de 62 ans a siégé à la Chambre des représentants pour un seul mandat avant d’être battue et recrutée par Cuomo, qui s’est fait élire à ses côtés en 2014 et en 2018, sans pour autant l’inclure dans sa garde rapprochée.

Il s’agit d’une chute aussi spectaculaire qu’humiliante pour Andrew Cuomo, qui avait réussi à imiter son père, Mario Cuomo, en décrochant un troisième mandat au poste de gouverneur. Il revendique plusieurs victoires politiques dans des dossiers chers aux progressistes, y compris la légalisation du mariage gai et de la marijuana, l’augmentation du salaire minimum à 15 $ l’heure et le durcissement des lois sur les armes à feu.

Sa popularité à New York et aux États-Unis aura atteint des sommets au plus fort de la pandémie.

Ses conférences de presse quotidiennes, où il mélangeait pédagogie scientifique et compassion, contrastaient avec les propos souvent irresponsables et ignorants de Donald Trump.

Mais cette popularité a commencé à s’effriter l’hiver dernier. Dans un texte publié en décembre 2020 sur le site Medium, Lindsey Boylan est devenue la première femme à accuser le gouverneur d’attouchements non désirés et de propos déplacés.

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Letitia James, procureure générale de l’État de New York

Un mois plus tard, la procureure générale de l’État de New York, Letitia James, a enchaîné avec un rapport accusant le gouverneur d’avoir caché le nombre exact des victimes de la COVID-19 parmi les résidants de maisons de retraite ou de centres de soins de longue durée de l’État.

En mars dernier, après d’autres allégations de harcèlement sexuel, le gouverneur a tenté de calmer le jeu en confiant à la procureure générale la mission de mener une enquête.

La semaine dernière, Letitia James a présenté un rapport d’enquête de 165 pages accusant Andrew Cuomo d’avoir harcelé 11 employées actuelles ou anciennes de l’État de New York en violation des lois fédérales et de l’État.

Soulagement et satisfaction

Le même jour, tous les démocrates d’une certaine envergure, y compris Joe Biden, ont réclamé la démission d’Andrew Cuomo. Dans le même temps, les dirigeants du parti à Albany, capitale de l’État de New York, ont indiqué leur intention de conclure une enquête en destitution lancée en mars dernier contre le gouverneur.

Il est important de noter qu’Andrew Cuomo aurait dû céder son poste pendant la durée d’une procédure de destitution et ne l’aurait retrouvé qu’après un acquittement éventuel devant le Sénat de l’État de New York.

Ce scénario a dû peser dans sa décision de démissionner. Chose certaine, plusieurs responsables new-yorkais ont exprimé leur soulagement après son annonce.

« Aujourd’hui, un triste chapitre se clôt pour tout New York, mais c’est un pas important vers la justice », a déclaré Letitia James.

Le maire de New York, Bill de Blasio, qui s’est souvent colleté avec Andrew Cuomo, n’a pas caché sa satisfaction.

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Bill de Blasio, maire de New York

Ne vous méprenez pas, c’est le résultat de survivantes qui ont courageusement raconté leur histoire.

Bill de Blasio, maire de New York, sur Twitter

Mariann Wang, avocate de deux des victimes présumées du gouverneur, a déclaré que ses clientes se sentaient « justifiées et soulagées que Cuomo ne soit plus en position de pouvoir sur quiconque ».

Sa démission ne met pas Andrew Cuomo à l’abri de poursuites civiles et criminelles. Elle pourrait cependant inciter l’Assemblée à abandonner sa démarche pour mettre en accusation le gouverneur.

L’enquête en destitution, faut-il rappeler, ne portait pas seulement sur les allégations de harcèlement sexuel. Elle s’intéressait à d’autres dossiers importants, dont la gestion de la pandémie du gouverneur dans les établissements pour personnes âgées de l’État.