(New York) La Trump Organization, l’entreprise de l’ex-président américain et son directeur financier Allen Weisselberg ont plaidé jeudi non coupables de multiples accusations de fraude fiscale, un coup dur pour les affaires de l’ex-président républicain qui qualifie tout le dossier de « chasse aux sorcières ».

Inculpé la veille par un grand jury, Allen Weisselberg, 73 ans, fidèle parmi les fidèles de l’ancien président Donald Trump, est arrivé au tribunal vers 14 h 15, les mains derrière le dos, menotté.  

Après avoir plaidé non coupable et remis son passeport, il a été remis en liberté, en attendant une nouvelle audience le 20 septembre, pour préparer son procès.  

Selon l’un des procureurs, Carey Dunne, l’entreprise de Donald Trump et cet homme très discret avaient ensemble, depuis 2005, mis en place un « vaste et audacieux système de paiements illégaux ».  

D’après l’acte d’accusation rendu public après l’audience, M. Weisselberg et cette entreprise non cotée se sont « conduits systématiquement » de façon à sous-évaluer la rémunération de ce dernier et d’autres employés non mentionnés, afin de payer des impôts « substantiellement inférieurs » aux sommes réellement dues.  

M. Weisselberg – qui travaille pour les Trump depuis 1973 – est notamment accusé, entre 2005 et 2021, d’avoir délibérément dissimulé au fisc quelque 1,7 million de dollars d’avantages en nature.

Parmi ces avantages figurent son appartement dans le quartier huppé de l’Upper West Side à Manhattan, la location en crédit-bail de deux Mercedes pour lui et sa femme, ou de l’argent liquide pour ses vacances.

Cet homme discret, qui était officiellement rémunéré quelque 940 000 dollars par an entre 2011 et 2018, est aussi accusé d’avoir menti en affirmant ne pas être résident de la ville de New York, pour réduire ses impôts.  

La plus grave des accusations contre lui pourrait lui valoir jusqu’à 15 ans de prison, selon des experts judiciaires.  

« Cela divise notre pays »

Après l’audience, un des avocats de la Trump Organization, Alan Futerfas, a balayé toute l’affaire comme « politiquement motivée ».  

Donald Trump a lui encore accusé les deux procureurs qui chapeautent le dossier - le procureur de Manhattan Cyrus Vance et la procureure de l’État de New York Letitia James, deux démocrates - de « continuer leur chasse aux sorcières », expression qu’il a utilisée durant tout son mandat envers ses détracteurs.  

PHOTO JOHN MINCHILLO, AP

Le procureur Cyrus Vance

« Cela divise notre pays comme jamais auparavant », a affirmé l’ex-président républicain, qui maintient l’ambiguïté sur une éventuelle nouvelle candidature à la présidentielle en 2024.

Ses affirmations ont été réfutées par le procureur Carey Dunne.  

« Contrairement à ce qu’affirme l’entreprise, il ne s’agit pas de pratiques standard dans le monde des affaires », a déclaré M. Dunne à l’audience. « Elles ont été orchestrées par des cadres au plus haut niveau de l’entreprise, qui en profitaient financièrement en obtenant des augmentations secrètes. »

Le président démocrate Joe Biden, interrogé lors d’un déplacement en Floride, a refusé de commenter ce dossier visant les affaires de son prédécesseur.   

Trump épargné, pour l’instant 

Les inculpations rendues publiques jeudi sont les premiers fruits d’une enquête lancée il y a plus de deux ans par Cyrus Vance, rejoint ensuite par Letitia James.

M. Vance s’est notamment battu des mois durant pour obtenir les déclarations d’impôts de l’ancien magnat new-yorkais, premier président américain depuis les années 1970 à ne pas les avoir publiées.

L’ex-président n’a pas été mis en cause à ce stade ni aucun membre de sa famille.

Mais « l’enquête va continuer, et nous suivrons les faits où qu’ils nous mènent », a averti Letitia James après l’audience.  

Les détracteurs de Trump ne cachent pas leur espoir de le voir personnellement mis en cause. Comme son ex-avocat personnel Michael Cohen, condamné à trois ans de prison en 2018 et qui collabore depuis avec les enquêteurs contre son ancien patron.  

« La cible de cette enquête n’est pas Allen Weisselberg […] c’est Trump lui-même », a-t-il affirmé jeudi sur CNN.

Même si Trump n’est pas lui-même visé, ces inculpations devraient porter un coup à ses affaires, a indiqué à l’AFP Beverly Moran, professeure de droit à l’université Vanderbilt.

Lorsqu’une entreprise est inculpée, les banques qui la financent sont généralement promptes à lui demander de rembourser ses dettes, a-t-elle expliqué. La Trump Organization – qui regroupe clubs de golf, hôtels de luxe et autres propriétés immobilières – étant lourdement endettée, cela pourrait « la mettre dans une position financière difficile », selon elle.

Donald Trump fut, en 2016, le premier milliardaire à entrer à la Maison-Blanche.  

Lors de son départ pour Washington, il refusa de céder son entreprise, comme les experts en éthique le lui recommandaient, passant simplement les rênes à Allen Weisselberg et ses deux fils aînés, Donald Junior et Eric Trump.