(Anchorage) Allen Minish arpentait seul un secteur reculé et boisé de l’Alaska pour le compte d’un courtier immobilier et il se concentrait à entrer des coordonnées dans son appareil GPS quand il a aperçu un gros grizzli à une dizaine de mètres de lui.

« Je l’ai vu et il m’a vu en même temps, et c’est épeurant », a-t-il dit mercredi par téléphone, depuis son lit d’hôpital à Anchorage au lendemain de cette rencontre fortuite.

L’attaque a valu à M. Minish une mâchoire fracturée, un cuir chevelu déchiré si profondément qu’on pouvait voir l’os du crâne, des lacérations et de multiples points de suture après près de cinq heures en salle d’opération. Il porte aussi un pansement sur son œil droit, et les médecins craignent qu’il ne le perde.

Il a subi toutes ces blessures lors d’une très brève rencontre — il calcule que le tout a duré moins de dix secondes — après qu’il eût surpris l’ours près de Gulkana, à environ 300 kilomètres au nord-est d’Anchorage.

L’ours, qui d’après M. Minish était plus gros que les ours noirs de 135 kilos qu’il a déjà vus, a foncé sur lui et l’a rattrapé en quelques secondes.

M. Minish a tenté de se cacher derrière un petit sapin, sans succès. Il a ensuite tenté de repousser l’ours avec une perche pointue qu’il avait dans son équipement, mais l’animal l’a simplement balayée avec sa patte.

La force de l’impact a aussi projeté M. Minish au sol.

« Quand il était par-dessus moi, j’ai attrapé sa mâchoire inférieure pour essayer de le retenir, a-t-il expliqué, expliquant que c’est de cette manière qu’il s’est blessé à la main. Mais il a attrapé le quart de mon visage.

« Il m’a mordu une première fois, puis une deuxième fois, et c’est là qu’il a cassé les os […] et essentiellement écrasé ma joue droite. »

Quand l’ours l’a relâché, M. Minish s’est retourné face contre terre et a placé ses mains sur sa tête. Puis, l’ours est tout simplement parti. Les policiers de l’Alaska ont été incapables de retrouver la bête.

Il croit que l’ours l’a laissé tranquille parce qu’il ne le percevait plus comme une menace. Il a alors commencé à prendre la mesure de ses blessures.

« Je savais que j’étais pas mal amoché parce que j’avais du sang partout », a-t-il dit.

Il a appelé les secours avec son téléphone portable. Il a aussi utilisé certains de ses vêtements pour panser ses blessures à la tête et essayer de contrôler l’hémorragie.

Les secouristes ont mis une heure à le rejoindre, même s’il leur a fourni ses coordonnées GPS exactes.

« Ça m’a pris un moment pour leur donner parce qu’il y avait tellement de sang qui me coulait dans les yeux et sur l’appareil GPS, il fallait continuellement que je l’essuie », a-t-il raconté.

Un des secouristes l’aurait qualifié de héros après avoir vu la quantité de sang au sol.

Les secouristes ont essayé sans succès de le transporter à travers la forêt jusqu’à une route secondaire où l’attendait une ambulance. Ils ont éventuellement dû l’aider à marcher pendant plusieurs centaines de mètres pour s’y rendre.

Il a finalement été évacué par hélicoptère vers le Centre médical Providence, où son état est jugé stable.

Avant l’arrivée des secouristes, il s’est inquiété de voir l’ours revenir pour l’achever. « J’entendais des bruits », a-t-il dit, mais chaque fois qu’il se relevait pour jeter un coup d’œil, il devenait étourdi après avoir perdu autant de sang.

« Il n’est pas revenu, donc je suis resté étendu là à m’inquiéter », a-t-il raconté.

L’homme de 61 ans a croisé plusieurs ours en 40 ans en Alaska, mais rien qui se compare à cette rencontre. Il est propriétaire d’une entreprise d’arpentage et d’ingénierie, et il s’aventure souvent dans la forêt.

« C’est la leçon que j’en retire, a-t-il dit. J’aurais dû avoir quelqu’un avec moi. »

Il avait laissé son arme dans son véhicule, mais assure que l’ours l’a rattrapé tellement rapidement qu’il n’aurait jamais eu le temps de s’en servir.

Il peut maintenant ajouter son nom à la liste des six personnes dont on sait qu’elles ont été attaquées par des ours en Alaska.

« J’imagine que je suis chanceux, a-t-il déclaré, après que quelqu’un lui ait dit que c’était mieux que d’avoir été tué. Mais bien honnêtement, ça n’aurait rien changé. Vous savez, s’il me tue, il me tue. J’ai eu une bonne vie ; je passe à autre chose. Il ne m’a pas tué, donc partons dans l’autre direction et essayons de rester en vie. »