(Washington) Deux semaines après l’assaut meurtrier du Capitole par des partisans de Donald Trump, la démocratie américaine s’est résolument réapproprié mercredi sa citadelle lors du passage, pacifique, du pouvoir à Joe Biden. Mais plombée par les risques de violence et la pandémie, cette investiture n’a ressemblé à aucune autre.

Pour la première fois depuis 150 ans, son prédécesseur Donald Trump n’était pas là.

Pas de poignée de main traditionnelle ni de rencontre cordiale à la Maison-Blanche. Le milliardaire a quitté Washington sans attendre l’investiture de son successeur, laissant à son vice-président Mike Pence la responsabilité d’incarner la transmission, et la continuité, du pouvoir américain.

Autre grande absente : la foule d’Américains qui afflue d’ordinaire tous les quatre ans vers l’immense esplanade du « National Mall », en plein cœur de Washington, pour assister aux prestations de serment des présidents américains.  

Sur cet immense espace désert, ou presque, le public avait été remplacé par des dizaines de milliers de drapeaux représentant les spectateurs absents, ou disparus à cause du coronavirus.  

« Le Mall n’est pas vide », a confié à l’AFP un élu démocrate de la Chambre des représentants, John Garamendi en contemplant la mer de drapeaux.  

« À l’ère de la COVID-19, à l’ère de Trump, nous ne pouvons pas être là », a-t-il expliqué mais « le Mall est empli de l’espoir de l’Amérique ».  

Les tribunes du Capitole étaient bien plus clairsemées que d’ordinaire, seules quelques centaines d’invités, diplomates, proches et invités officiels, étant rassemblés dans le froid et sous quelques flocons de neige pour assister à l’investiture du 46e président des États-Unis.  

Derrière la haute barrière en métal qui cintrait le Capitole, des rangées de militaires de la Garde nationale montaient la garde, lourdement armés dans un rappel encore brûlant des violences qui ont frappé le siège du Congrès le 6 janvier, et bouleversé l’Amérique.

Tout sourire, Joe Biden a salué, poing contre poing, Barack Obama, dont il avait été le vice-président pendant huit ans.  

Mike Pence leur a dit bonjour, ainsi qu’aux autres ex-présidents présents Bill Clinton et George W. Bush.  

Puis le républicain a échangé quelques mots, et sourires derrière leurs masques, avec la nouvelle vice-présidente Kamala Harris, qui entre dans l’histoire comme la première femme, mais aussi la première personne noire et d’origine indienne, à occuper ces fonctions.  

Tous deux pourraient bien se retrouver, comme rivaux, lors de l’élection présidentielle de 2024.  

« La haine ne l’emportera pas »

Après sa prestation de serment sur un message d’« unité », Joe Biden a pris soin de s’entretenir avec le sénateur Mitch McConnell. Longtemps fidèle allié de Donald Trump, ce puissant républicain a fait savoir qu’il n’excluait pas de juger le milliardaire coupable d’incitation à la violence lors de son procès en destitution, attendu sous peu au Sénat.  

Quelques heures avant de prêter serment à son tour, pour devenir le plus jeune sénateur démocrate depuis Joe Biden, Jon Ossoff s’est dit convaincu que le « socle de la démocratie » américaine l’emporterait, malgré les troubles récents.

« Nous tournons la page de ces quatre dernières années et avons désormais besoin de rassembler le pays pour vaincre le virus et apporter une aide économique » aux Américains, a confié le sénateur élu de la Géorgie.

L’ancien président républicain de la Chambre, Paul Ryan, a lui jugé « surréalistes » les mesures de sécurité.  

Mais « il est important de montrer notre respect de la procédure » de transfert du pouvoir, a-t-il confié à l’AFP, une tradition « qui a résisté aux épreuves ».  

Malgré cette ambiance en sourdine, les chanteuses Lady Gaga et Jennifer Lopez ont apporté une bonne dose de glamour à la cérémonie.  

BreYhana Johnson, collaboratrice parlementaire de 23 ans, appartient à la même association d’étudiantes noires « Alpha Kappa Alpha » que Kamala Harris.

La jeune femme se dit « reconnaissante » de la voir entrer dans l’histoire. Et d’être témoin du passage pacifique du pouvoir malgré les violences du Capitole :

« La haine ne l’emportera pas ».