(Washington) Deux jours après les violences qui ont endeuillé le Capitole et ébranlé l’Amérique, Donald Trump se trouvait vendredi totalement isolé, potentiellement sous le coup d’une nouvelle procédure de destitution et privé de son canal de communication favori, Twitter.

Le réseau social a frappé un grand coup en annonçant suspendre « de façon permanente » le compte du président républicain, caisse de résonance du Trumpisme et outil sur lequel il a bâti son ascension politique.  

Après avoir suspendu son compte durant 12 heures mercredi, Twitter a dit prendre cette mesure inédite face au « risque de nouvelles incitations à la violence ».  

Donald Trump a utilisé un autre compte, celui de la présidence américaine (@POTUS) pour répliquer.

« Twitter est allé encore plus loin dans son musellement de la liberté d’expression, et ce soir, les employés de Twitter ont coordonné avec les démocrates et la gauche radicale le retrait de mon compte de leur plateforme, pour me faire taire moi – et VOUS, les 75 000 000 grands patriotes qui ont voté pour moi », a écrit le président sortant.

Mais ce message a lui aussi été quasiment immédiatement supprimé par la plateforme.

Reclus dans la Maison-Blanche, lâché par nombre de ténors républicains, c’est justement d’un tweet, laconique, qu’il avait annoncé plus tôt qu’il n’assisterait pas, contrairement à la tradition, à la cérémonie d’investiture de son successeur.  

Ce message lourd de symbole restera le dernier de @realDonaldTrump et ses environ 88 millions d’abonnés au moment de sa suspension.  

Son absence le 20 janvier « est une bonne chose », lui a répondu M. Biden, lors d’un échange avec les journalistes depuis son fief de Wilmington, tout en soulignant que le vice-président Mike Pence serait, en revanche, le bienvenu à la cérémonie d’investiture.

PHOTO JEENAH MOON, REUTERS

Des manifestants portant le masque brandissent un drapeau américain marqué du mot IMPEACH (destitution). La manifestation Get him out! defend democracy (Sortons-le ! Défendons la démocratie) a eu lieu le 7 janvier à Brooklyn, en réaction à l’assaut du Capitole, la veille, par des partisans de Donald Trump qui cherchaient à empêcher la certification par le Congrès de l’élection de Joe Biden.

« Mon objectif principal est de rassembler le pays », a déclaré le président désigné, en évitant soigneusement d’entrer dans le débat sur un départ anticipé du milliardaire républicain.

De son côté, la cheffe des démocrates au Congrès américain Nancy Pelosi a déclaré s’être entretenue avec l’armée américaine pour s’assurer que Donald Trump, un « président déséquilibré », ne puisse pas utiliser les codes nucléaires.

Les drapeaux du Capitole ont été mis en berne après le décès d’un policier qui avait été blessé lors des affrontements avec des pro-Trump, portant le bilan total des violences de mercredi à cinq morts.  

Sous le feu de critiques, accusé d’avoir sapé les institutions et jeté de l’huile sur le feu : Donald Trump avait tenté jeudi soir de calmer le jeu, marquant une rupture spectaculaire après des semaines de rhétorique incendiaire.

Dans un message vidéo, le tempétueux président avait enfin reconnu sa défaite, même s’il n’a à aucun moment cité – encore moins félicité – son successeur démocrate Joe Biden.

Il avait également dénoncé « une attaque odieuse » sur le Capitole, sans jamais cependant évoquer sa responsabilité dans ce drame qui a durablement terni l’image de l’Amérique à travers le monde.

« Partez à Mar-a-Lago »

Certains de ses détracteurs estiment que le plus simple serait que le 45e président se taise et laisse de facto le vice-président Mike Pence aux commandes jusqu’au 20 janvier.

Pour Jeh Johnson, ancien secrétaire à la Sécurité intérieure, toute personne ayant un peu d’influence sur Donald Trump devrait lui faire passer un message simple : « Montez dans Air Force One, partez à Mar-a-Lago et restez-y. »

Le Wall Street Journal, propriété du magnat Rupert Murdoch, qui fut un allié de M. Trump, a appelé dans un éditorial ce dernier à prendre ses responsabilités et à démissionner.

Une première sénatrice, Lisa Murkowski, en a fait de même, assénant : « Je veux le voir partir. »

Deux membres du gouvernement ont démissionné.

Les dirigeants démocrates ont eux exhorté Mike Pence à déclarer, avec une majorité du gouvernement, que Donald Trump était « inapte » à remplir ses fonctions, sur la base du 25e amendement de la Constitution.

Mais le vice-président n’y est pas favorable parce qu’il craint d’aggraver les tensions, selon un de ses proches cité dans le New York Times.

Articles d’« impeachment »

Dans ce contexte, des élus démocrates à la Chambre des représentants se préparaient eux à présenter, possiblement dès lundi, des articles de mise en accusation (« impeachment »).

Selon un projet de document publié par plusieurs médias américains, les élus reprocheraient en particulier au locataire de la Maison-Blanche d’avoir « délibérément fait des déclarations qui ont encouragé […] des actes illégaux au sein du Capitole ».

« Le comportement du président Trump le 6 janvier 2021 était dans la droite ligne de ses efforts précédents visant à faire obstruction à la certification des résultats de l’élection présidentielle de 2020 », peut-on encore lire.

« Ce faisant, le président Trump […] a menacé l’intégrité du système démocratique », ajoute le texte.

Le chef de la minorité républicaine à la Chambre, Kevin McCarthy, a mis en garde les démocrates, estimant qu’ouvrir une telle procédure contre Donald Trump ne ferait « que diviser le pays encore plus ».

Pour destituer Donald Trump, il faudrait ensuite qu’il soit jugé coupable par les deux tiers du Sénat, ce qui n’a aucune chance de se produire avant la prestation de serment de Joe Biden, le 20 janvier.

Reste qu’un second « impeachment », après l’échec d’un procès en destitution début 2020, laisserait une marque indélébile sur son bilan : aucun président américain n’a subi cette infamie.

Les images prises de l’intérieur du majestueux bâtiment marqueront l’Histoire : élus portant des masques à gaz, agents de la police en civil arme au poing, manifestants installés dans les bureaux des parlementaires.

La justice a commencé la traque des responsables. Quinze personnes ont été inculpées, a annoncé le département de la Justice, et d’autres arrestations et inculpations devraient suivre.