Nous étions nombreux à penser que le maintien de cette cérémonie était une mauvaise idée. La tension qui règne aux États-Unis et le contexte de la pandémie avaient convaincu beaucoup de gens qu’un évènement virtuel serait suffisant.

Or, dès les premières minutes, je me suis dit non seulement que cette cérémonie d’investiture devait avoir lieu, mais aussi qu’elle jouait littéralement un rôle de service essentiel, de thérapie collective, de méga antidépresseur.

PHOTO CAROLYN KASTER, ASSOCIATED PRESS

« Cette cérémonie qui aurait pu être un désastre pour la télévision a été très réussie », écrit notre chroniqueur Mario Girard.

Devant un public restreint (l’idée de ce champ de drapeaux dans le National Mall entre le Capitole et le monument dédié à George Washington était excellente) et en l’absence de supporteurs des démocrates (il n’y avait que l’élite avec de beaux manteaux achetés dans de grandes boutiques), cette cérémonie qui aurait pu être un désastre pour la télévision a été très réussie.

Réussie grâce à l’émotion qu’on a su faire passer, malgré le contexte, malgré les masques qui étaient sur tous les visages. J’avoue que j’ai eu les yeux mouillés à quelques reprises durant cette cérémonie où tous les choix effectués faisaient croire que les États-Unis étaient en train de redevenir eux-mêmes.

C’était impossible de demeurer insensible devant Kamala Harris, première femme à occuper le poste de vice-présidente, qui prête serment devant Sonia Sotomayor, cette Latino-Américaine née dans le Bronx et nommée juge à la Cour suprême par Barack Obama. Deux femmes, deux citoyennes provenant des minorités culturelles au pied du Capitole. Le message était puissant.

Quand Kamala Harris a fait un poing contre poing (fist bump) aux Obama, j’ai eu des frissons. Il y avait là-dedans sa reconnaissance à leur égard pour avoir ouvert le chemin.

Wanda Kagan, une amie d’enfance de Kamala Harris, qui vit à Montpellier, au Québec, a été interviewée sur CBC News. Elle a regardé la cérémonie à la télévision, même si elle avait été invitée. Elle a écouté son amie prononcer son serment étreinte par l’émotion, la main sur le cœur.

Difficile aussi d’être indifférent devant l’interprétation de l’hymne national par une Lady Gaga exubérante comme dix Diane Dufresne. On se souviendra longtemps de sa broche en or représentant une colombe, posée sur son cœur. Quand elle est passée à côté du couple Obama, elle a dit : « You are wonderful. »

PHOTO KEVIN LAMARQUE, REUTERS

Amanda Gorman, une jeune poétesse de 22 ans, a galvanisé la planète.

Et que dire d’Amanda Gorman, cette jeune poétesse qui a littéralement galvanisé la planète tout entière ? Rarement a-t-on vu une jeune personne de 22 ans être hissée aussi rapidement au rang de vedette internationale. Foudroyant ! Après la cérémonie, tous les grands médias du monde parlaient d’elle. « A star is born », a dit Yolande James sur RDI.

Il y avait de l’émotion, mais aussi beaucoup de décorum. Normalement, ces trucs pompeux qui semblent appartenir à un autre siècle m’ennuient profondément. Mercredi, j’ai eu envie pendant quelques minutes de m’inscrire à des cours de trombone pour faire partie d’une fanfare.

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Le discours de Biden était beau et senti. Il passera surtout à l’histoire pour le contexte dans lequel il a été prononcé. « Regardez ce que j’ai dans le cœur », a-t-il dit dans le but de rassembler tous les Américains.

On a découvert que Joe Biden lit saint Augustin. D’ailleurs, la religion a pris beaucoup de place lors de cette cérémonie. Il y a eu une prière et une bénédiction. Je ne peux imaginer une seconde une cérémonie protocolaire au Québec avec des curés qui viendraient nous faire prier.

Le discours de Biden fut un discours de reconstruction et d’unité, mais surtout de reconquête de la démocratie. Qui aurait dit il y a quelques années que ce thème ferait un jour partie du discours d’investiture d’un président américain ?

Mettre au programme le fameux Amazing Grace interprété a cappella par Garth Brooks était un choix judicieux. Autres frissons. Autres yeux mouillés.

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Il était impressionnant de voir le nombre de chaînes de télévision internationales diffusant cet évènement qui comportait son lot de stress. Après les évènements du 6 janvier, on se disait que tout était possible. D’ailleurs, les images retransmises montraient, sans trop y insister, quelques-uns des milliers de soldats qui assuraient la sécurité des dignitaires.

De mon côté, j’ai été boulimique et j’ai suivi l’évènement en regardant CNN, Fox News, CBC News, Euronews, CTV News, LCN, RDI et d’autres. La plupart s’abreuvaient aux mêmes sources pour les images rendues belles par une journée froide (il faisait 6 °C à Washington), mais il y avait un soleil radieux.

Sur RDI, Patrice Roy s’est fort bien tiré d’affaire. Il s’en est remis à ses accessoires préférés (ses lunettes et son stylo) pour diriger habilement les très solides Yolande James, Rafael Jacob et Frédérick Gagnon.

À LCN, Pierre Bruneau avait rassemblé autour de lui les prévisibles Mario Dumont, Paul Larocque, Emmanuelle Latraverse, Richard Latendresse (qui était à Washington), de même que John Parisella et l’incontournable Jean-Marc Léger. Un message aux patrons de LCN : tentez de dénicher de meilleurs interprètes. Quand on doit traduire ce qui est traduit, ça va mal !

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Mike Pence faisait pitié dans son coin. En même temps, je l’ai trouvé courageux. J’ai imaginé mille choses qui ont dû traverser son esprit durant la cérémonie.

Quand Kamala Harris et son mari ont raccompagné Mike Pence et sa femme sur le parvis du Capitole (quelle curieuse tradition), l’épouse de Pence a raconté quelque chose qui a fait éclater de rire Kamala Harris et son mari.

Dieu que ces rires étaient bons à entendre.

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Nous étions nombreux à penser que le maintien de cette cérémonie était une mauvaise idée. Nous étions encore plus nombreux à nous sentir plus légers après que Joe Biden eut prêté serment. Comme si le poids des derniers mois était soudainement allégé.

Après la cérémonie, le président et la vice-présidente, de même que leurs conjoints, ont assisté à la tradition de la remise des cadeaux. On a offert un tableau et deux vases en cristal. Nancy Pelosi a remis des drapeaux américains au couple présidentiel. Puis, on a donné aux deux couples une photo prise une heure plus tôt lors de la cérémonie.

« Wow ! This is fast ! », a dit Jill Biden.

Il y avait quelque chose de hautement symbolique dans la façon de cristalliser aussi rapidement cet évènement. Comme si on voulait dire qu’un nouveau chapitre de l’histoire américaine était écrit et qu’il fallait l’immortaliser au plus tôt.

Comme si on voulait dire que ce qui avait précédé faisait partie d’un chapitre à oublier.