La sénatrice républicaine modérée Susan Collins remporte un cinquième mandat

Si de grands chambardements s’annonçaient au Maine durant la campagne, les électeurs ont finalement été fidèles à leur réputation d’indépendance en élisant des candidats de tous les partis. Comme en 2016, ils ont accordé trois votes du collège électoral aux démocrates, un vote aux républicains, et ont reporté au pouvoir la sénatrice républicaine modérée Susan Collins pour un cinquième mandat.

Au bout du compte, constate le politologue, Mark Brewer, de l’Université du Maine, la plus grande surprise de ce scrutin au Maine aura été cette réélection de la sénatrice Susan Collins. « La plupart des gens, moi compris, pensaient que la course serait beaucoup plus serrée », a-t-il observé mercredi. À peu près tous les sondages de l’automne indiquaient qu’elle tirait de l’arrière dans sa course contre la candidate démocrate Sara Gideon. « Et finalement, Susan Collins a gagné par une marge assez confortable. »

Susan Collins, en poste depuis 1997, avait remporté sa dernière victoire en 2014 avec plus de 30 points d’avance sur son adversaire démocrate. Cette fois-ci, sept points la séparent de Sara Gideon. En début d’après-midi mercredi, Sara Gideon a concédé la victoire à Mme Collins. « Allons prendre du repos, réfléchir sur le travail que nous avons accompli, avant de retourner au boulot », a-t-elle déclaré à ses partisans. Mme Collins a souligné « l’élégance » de son opposante lors de cette concession.

La réélection de Susan Collins au Sénat est l’une des surprises les plus douloureuses encaissées par les démocrates. Appréciée pour sa modération et ses relations bipartisanes, Susan Collins a vu sa popularité auprès des électeurs indépendants du Maine souffrir de son appui donné en octobre 2018 à la nomination du juge Brett Kavanaugh à la Cour suprême, alors qu’il était visé par des allégations d’agressions sexuelles. Les démocrates espéraient récupérer ce précieux siège pour obtenir une majorité au Sénat.

Que s’est-il passé pour que les électeurs déjouent les prédictions ? Il est possible, évoque M. Brewer, que les indécis (3,6 % des électeurs, selon un sondage publié la semaine dernière) aient finalement décidé de se ranger en masse derrière Mme Collins.

« Il faudra faire d’autres analyses, mais elle pourrait avoir raflé plus de votes d’électeurs indépendants que prévu », dit le politologue.

Cette indépendance des Mainers s’est aussi exprimée dans le 2e district congressionnel (au nord de Portland), où les électeurs ont réélu un représentant démocrate au Congrès, tout en préférant Donald Trump à Joe Biden à la présidence. « Au pays, les électeurs ont moins tendance à fractionner leur vote entre les partis qu’il y a 30 ans. Mais au Maine, c’est encore possible », observe Mark Brewer.

Vote préférentiel

Cette élection 2020 au Maine revêtait un caractère historique par le recours, pour la première fois au pays dans une course sénatoriale et présidentielle, au bulletin de vote préférentiel. Au lieu de voter pour un seul candidat, les électeurs avaient la possibilité de choisir plusieurs candidats, en les classant par ordre de préférence. Lors du décompte des voix, les candidats ayant obtenu le moins de premiers choix devaient être éliminés, et les deuxièmes choix de leurs électeurs allaient être redistribués aux autres candidats, jusqu’à ce que l’un d’eux obtienne plus de 50 % des voix.

Mais cette fois-ci, et dans toutes les courses importantes mardi, un candidat a obtenu la majorité des voix dès le premier tour. C’est le cas de la sénatrice Susan Collins, qui a remporté la victoire avec tout juste 50,3 % des voix au premier tour.

« Je suis un peu déçue », admet, au bout du fil, Anna Kellar, jointe mercredi à Portland. La directrice de l’organisme Maine Citizens for Clean Elections a consacré une bonne partie de la campagne à faire la promotion du vote préférentiel et de ses avantages. Elle suggère que « la polarisation en ce cycle électoral » a incité les électeurs à voter stratégiquement pour l’un ou l’autre des deux principaux partis, plutôt que de prendre le risque de voter pour un tiers parti même s’il représentait ses valeurs.

La candidate indépendante Lisa Savage (4,3 % des voix) est également déçue du résultat. Elle misait sur le vote préférentiel pour attirer les électeurs progressistes et ultimement joindre ses voix à celle de la candidate démocrate pour défaire Susan Collins. « J’espère que les gens du Maine commencent à comprendre la façon dont le vote préférentiel leur permet de voter selon leurs valeurs », a-t-elle indiqué dans une déclaration.