(New York) Eric Adams, le meneur de la course, a dû prouver aux journalistes qu’il vivait bel et bien à Brooklyn et non pas au New Jersey. Ce n’est pas un détail pour qui veut être élu à la mairie de New York.

Kathryn Garcia et Andrew Yang, deux de ses principaux rivaux, ont fait campagne ensemble dans la dernière ligne droite, formant une alliance inattendue aux conséquences imprévisibles.

Et Ray McGuire, le candidat soutenu par quelques-unes des plus grandes pointures du rap et du cinéma, s’est avéré l’un des plus ennuyeux des 13 aspirants démocrates à la mairie de New York.

Mardi, ils s’affronteront tous dans le cadre d’une primaire démocrate qui décidera vraisemblablement du successeur du maire démocrate Bill de Blasio, inéligible à un troisième mandat, et qui mettra fin à l’une des campagnes électorales les plus étranges de l’histoire de New York.

Pendant des mois, les New-Yorkais l’ont largement ignorée, consacrant leur attention à une pandémie qui a tué plus de 33 000 des leurs et dévasté l’économie locale. Et lorsqu’ils se sont mis à s’y intéresser, ils ont découvert un groupe de candidats peu connus ou peu inspirants, à l’exception peut-être d’Andrew Yang, ancien candidat présidentiel, qui a trôné au sommet des sondages pendant plusieurs semaines. C’était avant qu’il ne commence à accumuler les gaffes et à démontrer qu’il n’était peut-être pas prêt à diriger une ville confrontée à des défis importants.

Résultat : le nombre d’électeurs démocrates pourrait se situer autour de 800 000, ou 21 % de l’électorat inscrit, selon des projections effectuées à partir du vote par anticipation. Compte tenu du fait que la primaire républicaine opposera deux candidats dont l’attrait est jugé presque nul dans un bastion démocrate comme New York, le prochain maire de la métropole américaine pourrait donc être choisi par seulement 14 % de l’ensemble des électeurs new-yorkais.

La hausse de la criminalité

Selon les plus récents sondages, Eric Adams, président de l’arrondissement de Brooklyn et ex-capitaine de la police de New York (NYPD), pourrait bien être ce maire. Âgé de 60 ans, cet Afro-Américain au physique d’athlète a fait de la lutte contre la criminalité son principal cheval de bataille. Il pourrait devenir le deuxième maire noir de New York, 32 ans après David Dinkins, grâce à une coalition électorale inédite, formée notamment par les Noirs d’un certain âge et les Blancs qui possèdent des maisons dans les arrondissements autres que Manhattan.

La hausse de la criminalité est réelle. Mais New York est encore très loin des 2000 homicides par an qui ont marqué les années 1980 et 1990. Selon les données les plus récentes, 181 meurtres ont été commis depuis le début de l’année, contre 162 à la même époque l’an dernier, soit une hausse de 11,7 %.

L’élection d’Eric Adams constituerait une gifle monumentale pour les progressistes de New York, qui lui préfèrent Maya Wiley, avocate des droits civiques et ancienne conseillère juridique du maire de Blasio. La gauche new-yorkaise reproche à Eric Adams, ex-républicain, d’être trop près des promoteurs immobiliers et de vouloir ramener à New York les méthodes policières de l’ère Giuliani.

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Maya Wiley, candidate démocrate à la mairie de New York

Les médias ont pour leur part publié des articles remettant en question sa probité et sa transparence. Des journalistes de Politico ont notamment déterminé que le candidat dormait souvent dans l’édifice municipal où se trouve son bureau et qu’il avait participé à des débats sur Zoom depuis le New Jersey, où il possède un condo avec sa partenaire.

Le lendemain de la publication de l’article de Politico, Eric Adams a invité les journalistes à visiter un appartement situé au sous-sol d’un triplex dont il est propriétaire à Brooklyn. Il leur a expliqué qu’il s’agissait de son domicile. Les journalistes ont rapporté le tout avec un certain scepticisme.

Le vote préférentiel

Le dernier week-end de la campagne a donné lieu à une autre scène inusitée. Deux des principaux candidats, Andrew Yang et Kathryn Garcia, ont tenu samedi des activités communes, le premier encourageant ses partisans à inscrire la seconde, ancienne responsable d’agences municipales, comme deuxième choix sur leur bulletin de vote.

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Andrew Yang et Kathryn Garcia ont tenu des activités communes samedi

Il faut comprendre que le vote préférentiel fera ses débuts à New York mardi. Les démocrates pourront ainsi choisir par ordre de préférence jusqu’à cinq candidats. Si aucun candidat ne reçoit plus de 50 % des voix de premier choix, le dépouillement des voix se poursuivra sous forme de tour jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que deux candidats.

Eric Adams a dénoncé l’alliance Yang-Garcia, affirmant que ses rivaux voulaient empêcher « une personne de couleur » de devenir maire. Andrew Yang, fils d’immigrés taïwanais, a répondu : « Je dirais à Eric Adams que j’ai été une personne de couleur toute ma vie. »

Eric Adams a plus tard modifié son accusation en disant que ses rivaux voulaient empêcher un Noir ou un Latino de devenir maire.

Pendant ce temps, Maya Wiley recevait l’appui d’une autre progressiste bien en vue, la sénatrice d’État Alessandra Biaggi, qui emboîte ainsi le pas à deux icônes de la gauche américaine, Alexandria Ocasio-Cortez et Elizabeth Warren. La candidate afro-américaine s’est hissée au deuxième rang dans plusieurs sondages récents.

Mais l’issue de la course demeure incertaine en raison des questions qui subsistent sur la composition de l’électorat et l’effet du vote préférentiel. Une seule chose est certaine : Ray McGuire, ancien numéro deux de Citigroup, ne sera pas le prochain maire de New York, n’en déplaise à Jay-Z, Diddy, Nas et Spike Lee, qui lui avaient offert leur soutien.

La campagne de l’ex-financier afro-américain à la bio inspirante n’a jamais levé.