(New York) Il fut en 2020 l’une des vedettes de la lutte contre la pandémie aux États-Unis, une voix apportant rationalité et réconfort alors que le gouvernement Trump alimentait la confusion face au coronavirus.  

Mais depuis trois semaines, les louanges à l’intention d’Andrew Cuomo, puissant gouverneur démocrate de New York, au pouvoir dans cet État de quelque 20 millions d’habitants depuis 10 ans, ont tourné au vinaigre.

Lui, dont les points quotidiens sur la pandémie étaient suivis dans tout le pays, et que certains poussaient à tenter sa chance à la Maison-Blanche, est désormais critiqué de toutes parts.  

Le parlement de l’État, pourtant contrôlé par les démocrates, menace de lui retirer les pouvoirs élargis qui lui ont été accordés au début de la pandémie de coronavirus, en mars 2020.  

En cause : sa gestion de l’épidémie dans les maisons de retraite, où le nombre de décès dus à la COVID-19 a été longtemps sous-estimé par les services du gouverneur. Une action en justice intentée fin janvier par la procureure de l’État, Letitia James, les a contraints à revoir les chiffres en hausse - de 8500 morts à plus de 15 000.  

« Réévaluation »

Certains accusent M. Cuomo d’avoir délibérément dissimulé le véritable bilan, de peur d’une enquête du gouvernement Trump.

Le gouverneur a reconnu lundi, pour la première fois, que ses services avaient « tardé » à clarifier le bilan, alimentant « scepticisme et cynisme », même s’il a rejeté toute accusation de dissimulation.

La cote de popularité de cet ex-procureur et ex-ministre du Logement du gouvernement Bill Clinton accuse le coup : selon un sondage mardi du Siena College Research Institute, seule une courte majorité de New-Yorkais approuve son travail -51 % contre 47 % -alors que l’écart était encore de 14 points en janvier (56 % contre 42 %).

« Son étoile est en nette baisse », souligne Jacob Neiheisel, professeur à l’université de Buffalo, dans le nord de l’État. Le scandale des maisons de retraite a conduit à « réévaluer de nombreuses mesures prises face à la pandémie », alors que « jusque-là, il semblait avoir fait du bon boulot, malgré le nombre de morts » dans l’État de New York - plus de 46 000, soit le bilan le plus lourd après la Californie.

Trump comme faire-valoir

Mais la baisse de popularité du gouverneur est due aussi à la fin de la présidence Trump.

Avec Trump au pouvoir, la gestion de la pandémie par le gouvernement fédéral « était une catastrophe absolue », poussant « les Américains à se tourner vers leurs autorités locales », souligne Sam Abrams, politologue au Sarah Lawrence College de New York.

Même si M. Cuomo - figure de la politique new-yorkaise depuis 40 ans et fils du défunt gouverneur Mario Cuomo - était connu avant la pandémie pour être « une brute, un arrogant », dit cet analyste, « comparé à Trump, il apparaissait comme un homme d’État, un leader réfléchi, ambitieux ».

Maintenant que la Maison-Blanche sous Joe Biden est redevenue raisonnable, la gauche new-yorkaise, qui n’a plus Trump comme ennemi commun, « se retourne contre Cuomo », dit-il.  

« On n’est plus, comme en avril dernier, en manque d’informations sur la COVID-19 », souligne aussi Lincoln Mitchell, professeur à Columbia. « Beaucoup de gens que je connaissais, même loin de New York, suivaient alors les points quotidiens de Cuomo. Aujourd’hui, même à New York ou Washington, je ne connais plus personne qui les regarde ».

M. Cuomo n’est pas le seul démocrate à faire les frais de ce retour au rationnel à la Maison-Blanche.  

Gavin Newsom, le gouverneur de Californie-État où la pandémie, après avoir été relativement maîtrisée au printemps 2020, fait rage ces dernières semaines-a lui aussi vu sa popularité chuter, souligne Sam Abrams.

Peu enclin à la modestie, Andrew Cuomo, réélu pour un troisième mandat de quatre ans en 2018, se voit aussi reprocher d’avoir publié, dès octobre, un livre sur « les leçons de leadership à tirer de la pandémie » (« Leadership lessons from the COVID-19 pandemic »), alors même qu’elle était loin d’être terminée.  

« C’était absurde », dit Lincoln Mitchell.

À 63 ans, Andrew Cuomo serait-il en train de perdre ses chances de réélection pour un quatrième mandat en 2022 ?

Dans un État aussi solidement démocrate que New York, ses ennuis devraient surtout encourager l’aile gauche du parti démocrate à le défier lors des primaires, souligne Jacob Neiheisel.     

Mais M. Cuomo n’est pas du genre à fuir devant le combat.  

« Son père avait été élu trois fois avant d’échouer à sa quatrième tentative. Je crois qu’Andrew Cuomo veut faire mieux que son père », soutient Lincoln Mitchell.