Le président désigné des États-Unis, Joe Biden, souhaite rompre résolument avec l’unilatéralisme préconisé par son prédécesseur et rétablir les liens du pays avec ses alliés traditionnels pour lui permettre de retrouver une place centrale sur l’échiquier politique international.

Les efforts de l’élu démocrate pour contrer l’approche diviseuse préférée depuis quatre ans par Donald Trump devraient notamment renforcer la position américaine face à la Chine, ont indiqué lundi des experts de la Brookings Institution lors d’une table ronde virtuelle portant sur les priorités de la nouvelle administration en matière de politique étrangère.

La position des États-Unis envers Pékin « paraîtra un peu différente », mais la nature « compétitive » de la relation entre les deux pays va demeurer, a prévenu Ryan Hass, spécialiste des relations sino-américaines.

L’alliance avec d’autres pays, notamment en Asie, devrait permettre à Washington de faire pression plus efficacement sur le régime chinois, incluant sur des questions de violation des droits de la personne, Joe Biden ayant promis de mettre la défense des « valeurs » démocratiques au cœur de son action.

Michael O’Hanlon, qui s’occupe des questions de défense, relève qu’une telle alliance risque de s’avérer précieuse sur le plan diplomatique pour convaincre le régime chinois de ne pas passer à l’offensive militairement contre Taïwan.

David Dollar, qui s’intéresse de près aux relations entre la Chine et les États-Unis, pense que le retour américain annoncé dans l’accord de Paris sur le réchauffement climatique ainsi que le rétablissement des liens avec l’Organisation mondiale de la santé vont forcer Washington et Pékin à coopérer plus régulièrement.

La situation, dit-il, devrait permettre d’éviter que leur relation « poursuive sa chute libre ».

Nucléaire iranien

Les engagements de Joe Biden envers une approche multilatérale pourraient aussi donner des résultats dans les relations du pays avec l’Iran.

Le président Trump a désavoué pendant son mandat l’accord sur le nucléaire iranien qui avait été négocié sous l’administration de Barack Obama, favorisant sans succès une approche de « pression maximale » pour forcer la renégociation des termes de l’accord avec Téhéran.

Suzanne Mahoney, spécialiste du Moyen-Orient à la Brookings Institution, pense que la nouvelle administration américaine voudra montrer dans le dossier iranien qu’elle est prête à s’engager « dans de sérieuses négociations diplomatiques pour régler de sérieux problèmes ».

Il serait cependant mal avisé de la part de Joe Biden de « re-sauter à pieds joints » dans l’accord passé, relève l’analyste, qui s’attend à ce que l’élu démocrate cherche des appuis auprès des autres pays chargés de veiller à son application pour convaincre Téhéran de prendre des engagements additionnels.

Changement de cap avec l’Arabie saoudite

Un changement de cap est à prévoir par ailleurs dans la région avec l’Arabie saoudite, qui avait réussi à maintenir des liens très étroits avec Donald Trump et son entourage malgré l’exécution du journaliste Jamal Khashoggi.

« Les Saoudiens sont au courant que ce ne sera pas la même chose avec Joe Biden. C’est pourquoi ils ont mis du temps à se joindre à la fête » et à le féliciter officiellement après que sa victoire a été annoncée par les grands médias américains samedi, relève Mme Mahoney.

Elle s’attend notamment à ce que la nouvelle administration démocrate retire son soutien à Riyad dans la guerre en cours au Yémen, qui a fait des dizaines de milliers de morts.

Des séquelles en Europe

Des changements marqués sont aussi à prévoir sur le plan diplomatique en Europe, où les manières musclées de Donald Trump ont laissé des séquelles.

Célia Belin, spécialiste de la région, note que l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche sera « accueillie avec un soupir de soulagement » par nombre de dirigeants européens qui le connaissent.

« Ils se disent qu’il y aura du dialogue et du travail d’équipe plutôt qu’une opposition frontale », relève Mme Belin, qui s’attend à ce que le président désigné réitère l’engagement des États-Unis envers l’OTAN et revoie l’approche du pays envers la Turquie et le régime autoritaire de Recep Teyyip Erdoğan.

Les Européens « ont l’impression que beaucoup de temps a été perdu au cours des dernières années et ils veulent rapidement repartir de l’avant » avec l’arrivée de Joe Biden, dit Mme Belin.

Mme Mahoney prévient qu’il ne faut pas négliger les risques à l’international posés par la période de transition des prochains mois, particulièrement si Donald Trump refuse de reconnaître la victoire de son adversaire.

« Ça pourrait être mouvementé si certains pays décident d’utiliser l’incertitude pour faire avancer leur agenda », relève-t-elle.