(Washington) Habituellement discret, l’ancien président républicain George W. Bush, toujours fortement critiqué pour « sa guerre contre le terrorisme », s’est de nouveau invité dans le débat public américain, cette fois-ci en tant que défenseur de l’immigration, à contre-courant de son propre parti.  

Le 43e président des États-Unis a publié le 20 avril un nouveau livre, qui rassemble des portraits d’immigrés qu’il a peints (Out of Many, One : Portraits of America’s Immigrants).

En partageant les histoires « remarquables » d’immigrés, George W. Bush, 74 ans, a expliqué espérer « humaniser le débat sur l’immigration et la réforme » du système migratoire, dans une tribune publiée dans le Washington Post.  

PHOTO CHRIS DELMAS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le livre Out of Many, One : Portraits of America’s Immigrants de George W. Bush

La sortie de ce livre survient au moment où le démocrate Joe Biden, qui avait promis une politique migratoire plus « humaine » après les années Trump, est aux prises avec la plus forte hausse en 15 ans d’arrivées de migrants à sa frontière Sud.

Ancien gouverneur du Texas, un État frontalier du Mexique fortement marqué par l’immigration, le républicain qui n’a pas réussi à mettre en place des réformes migratoires d’envergure durant sa présidence, a vivement critiqué son parti et les positions anti-immigration qu’il véhicule.  

Le parti républicain est devenu « isolationniste, protectionniste et dans une certaine mesure nativiste », a jugé l’ex-président dans un entretien avec NBC Today, évoquant le nativisme, mouvement politique américain qui s’oppose à toute nouvelle immigration.  

George W. Bush défend une voie vers la citoyenneté pour ceux qui sont arrivés aux États-Unis encore enfants, appelés les « Dreamers », et un processus progressif pour les millions de sans-papiers qui vivent aux États-Unis, selon lequel le permis de résidence puis la citoyenneté devraient être mérités.  

Les candidats devraient ainsi payer une amende et leurs arriérés d’impôts, apporter la preuve de leurs années de travail aux États-Unis et de leur bonne connaissance de l’anglais et de l’histoire américaine, et n’avoir aucun antécédent judiciaire.

De telles idées contrastent avec les vues actuelles du parti républicain, et sont plus proches des convictions portées par certains démocrates, qui étaient pourtant en opposition totale à George W. Bush lorsqu’il était au pouvoir.  

L’ancien président républicain est toutefois en faveur d’un renforcement de la frontière avec le Mexique « avec une touche de compassion », même s’il reconnaît que son discours a peu de chance de faire mouche dans les milieux les plus conservateurs.  

« Sauver son héritage »

Le livre de George W. Bush, et sa tournée médiatique, pourraient faire partie d’une stratégie plus large visant à transformer son image d’homme responsable des guerres en Irak et en Afghanistan, qui a coûté aux États-Unis de nombreuses vies, des milliards de dollars et donné naissance à des groupes extrémistes comme l’État islamique.  

« Dans une certaine mesure ce qu’il fait aujourd’hui pourrait avoir pour but de sauver son héritage », détaille à l’AFP Christopher Devine, professeur de sciences politiques à l’Université de Dayton.  

Nous réinterprétons [les actions] des anciens présidents en fonction du contexte de notre propre actualité.

Christopher Devine, professeur à l’Université de Dayton

Après les attaques du 11 septembre 2001, George W. Bush a soudainement dirigé une Amérique unie.  

Mais huit ans plus tard, le républicain a laissé derrière lui un pays englué dans des guerres « sans fin », et plus divisé que jamais, soit un avant-goût des profondes fractures que connaîtront les États-Unis sous la présidence Trump.  

La question de la présence américaine en Afghanistan a de nouveau été mise sur le devant de la scène il y a une dizaine de jours avec l’annonce du président démocrate Joe Biden d’un retrait total des troupes américaines d’ici le 11 septembre, jour du 20e anniversaire des attentats de 2001.

Ayant ordonné l’invasion de l’Irak, George W. Bush est notamment accusé d’avoir autorisé la torture et d’autres violations des droits de l’homme sous sa présidence.  

« Bush comme beaucoup d’autres ont eu une réaction excessive au 11 septembre 2001 », souligne William Banks, professeur de droit à l’Université Syracuse.  

« Il est en cause, ainsi que Dick Cheney [vice-président de l’époque NDLR] et Donald Rumsfeld [secrétaire à la Défense de l’époque, NDLR] pour ces politiques irresponsables », ajoute-t-il.  

Mais pour cet expert, l’irruption de l’ancien président républicain dans le débat sur l’immigration pourrait aussi être liée à une envie sincère de trouver des solutions.