(Washington) Le président désigné des États-Unis, Joe Biden, compte révoquer le permis pour l’expansion de l’oléoduc Keystone XL dès son premier jour au pouvoir, selon ce qu’indiquent des documents sur la transition à la Maison-Blanche.

Les documents, qui ont pu être consultés par La Presse Canadienne, comprennent une liste de tâches en vue de la journée de mercredi sur laquelle figure la signature d’un décret présidentiel pour annuler le permis de construction accordé par son prédécesseur, Donald Trump.

Ceci porte à croire que le Canada n’a pas réussi à convaincre la future administration de Joe Biden des mérites d’importer des combustibles fossiles depuis un pays allié et un partenaire commercial avec des cibles environnementales similaires aux siennes.

« Rejoindre l’Accord de Paris » et « Annoncer la date d’un sommet sur le climat présidé par les É. -U. » sont également inscrits sous la section « Climat » de la liste.

Des responsables de la campagne démocrate avaient promis en mai dernier que s’il était élu, M. Biden ferait une croix sur le controversé projet transfrontalier, mais les délais dans lesquels il comptait procéder n’avaient pas été précisés.

Les défenseurs du projet en dents de scie avaient néanmoins été rassurés par le fait que M. Biden n’ait pas lui-même réitéré cet engagement durant le reste de la campagne électorale.

Le projet de TC Énergie est évalué à 8  milliards. L’expansion du pipeline acheminerait jusqu’à 830 000 barils supplémentaires de bitume dilué par jour depuis l’Alberta vers les raffineries américaines de la côte du golfe du Mexique.

Quelque 200 kilomètres de canalisations ont déjà été installés, et la construction de stations de pompage est entamée en Alberta et dans plusieurs États américains.

Des représentants du gouvernement canadien ne semblent pas écarter la possibilité de faire changer d’avis l’administration de Joe Biden.

L’ambassadrice du Canada aux États-Unis, Kirsten Hillman, soutient depuis des mois que le projet n’est pas le même que celui qui avait été rejeté par l’administration de Barack Obama en 2015 — ce qu’elle a réaffirmé par voie de communiqué dimanche.

« Les émissions de GES par baril ont chuté de 31 % depuis 2000 et l’innovation continuera de stimuler le progrès », a-t-elle fait valoir.

L’oléoduc rimerait avec de bons emplois syndiqués de part et d’autre et de la frontière « à un moment où la reprise économique est une priorité », a-t-elle ajouté.

Mme Hillman a aussi tenu à souligner que le gouvernement fédéral a renforcé son plan de lutte contre les changements climatiques dans le but de dépasser sa cible de réduction des gaz à effet de serre pour 2030 et d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

Depuis le mois de mai, des représentants du gouvernement canadien préconisent la tenue de discussions avec leurs homologues américains pour mener le projet à terme tout en minimisant les GES rejetés dans l’atmosphère.

Si Ottawa s’accroche à l’espoir, l’Alberta semble pour sa part se préparer à un combat difficile.

Nous lançons à nouveau un appel à l’administration entrante pour qu’elle montre du respect envers le Canada à titre de principal partenaire commercial et allié stratégique des États-Unis.

Le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney

L’annulation du projet « tuerait des emplois » dans les deux pays, « affaiblirait » leurs relations bilatérales et « nuirait à la sécurité nationale des États-Unis » en les rendant plus dépendants que jamais aux importations depuis les pays de l’OPEC, a-t-il mis en garde.

Le chef du Parti conservateur du Canada, Erin O’Toole, s’est fait l’écho des préoccupations de M. Kenney et a exhorté le premier ministre Justin Trudeau à « communiquer immédiatement avec la nouvelle administration américaine pour empêcher que cela se produise ».

Du côté de TC Énergie, le responsable du projet Richard Prior prévient que l’entreprise travaillera avec l’Alberta pour emprunter toutes les avenues légales possibles dans l’éventualité où le permis serait révoqué.

L’entreprise établie à Calgary, auparavant connue sous le nom de TransCanada, a confirmé un plan assorti d’un investissement de 1,7  milliard US pour rendre l’exploitation du pipeline carboneutre d’ici 2030 et compter exclusivement sur des travailleurs syndiqués. L’annonce de dimanche soir avait évidemment pour but d’obtenir la faveur de Joe Biden.

L’équipe du président désigné n’a pas immédiatement donné suite à des demandes de commentaires.

M. Biden était vice-président au sein de l’administration Obama lorsque le projet avait initialement été rejeté. Donald Trump l’avait ensuite relancé en 2019.

Les intentions de M. Biden de faire avorter à nouveau le projet lui ont valu des félicitations de son ancien rival à l’investiture démocrate, Bernie Sanders.

« Le pipeline Keystone est & a toujours été un désastre, a écrit le sénateur sur Twitter. Avec toutes les crises majeures auxquelles les États-Unis sont confrontés, nous ne devons jamais perdre de vue la menace la plus existentielle pour notre planète : les changements climatiques. »

Des groupes de défense de l’environnement ont aussi applaudi la nouvelle et encouragé les élus canadiens à suivre l’exemple.

« L’administration Biden nous offre un nouveau départ pour répondre à la crise climatique avec un partenaire enthousiaste, alors ne gaspillons pas cette chance en faisant la promotion de pipelines », a martelé le stratège de Greenpeace Canada Keith Stewart.