Allait-il trébucher devant tout le monde, un peu comme il l’avait fait récemment en montant dans l’Air Force One ? Dans les médias conservateurs, la question ne se posait même pas. Lors de sa première conférence de presse en tant que président, Joe Biden allait confirmer sa réputation de gaffeur ou même démontrer le déclin de ses facultés intellectuelles. Il n’a fait ni l’un ni l’autre, à quelques hésitations près, abordant avec aplomb les thèmes de l’heure, dont la COVID-19, l’immigration, les armes à feu et l’Afghanistan. Il a même parlé de l’élection de 2024 ! Faits saillants.

(New York) Vaccination : l’objectif est doublé

Avant même de répondre à la première question, Joe Biden a tenté de dicter les manchettes, en annonçant qu’il doublerait son objectif en matière de vaccination contre la COVID-19. Au 100e jour de sa présidence, ce ne sont pas 100 millions de doses qui auront été administrées, comme il l’a promis le 8 décembre dernier, mais 200 millions.

« Je sais que c’est ambitieux, le double de notre objectif initial, mais aucun autre pays au monde ne s’en est approché », a-t-il déclaré à la vingtaine de journalistes réunis dans l’East Room de la Maison-Blanche, où la distanciation physique était de mise.

L’atteinte de cet objectif ne fait aucun doute. Et les journalistes ont décidé de faire l’impasse sur le sujet, ne posant pas une seule question sur la pandémie du nouveau coronavirus, qui a fait près de 550 000 morts aux États-Unis.

Immigration : des conditions « inacceptables »

Les journalistes ont manifesté un plus grand intérêt envers la situation à la frontière sud au cours de la conférence de presse, qui a duré 62 minutes. Répondant à de nombreuses questions sur le sujet, Joe Biden a qualifié d’« inacceptables » les conditions dans lesquelles sont détenus les migrants mineurs à leur arrivée en territoire américain. Il a promis d’accélérer le processus par lequel ceux-ci sont réunis avec des membres de leur parenté aux États-Unis.

« La situation va s’améliorer très rapidement ou nous allons voir des gens partir. Nous pouvons y arriver. Nous allons y arriver », a-t-il déclaré après avoir mis la situation actuelle sur le compte de l’administration Trump.

Le président Biden n’a cependant pas voulu promettre aux journalistes un accès immédiat aux centres de détention temporaires où sont entassés des migrants mineurs. Il a par ailleurs rejeté les critiques des républicains selon lesquelles ses politiques migratoires auraient entraîné l’afflux actuel de migrants.

« La vérité est que rien n’a changé », a-t-il dit en faisant valoir que la hausse des migrants mineurs à la frontière depuis le début de l’année était comparable à celle survenue durant la même période en 2019. « Cela se produit chaque année, au début de l’hiver. »

PHOTO JOSE LUIS GONZALEZ, ARCHIVES REUTERS

Des migrants d'Amérique centrale qui ont été expulsés des États-Unis traversent la frontière entre le Texas et le Mexique.

Droit de vote : des mesures « antiaméricaines »

« Antiaméricaines », « répugnantes », « méprisables » : Joe Biden a utilisé ces mots en répondant à une question sur les mesures proposées par les républicains dans des dizaines d’États pour restreindre le droit de vote.

« La décision dans certains États de ne pas apporter de l’eau aux personnes qui font la queue en attendant de pouvoir voter ? La décision de mettre fin au vote à 17 h, alors que les travailleurs sortent tout juste du travail ? La décision de ne pas tenir de vote par correspondance, sauf dans les circonstances les plus restrictives ? Tout ça, c’est à dessein », a déclaré le président.

Joe Biden s’est dit ouvert à l’idée d’apporter un changement à une règle parlementaire du Sénat – le filibuster – qui rend nécessaire une importante majorité de 60 votes pour assurer l’adoption de la plupart des projets de loi. Les sénateurs républicains devraient utiliser cette règle pour bloquer une réforme du système électoral qui annulerait les mesures décriées par le président.

Interrogé par une journaliste pour savoir s’il est d’accord avec Barack Obama, qui qualifie le filibuster de « relique » de l’ère ségrégationniste, Joe Biden a répondu par l’affirmative. Il n’a pas fermé la porte à son élimination éventuelle.

Plan d’infrastructure : LA priorité

Au lendemain de la tuerie de Boulder, Joe Biden a appelé le Congrès à adopter des mesures de contrôle des armes à feu, y compris l’interdiction des fusils d’assaut. Mais il a expliqué, lors de sa conférence de presse, qu’il ne consacrerait pas beaucoup de temps et d’énergie au sujet au cours des prochaines semaines.

« Les présidents qui ont réussi, mieux que moi, ont réussi en grande partie parce qu’ils savaient prioriser ce qu’ils font », a-t-il déclaré en répondant à une question sur les initiatives qu’il envisageait de mettre en place après les tueries de Boulder et d’Atlanta. « La prochaine grande initiative, et je l’annoncerai [ce] vendredi à Pittsburgh en détail, est de reconstruire l’infrastructure à la fois physique et technologique de ce pays. »

La facture de ce plan d’infrastructure assorti d’un important volet vert pourrait s’élever à 3000 milliards de dollars.

Afghanistan : un départ avant 2022

Comme c’est souvent le cas, la portion congrue de la conférence de presse est allée à la politique étrangère. Avant de répondre à des questions sur la Corée du Nord et la Chine, Joe Biden a reconnu que les États-Unis auraient du mal à respecter la date du 1er mai fixée pour retirer les dernières troupes américaines en Afghanistan dans le cadre d’une entente négociée entre l’administration Trump et les talibans.

Serait-il possible que les quelque 2500 soldats américains en Afghanistan soient encore là l’an prochain ? « Je ne peux pas imaginer que ce soit le cas », a-t-il répondu.

PHOTO YURI CORTEZ, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un soldat américain à Kandahar, en 2010

Élections de 2024 : « La réponse est oui »

Au 65e jour de sa présidence, Joe Biden s’est vu demander s’il envisageait de solliciter un deuxième mandat. On devine un peu l’émoi qu’il aurait provoqué en répondant par la négative. « La réponse est oui, je prévois de me présenter de nouveau. C’est ce à quoi je m’attends », a-t-il dit en précisant qu’il envisageait également d’avoir pour colistière Kamala Harris.

Joe Biden a fourni un rare moment d’humour lors de cette conférence de presse en répondant à une question subséquente, à savoir s’il s’attendait à affronter Donald Trump en 2024.

« Oh, vraiment, a-t-il lancé, je n’y pense même pas, je n’en ai aucune idée. Je ne sais même pas s’il y aura un Parti républicain, et vous ? »