(Paradise) « Maintenant, quand il y a de la fumée, tout le monde panique », lâche Steve Crowder, maire de la petite ville de Paradise, dans le nord de la Californie, qui a failli être rayée de la carte par les flammes en 2018.

Lui-même peine encore à retenir ses larmes lorsqu’il évoque le brasier qui a englouti 95 % des bâtiments et les 85 habitants « qui ne s’en sont pas sortis ». « C’est la chose la plus horrible que j’aie jamais vécue », assure cet ancien policier. « Je pense que le feu terrifie tout le monde ici. »

Traumatisé par ces incendies meurtriers et confronté cette année à une saison sèche particulièrement précoce, avec déjà cinq fois plus de végétation brûlée que l’an dernier à la même époque, c’est tout cet État de l’Ouest américain qui retient son souffle à l’approche de l’été.

« Au cours des 25 derniers mois, les feux ont tué 101 civils et détruit 21 000 bâtiments dans le comté de Butte », déclare à l’AFP John Messina, le chef des pompiers de ce comté où se trouve Paradise.

Pour lui, « cela dépasse tout ce que la Californie a pu connaître dans les temps modernes », une sorte de « point zéro » qui montre ce à quoi s’expose le reste de l’État.

« Par le passé, on avait peut-être un incendie remarquable chaque été. Maintenant, c’est le cas de la moitié des incendies. Quand je dis remarquable, je veux dire qu’ils dépassent vraiment beaucoup nos prévisions » en termes de vitesse et d’intensité, explique-t-il.

Si les feux font partie du cycle naturel des forêts californiennes, la saison des incendies commence de plus en plus tôt et s’achève chaque année un peu plus tard. Sans surprise, « le changement climatique est considéré comme le principal facteur de cette tendance », avec un allongement de la saison des incendies de 75 jours, relèvent les pompiers de l’État dans leurs prévisions pour 2021.

« Il n’y a plus de saison des incendies. C’est toute l’année, avec un pic d’activité à certaines périodes », confirme sur le terrain John Messina, soulignant la tension et la fatigue qui pèsent désormais sur ses pompiers. « Nous les faisons travailler extrêmement dur l’été pendant, quatre, cinq, six voire sept mois, en tablant sur le fait qu’ils pourront faire une pause l’hiver. Mais il n’y a plus de répit en Californie », constate-t-il.

« État d’alerte »

La sécheresse chronique qui touche l’État, particulièrement le nord cette année, aggrave encore la situation.

« C’est encore une année potentiellement exceptionnelle. Nous connaissons une sécheresse significative dans certaines zones et le taux d’humidité de la végétation est très bas pour cette période de l’année. […] Il ne manque plus qu’un départ de feu et on aura un problème. On est en état d’alerte », lance M. Messina.

« Nous sommes en mai, mais la végétation est sèche comme en août ou septembre. C’est comme une poudrière, ça nous inquiète vraiment », renchérit Steve Crowder.

Paradise a pris un certain nombre de mesures pour éviter un drame comme le « Camp Fire » de 2018. Les propriétaires doivent débroussailler, maintenir les pelouses à moins de dix centimètres de haut ainsi qu’un espace dégagé autour des bâtiments, etc.

Les pompiers multiplient les inspections pour s’assurer que les ordonnances sont respectées, mais seuls quelques milliers d’habitants sur les 26 000 évacués lors de l’incendie sont revenus et les propriétaires sont parfois difficiles à joindre.

« Je leur dis à tous, si vous ne le faites pas pour vous-mêmes, faites-le pour vos voisins qui sont restés. […] Nous faisons tout ce que nous pouvons pour faire une ville résistante au feu », explique le maire.

« Bien sûr, nous n’avons plus autant de combustibles que lors du Camp Fire. Mais si nous ne faisons rien, dans dix ans on se retrouvera au même point », insiste-t-il.

Non loin de Paradise, s’étend à flanc de colline la petite communauté de Berry Creek. Les arbres calcinés témoignent de la violence du feu qui a dévasté la zone en septembre 2020, tuant 15 personnes en un clin d’œil.

Contrairement à beaucoup d’autres habitants qui ont tout perdu dans l’incendie, Jimmy a décidé de revenir à l’endroit où il s’était établi voici 44 ans.

Pendant neuf mois, le sexagénaire a travaillé d’arrache-pied pour préparer son retour sur sa propriété, où il souhaite finir ses jours. « Mais c’est en train de m’user, je suis fatigué », confie-t-il.

Voici seulement quelques semaines, Jimmy est revenu sur son terrain, soigneusement débroussaillé. Il loge dans une caravane, utilise l’eau d’un forage et se prépare à faire couler les fondations de son nouveau logement, une maison préfabriquée qu’il attend cet été. « Aux normes anti-incendies, avec toit métallique et tout ! », précise-t-il.