(New York) Attablée à la terrasse du restaurant La Boucherie, qui occupe une partie de Park Avenue South, Francine Haselkorn enfile un double masque avant de répondre aux questions du journaliste qui vient de l’aborder.

« Je ne veux pas vous insulter, mais je ne connais pas votre statut vaccinal », lance-t-elle à son interlocuteur, qui s’empresse de mettre son propre masque par politesse plus que par précaution.

Rendu là, il est presque superflu de demander à la dame d’un certain âge ce qu’elle pense de la décision du maire de New York, annoncée quelques heures plus tôt, de faire de sa ville la première aux États-Unis à créer un passeport vaccinal.

« Tout ce que nous pouvons faire pour mettre un terme à cette pandémie galopante est utile », dit-elle en répondant à l’une des deux grandes questions du jour à New York, l’autre portant sur l’avenir du gouverneur de l’État.

« Mais ce n’est pas assez », ajoute-t-elle, faisant allusion à la preuve de vaccination qui sera exigée dans la métropole américaine pour accéder à l’intérieur des restaurants, des gyms et des lieux de divertissement. « Il faudrait que le gouvernement fédéral impose la vaccination à l’ensemble du pays. »

Pour l’heure, la décision du maire Bill de Blasio semble emporter l’adhésion d’une bonne majorité des New-Yorkais, à en juger par les réactions recueillies par La Presse à Manhattan après son annonce.

« C’est une bonne chose, car trop de gens continuent à refuser de se faire vacciner ou de porter le masque. Ce sont eux qui causent tous les problèmes », dit Jerome Pierre, 53 ans, en sortant d’un gym de la chaîne Crunch.

« Au bout du compte, ça va les forcer à se faire vacciner. Mais pas juste ça. Il y a aussi le fait que la plupart de ceux qui sont infectés ont en commun de ne pas être vaccinés. »

Plus de 1200 cas par jour

L’annonce du maire de Blasio intervient à un moment où l’épidémie de coronavirus connaît un regain à New York, comme dans plusieurs autres localités ou États américains. La ville recense plus de 1200 cas de contamination à la COVID-19 par jour, soit environ six fois plus qu’en juin, hausse attribuée en grande partie au variant Delta.

Le passeport vaccinal de New York, baptisé « Key to NYC pass », exigera au moins une dose de vaccin pour les salariés et les clients des restaurants en intérieur, des salles de sport et des salles de spectacle. Il fera ses débuts le 16 août et, après une période de transition, entrera en vigueur de façon officielle le 13 septembre.

« Si vous voulez participer pleinement à notre société, vous devez vous faire vacciner. Il est temps », a déclaré mardi le maire de New York lors d’une conférence de presse. « Cela va devenir une obligation. »

PHOTO RICHARD DREW, ASSOCIATED PRESS

Bill de Blasio, maire de New York

Le seul moyen de fréquenter ces établissements est d’être vacciné, au moins une dose. De même pour les personnes qui travaillent, elles devront recevoir au moins une dose.

Bill de Blasio, maire de New York

Le passeport vaccinal est la plus récente initiative de la Ville de New York pour relancer la vaccination sur son territoire. Bill de Blasio a annoncé, la semaine dernière, un incitatif de 100 $ pour tout New-Yorkais qui reçoit une première dose de vaccin dans une clinique municipale. Il a cependant refusé d’emboîter le pas à d’autres localités, dont le comté de Los Angeles et la ville de Washington, qui ont réimposé le port du masque dans les endroits publics fermés.

« Tout ce que nous faisons est axé sur la vaccination », a-t-il déclaré lundi.

Environ 66 % de la population adulte de New York est pleinement vaccinée, selon les données de la Ville, contre 60,6 % de l’ensemble de la population adulte des États-Unis.

Biden rappelle « les faits »

Quelques heures après l’annonce de Bill de Blasio, Joe Biden s’est adressé aux Américains depuis la Maison-Blanche pour faire le point sur ce qu’il a appelé « la pandémie des non-vaccinés ».

« Je sais qu’il y a beaucoup de désinformation, alors voici les faits », a déclaré le président, dont l’administration a elle-même été accusée d’alimenter la confusion la semaine dernière. « Si vous êtes vacciné, vous avez très peu de risques de contracter la COVID-19. Et même si cela vous arrive, il y a de fortes chances que vous ne présentiez aucun symptôme. Et si vous en avez, ils seront très probablement très légers. Les personnes vaccinées ne sont presque jamais hospitalisées. »

Tout en se réjouissant de la hausse des vaccinations dans certains États en retard sur ce plan, Joe Biden s’est attaqué aux gouverneurs républicains de Floride et du Texas, où les contaminations et les hospitalisations ont grimpé en flèche au cours des derniers jours.

Nous avons besoin d’un leadership de la part de tout le monde. Certains gouverneurs ne sont pas prêts à faire ce qu’il faut pour que cela se produise. Je dis à ces gouverneurs, s’il vous plaît, si vous ne voulez pas aider, retirez-vous au moins du chemin des gens qui font ce qu’il faut.

Joe Biden, président des États-Unis

À New York, Bill de Blasio fait partie des gens qui font ce qu’il faut, selon Robert Parks, conservateur de musée à la retraite. Mais l’homme de 77 ans se pose quand même des questions sur le passeport vaccinal.

« Pour les gens de mon âge, c’est une bonne chose. Mais je ne suis pas encore sûr que ce soit complètement juste », a-t-il déclaré en mangeant un sandwich à une table dans une partie de Broadway fermée à la circulation. « Cela crée une division entre personnes vaccinées et personnes non vaccinées. Et je n’ai pas le même sentiment d’antipathie que certains éprouvent à l’égard des personnes non vaccinées. Je ne connais pas toutes les raisons qui motivent leur choix. »

À l’extérieur du gym de la chaîne Crunch, un autre habitué a parlé de « liberté » pour justifier son opposition au passeport vaccinal.

« Les personnes non vaccinées doivent déjà porter le masque pour s’entraîner. Pourquoi leur imposer en plus le vaccin ? Elles devraient être libres de choisir », a-t-il déclaré en requérant l’anonymat.

Mais si le passeport vaccinal peut réussir à New York, il peut réussir n’importe où, si l’on se fie à la chanson.