De notre correspondante, envoyée spéciale sur le terrain

Les appels au calme se multiplient aux États-Unis, alors que Donald Trump, un despote aigri et vieillissant retranché depuis des jours dans son palais présidentiel, continue de s’accrocher au pouvoir à n’importe quel prix.

PHOTO JIM URQUHART, REUTERS

Des partisans du président américain Donald Trump qui refusent de reconnaître la victoire de Joe Biden manifestent à Phoenix, en Arizona.

Plus d’une semaine après une élection présidentielle à haut risque, le climat politique se détériore dans cette nation de 330 millions d’habitants, située entre le Mexique et le Canada, en Amérique du Nord.

Les craintes de violences postélectorales sont vives dans ce pays profondément divisé et ravagé par une épidémie mortelle désormais hors de contrôle.

Donald Trump, leader autocratique qui se cramponne au pouvoir malgré sa défaite, le 3 novembre, a entrepris une purge au sein de l’appareil politico-militaire de cette grande puissance en déclin, détentrice de l’arme nucléaire.

Lundi, l’homme fort a limogé le chef du Pentagone — nom donné au département de la Défense (NDLR). Ce dernier s’était opposé au déploiement de l’armée dans les rues pour réprimer la grogne populaire envers le régime.

Décrit par d’anciens apparatchiks comme un tyran prompt aux sautes d’humeur et incapable d’accepter la moindre dissidence, Donald Trump a placé ses hommes de main aux postes-clés de la sécurité nationale.

Il a notamment provoqué l’incrédulité en offrant à l’un de ses partisans les plus zélés, Tony Tata, le siège crucial de sous-secrétaire au renseignement.

Général à la retraite, Tata a flirté dans le passé avec des théories du complot. Ce même Tata a qualifié l’ancien président Barack Obama, récipiendaire du prix Nobel de la paix, de « leader terroriste ».

La purge amorcée au sein des plus hautes sphères du pouvoir fait craindre le pire pour la nation américaine, fragilisée par une crise sanitaire et économique sans précédent.

L’ancienne colonie britannique dispose de ressources naturelles abondantes. La république est l’une des plus importantes productrices de bananes au monde. Malgré un taux d’obésité inquiétant, l’espérance de vie y est élevée.

Mais ce tableau est assombri par une ligne de fracture croissante, nourrie par la rhétorique enflammée de Donald Trump. Ses partisans, issus de la majorité ethnique blanche, se concentrent dans les campagnes. Les zones urbaines, fiefs de l’opposition, sont pour leur part contrôlées par la gauche radicale.

Au cours des derniers mois, des émeutes et des pillages, provoqués par des tensions raciales, ont forcé l’imposition de couvre-feux dans les grandes villes du pays.

À Washington, la capitale, des civils se sont débrouillés avec les moyens du bord — des planches de contreplaqué — pour protéger leurs commerces. La Maison-Blanche — nom donné au palais présidentiel (NDLR) — a aussi été barricadée.

Alors que les autorités en place tentent de prévenir des insurrections rebelles en zones urbaines, les régions rurales fourmillent de milices, ont constaté des journalistes dépêchés sur le terrain.

Des groupes paramilitaires, fidèles au parti au pouvoir, se déplacent en convois, brandissant drapeaux et armes d’assaut. Terrorisés, les simples civils s’arment à leur tour, massivement, en prévision du pire. La communauté internationale craint un bain de sang.

Dans ce contexte explosif, Donald Trump continue à crier à la fraude parce qu’on dépouille des bulletins de vote, ravivant les conjectures sur sa santé mentale. Bien qu’il se qualifie lui-même de « génie très stable », des observateurs indépendants l’estiment en proie à un délire paranoïaque.

Malgré tout, les bonzes du régime se rangent derrière lui. Le chef de la diplomatie promet une transition en douceur vers un deuxième mandat de Trump. Le département de la Justice a mis en marche la machine gouvernementale pour trouver des preuves de fraudes électorales, jusqu’ici non avérées.

Donald Trump est aussi défendu bec et ongles par les membres de l’oligarchie familiale. Mais, lâché par les leaders du monde qui lui préfèrent son opposant, le patriarche se retrouve de plus en plus isolé sur la scène internationale.

La défaite est difficile à accepter pour cet autocrate, d’autant qu’il s’était assuré de lever les obstacles nuisant à sa réélection. Il avait usé de propagande pour cibler les journalistes indépendants et discréditer ses adversaires politiques. Il avait aussi fait en sorte de museler des milliers d’électeurs noirs, pour la plupart opposés au régime.

L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont été les premiers à lancer un avertissement, prévenant leurs concitoyens aux États-Unis d’éviter les rassemblements et de se mettre à l’abri en cas de débordements violents.

Il s’agit d’un revirement dramatique pour les États-Unis, longtemps considérés comme un havre de paix dans une région troublée du globe — le Canada, au nord, a frôlé la dissolution à deux reprises au cours des 40 dernières années.

Rien n’indique par ailleurs que le Canada ait élaboré un plan d’évacuation pour ses ressortissants coincés sur le sol américain. Cette contrée nordique ne compte pas davantage fermer le chemin Roxham, considéré comme un important point de passage frontalier, pour bloquer un éventuel afflux de réfugiés américains sur son territoire.

Rappelons que le Canada, ancienne colonie britannique riche en bois et en pétrole, est toujours officiellement gouverné par une reine nonagénaire établie dans un château en Angleterre.

Note : Ce texte est une satire. On a l’habitude de lire des dépêches à propos de dictatures qui sévissent dans des contrées lointaines. J’en ai moi-même rédigé plus souvent qu’à mon tour. Je me suis inspirée de la forme d’écriture de ces dépêches pour décrire — ironiquement et en forçant à peine le trait — la gravité ce qui se passe en ce moment aux États-Unis.

Merci au journaliste kényan Patrick Gathara, qui m’a donné l’idée de cette chronique. Suivez-le sur Twitter @gathara pour lire sa « couverture » de la présidentielle américaine, vue de Nairobi.