(New York) Originaires de Brooklyn, les rappeurs en herbe du collectif Blixky Gang ont une affection particulière pour les armes de poing. Dans une vidéo intitulée Word to Folk et publiée en octobre dernier sur YouTube, ils en pointent plusieurs en direction de la caméra. Or, mercredi dernier, certains d’entre eux ont été inculpés pour trafic d’armes à feu.

Selon l’acte d’accusation, Courtney Schloss, membre du Blixky Gang, et ses complices ont acquis 87 armes de poing sur une période de neuf mois grâce à l’aide d’un homme de paille résidant en Géorgie. Dans certains cas, les pistolets auraient été revendus à des membres du collectif. Dans d’autres, ils se seraient retrouvés entre les mains de New-Yorkais qui s’en seraient servis pour commettre des crimes.

Au total, neuf personnes ont été inculpées.

« Les arrestations d’aujourd’hui ont mis fin au présumé trafic d’armes de ces neuf accusés », a déclaré Audrey Strauss, procureure fédérale du district sud de New York, lors d’une conférence de presse à Manhattan.

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Audrey Strauss, procureure fédérale du district sud de New York

Ces arrestations devraient également envoyer un message à tous ceux qui envisagent de vendre illégalement des armes à des New-Yorkais ou de faire entrer illégalement des armes à New York : nous et nos partenaires chargés de l’application de la loi les surveillons. Et nous poursuivrons les trafiquants d’armes dans toute la mesure permise par la loi.

Audrey Strauss, procureure fédérale du district sud de New York

Brooklyn, bien sûr, n’est ni Rivière-des-Prairies ni Montréal-Nord. Mais l’arrondissement le plus populeux de New York, comme plusieurs autres à New York et aux États-Unis, est confronté à un problème commun à certains arrondissements montréalais, celui des fusillades.

Et les armes à feu illégales alimentent ce fléau à New York comme à Montréal. D’où l’intérêt de jeter un coup d’œil sur la façon dont leur trafic semble fonctionner au sud du 49e parallèle.

Un « Rondo » ou un « Jordan » ?

« Rondo », « Jordan », « petites télés ». Selon l’acte d’accusation les visant, Courtney Schloss et consorts ont utilisé ces noms et expressions pour identifier dans leurs textos les armes de poing recherchées par leurs clients.

« Rondo » était une allusion à Rajon Rondo, basketteur professionnel qui a porté le numéro 9 au sein de plusieurs équipes de la NBA, selon l’acte d’accusation. Les trafiquants présumés auraient employé ce nom quand ils avaient besoin d’un pistolet 9 mm. Quand ils voulaient un Glock 23, ils auraient mentionné le patronyme de Michael Jordan, célèbre numéro 23 des Bulls de Chicago.

Quant aux « petites télés », elles auraient servi à désigner des armes de poing de plus petits calibres.

Selon l’acte d’accusation, les textos de Courtney Schloss, alias Bway ou Balenci, et de son principal complice, James Thomas, alias Spazz, étaient adressés à Duvaughn Wilson, alias Dupree, l’homme de paille vivant en Géorgie.

Wilson est accusé d’avoir acheté au moins 87 armes de poing auprès d’au moins six vendeurs en règle de son État. Ceux-ci lui faisaient signer chaque fois un formulaire attestant qu’il ne faisait pas l’acquisition des pistolets pour le compte d’un tiers.

Selon l’accusation, la plupart des armes ont pris la route de New York dans la soute à bagages de bus. Dix-huit pistolets auraient été interceptés par la police lors d’un arrêt en Caroline du Sud, mais n’auraient pu être reliés aux trafiquants. Ceux-ci auraient pris soin d’effacer leurs empreintes avant de monter à bord.

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La procureure fédérale du district sud de New York, Audrey Strauss, décrit l’inculpation de certains membres du collectif de rap Blixky Gang pour trafic d’armes à feu depuis la Géorgie, lors d’une conférence de presse à Manhattan mercredi.

Les armes qui sont arrivées à destination ont été revendues à diverses personnes, dont des New-Yorkais qui n’avaient pas le droit d’en posséder en raison de leur casier judiciaire, selon l’acte d’accusation.

Le document affirme qu’une des armes de poing a été récupérée par la police après avoir été abandonnée par un suspect qui venait de s’en servir pour tirer trois balles en direction d’agents du NYPD dans le Bronx, en février dernier. Une autre arme aurait été retrouvée le mois dernier après l’exécution d’un mandat de perquisition en lien avec l’arrestation d’un homme recherché pour meurtre à Brooklyn.

Et d’autres armes encore auraient été acquises par des membres du collectif Blixky, qui les auraient exhibées dans une autre vidéo, intitulée Guns in the Booth.

Création d’unités fédérales

L’inculpation des trafiquants présumés survient deux semaines après la mise en place par le ministère de la Justice des États-Unis de cinq unités fédérales dans autant de grandes villes américaines pour combattre le trafic d’armes à feu. Ces villes, où une forte hausse des homicides a été enregistrée depuis un an et demi, sont New York, Chicago, Los Angeles, San Francisco et Washington.

« Nous voulons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour démanteler les voies de trafic bien rodées qui ont trop souvent permis de détourner des armes vers le marché illégal et de les acheminer vers des communautés, comme celle de New York », a déclaré Lisa Monaco, procureure générale adjointe des États-Unis, lors de la conférence de presse à Manhattan.

Elle a précisé que l’enquête ayant mené à l’inculpation des neuf trafiquants présumés avait été ouverte avant la création des nouvelles unités.

À New York, 900 évènements impliquant des armes à feu ont été recensés du 1er janvier au 1er août 2021, soit plus que le total enregistré pendant toute l’année 2019.

En mai 2020, Nick Blixky, ou Nickalus Thompson de son vrai nom, l’un des rappeurs les plus prometteurs du collectif Blixky Gang, a lui-même été victime de la violence liée aux armes à feu. À moins d’un mois de la sortie de son premier « mixtape », le jeune homme de 21 ans a été retrouvé sans vie, tard un dimanche soir, dans une rue du quartier Prospect Lefferts Gardens, à Brooklyn. Il avait été atteint de sept balles.

Peu après, un rappeur concurrent s’est fait prendre en photo debout sur une pierre tombale vandalisée, vêtu d’un t-shirt sur lequel on pouvait lire « Rest In Piss Nick Blixky ».

Un message aussi dégradant a été publié la semaine dernière sur les réseaux sociaux par un rival de Jerry Willer Jean-Baptiste, rappeur membre du collectif Profit Boyz, tué dans la fusillade à Rivière-des-Prairies.