(Los Angeles) Procès à San Francisco, menaces de grève à Chicago : la pression s’accentue depuis quelques jours aux États-Unis sur les enseignants et leurs syndicats pour obtenir la réouverture rapide des écoles, dont beaucoup sont totalement fermées depuis 11 mois à cause de la pandémie.

Réticents, la plupart des professionnels de l’éducation mettent en avant le danger de renvoyer des instituteurs, parfois âgés et à risque, au contact de centaines d’élèves surtout s’ils n’ont pas été vaccinés.

De l’autre côté, un nombre croissant d’élus et de parents contraints de rester à la maison pour surveiller leur progéniture plaident la cause des enfants, multipliant les exemples de décrochage scolaire et détresse psychologique, particulièrement dans les populations déjà défavorisées.

On estime qu’environ la moitié des 55 millions d’élèves américains n’ont pas remis les pieds en classe depuis mars 2020.

PHOTO CAITLIN OCHS, REUTERS

Lydia Hassebroek lors de sa première journée de classe à la maison, le 21 septembre à New York

Les situations sont très diverses selon les États, la nature des écoles (publiques, privées, religieuses), etc.

« Une grande majorité des 1,5 million d’élèves du comté de Los Angeles n’a pas été physiquement à l’école depuis près d’un an », a déploré l’association des pédiatres de Californie du Sud, appelant à une « réouverture immédiate des écoles ».

Pour l’organisation, qui représente quelque 1500 soignants, tenir les jeunes à l’écart des classes leur fait tout simplement plus de mal que de bien, même par temps de COVID-19.

Mercredi, la nouvelle responsable des autorités sanitaires fédérales a enfoncé le clou en affirmant lors d’un point de presse à la Maison-Blanche : « Un nombre croissant de données suggèrent que les écoles peuvent rouvrir » malgré la pandémie qui reste bien implantée dans le pays, 135 000 nouveaux cas quotidiens en moyenne sur les sept derniers jours.

La vaccination des professeurs n’est pas un préalable.

Rochelle Walensky, directrice des Centres de lutte contre les maladies (CDC)

Selon de nombreux experts, les enfants âgés de moins de 12 ans ne semblent pas transmettre le coronavirus autant que les adultes et la sévérité de leurs symptômes est également moindre.

« Le consensus désormais est que la réouverture des écoles a du sens », déclare ainsi au Los Angeles Times le Dr Eric Toner, spécialiste du centre Johns Hopkins pour la sécurité sanitaire.

« Pas les moyens »

Ce « consensus » médical est encore loin de se matérialiser sur le terrain.

« Personne plus que les éducateurs ne veut revoir les élèves dans les classes », assure à l’AFP Claudia Briggs, une porte-parole de l’Association des enseignants de Californie.

« Pour que cela arrive, il faut mettre en place une série de mesures de sécurité », parmi lesquelles une ventilation adéquate des locaux, des classes de taille réduite, des programmes de tests et de traçage pour les professeurs mais aussi les jeunes, estime le syndicat, qui revendique plus de 300 000 adhérents.

« Les districts scolaires ont bien dit qu’ils n’en avaient pas les moyens » et l’arrivée de nouveaux variants du virus accentue encore les risques, affirme Mme Briggs.

« Pour toutes ces raisons, il faut que tous les employés qui doivent être physiquement présents aient reçu un vaccin avant que les élèves ne reviennent » dans les établissements, conclut-elle.

Même son de cloche à Chicago, troisième district scolaire des États-Unis, où les professeurs et la municipalité ont engagé un bras de fer, se menaçant respectivement de grève et de lock-out virtuel : les profs qui refuseraient d’assurer les cours physiquement se verraient privés d’accès au système d’enseignement à distance.

PHOTO ASHLEE REZIN GARCIA, ARCHIVES CHICAGO SUN-TIMES VIA AP

Sarah McCarthy, enseignante en prématernelle, travaille avec un élève de l'école Dawes Elementary de Chicago, le 11 janvier.

Conséquence de ce dialogue de sourds, les procès contre les autorités scolaires et les syndicats d’enseignants se multiplient partout dans le pays.

Le procureur de San Francisco, soutenu par la maire de la ville, a même attaqué mercredi en justice son propre district scolaire afin de le contraindre à rouvrir les écoles publiques.  

Les élèves « souffrent » et « sont en train d’être transformés en “ Zoom-bies ” avec l’école via l'internet. Ça suffit comme ça », a lancé le procureur, affirmant que près de 90 % des écoles du comté voisin de Marin avaient déjà recommencé à accueillir des enfants.

Le président Joe Biden a annoncé à sa prise de fonction qu’il voulait que la plupart des écoles et collèges du pays puissent rouvrir leurs portes d’ici la fin avril.

Dans son plan de lutte contre la COVID-19, il a prévu 130 milliards de dollars pour une « réouverture en toute sécurité ». Mais ce plan n’a pas encore été adopté par les parlementaires et, si les enseignants restent inflexibles, le calendrier souhaité par le président risque de se heurter à la lenteur des vaccinations.